lundi 31 juillet 2023

 (Le monde agricole français condamné à disparaître par la génération davos se pose des questions sur le devenir de ses méthodes culturales. note de rené)


Veni, vidi, vici (France)


Après deux années saluées par la profession, le salon Innov-agri reste sur sa dynamique. Alors que les inscriptions sont closes, les organisateurs de l’édition 2023, qui se tiendra du 5 au 7 septembre à Outarville (Loiret), annoncent une fréquentation équivalente à celle de l’avant Covid-19 en termes d’exposants – quelque 250. Quatre ans après le coup de frein imposé par la crise sanitaire, l’offre « terrain » séduit plus que jamais ! Même en ayant étendu la surface de 15 % par rapport à 2021, tout l’espace est déjà réservé. À souligner cependant que la nouvelle organisation a libéré de la place au profit des zones de démos ! L’idée de condenser pour faire plus sur moins de surface a donc trouvé son public.

Le principe de l’allée unique, lancé en 2021, a été conservé pour 2023. La circulation en boucle semble plus claire pour les visiteurs, qui ne risquent pas de passer à côté - au sens figuré - d’un stand. Selon l’organisation, l’ADN du salon s’affirme toujours plus et se résume en un mot : terrain. Entre 75 et 80 000 visiteurs sont attendus durant les trois journées, ce qui donne du fil à retordre aux équipes, qui travaillent d’arrache-pied pour proposer un millésime qui soit source d’idées et de conseils personnalisés à chaque exploitant. Rendez-vous donc sur place pour découvrir ce que la filière réserve comme nouveautés, représentées au travers d’environ 300 marques. Depuis l’édition 2021, baptisée « Restart », le nombre de postulants augmente à tel point que le site ne suffit plus à accueillir tout le monde. Détail plutôt flatteur, surtout si l’on se réfère à l’autre grand salon qu’est le Sima, qui subit des désistements à répétition pour sa prochaine session en 2024 à Paris… Sans doute est-ce la preuve que le paysan aime fouler la terre des parcelles céréalières, dans lesquelles, par ailleurs, il peut voir et toucher le matériel, ce qui n’est pas le cas lors du salon sur moquette rouge.

Seule certitude, depuis la crise sanitaire, les habitudes ont évolué et la convivialité reste un pilier du monde paysan. Certaines marques l’ont bien compris, et organisent plutôt des roadshow pour venir directement au contact des agriculteurs. Face à l’engouement rencontré par ces évènements, certaines parlent même de ne plus retourner à Paris.

Dans le Loiret, au cœur du dispositif, les cinq « villages » thématiques d’Innov-agri seront orientés autour des problématiques qui préoccupent la profession : l’agroécologie, la robotique, les nouvelles énergies, la gestion de l’eau ainsi que l’emploi, la formation, l’installation et la transmission.

Le savoir-faire du fermier pour faire fonctionner l’agroécologie

L’agroécologie est perçue comme une agriculture invitant à se remettre constamment en question. Elle se fonde sur une forte démarche d’expérimentation, rien n’est jamais acquis puisqu’il faut s’adapter en permanence aux conditions changeantes de la nature. ( © Jim Black/Pixabay)

L’agroécologie, quoi qu’on en pense, a l’avantage de replacer le fermier au centre de la production. Elle devrait aussi permettre aux fermes de gagner de l’autonomie économique. Pour négocier le virage que la profession aborde, dépasser le principe du « un problème = une solution » est devenu primordial. La pratique des méthodes dites « agroécologiques » doit plutôt être vue comme une agriculture complexe qui ne fonctionnera que grâce au savoir-faire du fermier et à ses capacités d’observation, de réflexion, d’adaptation et d’anticipation. Comprendre son sol ainsi que l’écosystème gravitant autour constitue la base. Pour garantir la production agricole à l’échelle mondiale, cet agroécosystème doit rester productif et durable, d’où la nécessité d’appréhender la complexité du vivant et donc de remettre la science et l’agronomie au cœur de la réflexion.

C’est exactement ce à quoi le village Agroécologique d’Innov-agri s’attellera, en vue d’aider les professionnels à, non plus trouver ce qui marche, mais rendre leur agroécosystème résilient afin de demeurer productif malgré les changements réglementaires et climatiques. Matthieu Archambeaud, Julien Hérault, Bruno Sirven, l’Apad… pléthore de spécialistes seront présents, et le programme proposé se montrera tout aussi vaste. Biodiversité, fertilité du sol, machinisme, matière organique ou encore érosion, les sujets sont nombreux qui peuvent aider les paysans à parfaire leurs connaissances et à revenir aux fondamentaux du métier, trop souvent oubliés, en vue de répondre à la massive demande de production.

Des robots pour les tâches rébarbatives ?

Afin d’aider les visiteurs à imaginer l’agriculture du futur, des ateliers participatifs seront proposés qui permettront de se projeter dans le temps. ( © Adobe Stock)

Le village Robotique est le deuxième que les visiteurs trouveront sur leur passage. Est-ce là la porte d’entrée vers l’agriculture de demain ou le fantasme futuriste de certains constructeurs ? Quoi qu’il en soit, l’objectif est de permettre de découvrir les différents robots existants et, pour certains, déjà commercialisés. Du concret, donc, avec des ateliers mettant en perspective les impacts de la robotique et du numérique sur les exploitations. Afin de mieux s’imprégner de ce à quoi pourrait ressembler le métier à l’avenir, des ateliers participatifs seront également proposés.

Au vu des apports potentiels pour l’agroécologie et la transition écologique, le numérique et la robotique agricole se distinguent comme des technologies de rupture ouvrant de nouveaux horizons pour l’ensemble des filières. La France, qui semble avoir pris une longueur sur le marché des machines autonomes, figure parmi les leaders.

Grâce à la vitrine numérique, l’exploitant accédera à un aperçu des avancées technologiques et des travaux pour lesquels l’humain pourra céder sa place aux machines. Des prototypes devraient y être présentés. À souligner que l’intelligence artificielle favorise le développement des robots dont les capacités s’accroissent. L’environnement devrait y gagner. Les machines autorisent un entretien mécanique des cultures, ce qui induit une chute drastique de la quantité de produits chimiques employée. Les tâches ingrates diminuent, ce qui résout aussi, en partie du moins, la pénurie de main-d’œuvre à laquelle l’agriculture fait face. Sécurité, réglementation, gestion des données, des freins restent cependant à lever pour avancer davantage.

Producteur de denrées et d’énergies, une association possible

L’agriculteur devient multi-casquette. Il devrait aussi devenir producteur d’énergies alternatives, grâce à l’agrivoltaïsme et la méthanisation. Un village sera consacré à ce thème pour accompagner au mieux la transition des exploitations. ( © Adobe Stock)

Autre sujet d’actualité : l’agrivoltaïsme et la méthanisation. Deux mots au cœur du débat politique national, notamment depuis que le président Emmanuel Macron a verbalisé l’innovation dans son discours de Belfort, début 2022. Le Sénat a d’ailleurs rédigé et adopté sa proposition de loi « en faveur du développement raisonné de l’agrivoltaïsme », aussitôt intégrée dans le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables. Depuis le début de l’année, le cadre légal a été dessiné pour que la filière dispose d’une base de travail. Le débat s’oriente aussi vers les choix stratégiques que les territoires doivent faire en vue d’accélérer vers la neutralité carbone et de se protéger des effets délétères du changement climatique. Sans oublier que les administrations doivent aussi œuvrer en faveur de la souveraineté alimentaire, dans des logiques de circuits courts, de manière à assurer leur développement économique et remplir leur mission de service public. La méthode, dès lors qu’elle se développe autour de projets agricoles, semble redonner de l’attractivité au métier, qui peine actuellement à se renouveler faute de repreneurs.

Pour s’introduire dans le groupe des méthaniseurs et donc produire du biométhane, inutile d’être éleveur ! En recyclant les couverts végétaux et les résidus de cultures, le producteur, au passage, valorise sa ferme via la production d’engrais organique (digestat). Il contribue également à rendre le pays plus autonome en énergie grâce au gaz renouvelable fabriqué sur l’exploitation. Tout en accédant à une source de revenus supplémentaire. Le tarif a augmenté de 18 % le 13 juin dernier, en vue d’attirer davantage de projets d’injection directe. Les quantités injectées ont été annualisées, le tarif dégressif a été neutralisé et enfin, la baisse du tarif en cas de subvention de l’Ademe a été supprimé. Des signaux importants de la part de l’État, qui confirme par ailleurs sa volonté de développer la filière méthane et la décarbonation des usages gaz en valorisant des déchets organiques. Selon les chiffres de la filière, la capacité devrait atteindre 20 % de la consommation nationale de gaz d’ici 2030, soit 70 TWg.

Bien gérer chaque mètre cube d’eau

Le réchauffement climatique induit des besoins en eau toujours plus importants. Alors que la ressource est limitée, chaque mètre cube prélevé doit être utilisé au mieux pour ne rien gâcher et maintenir la productivité des cultures. ( © Simin ZoranAdobe Stock)

En mars, les manifestations de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ont fait couler de l’encre. Stocker de l’eau dans des mégabassines en vue d’irriguer les cultures relève d’un accaparement par les agriculteurs, ce que tous ne voient pas du même œil… L’eau est et demeurera indispensable à l’activité agricole, quel que soit le mode de production. D’où la nécessité de relever, là encore, des défis. Et les thèmes ne manquent pas : évolution climatique, pression sociétale, pérennité des exploitations, qualité des produits, diversification, coût de l’énergie, etc. Il faut sécuriser ou développer sa capacité d’irrigation tout en améliorant l’efficience de chaque mètre cube d’eau prélevé. Durant le salon, à Outarville, le village Gestion de l’eau visera à présenter des éléments en matière de réglementation liée à la création de nouveaux forages ou de réserves d’irrigation, des études « loi sur l’eau », des études de faisabilité en fonction de la nappe captée, des études collectives ou territoriales dans le cas de réserves d’irrigation (PTGE), des financements mobilisables…

Le matériel, lui aussi, profite des avancées technologiques pour gagner en précision et donc en efficience. Pompes, enrouleurs, rampes ou encore pivots, divers équipements (et leurs nouveautés) seront exposés. Tous les éléments nécessaires au dimensionnement et au chiffrage d’une future installation, voire à la modernisation d’une actuelle, seront détaillés. Tout comme les outils de pilotage permettant d’augmenter l’efficience de l’eau d’irrigation.

En Centre-Val de Loire, 70 % des agriculteurs se seront arrêtés d’ici 20 ans

Le sujet de la transmission des exploitations est préoccupant. La profession doit séduire à nouveau les jeunes générations, au risque de ne plus être suffisamment nombreux pour produire la nourriture du monde entier. ( © Adobe Stock)

Dernière thématique, mais pas des moindres, l’installation et la transmission des exploitations. À titre d’exemple, dans la région Centre-Val de Loire, 70 % des agriculteurs auront stoppé leur activité d’ici vingt ans. Pour maintenir le nombre d’actifs, quelle autre solution que d’installer les jeunes ? L’enjeu est de moderniser les dispositifs d’accompagnement à l’installation et la transmission, tout en rendant le métier plus attractif. La robotique et les nouvelles technologies y contribuent, mais ne suffiront pas. Fortes de ce constat, les institutions souhaitent simplifier le parcours à l’installation et le dispositif d’accompagnement proposé, qui doit être réorganisé et auquel il faut apporter de la valeur ajoutée. Les chambres d’agriculture deviendraient le guichet unique d’entrée vers toutes les autres organisations professionnelles agricoles.

Autre enjeu : s’adapter à tous les publics en répondant aux attentes des porteurs de projets, et les accompagner de sorte que s’installer rime avec durabilité et rentabilité. La jeune génération n’est plus prête à travailler pour la gloire, comme ont pu le faire ses aïeux. Enfin, pour renforcer l’attractivité du métier, le juste prix des productions agricoles doit devenir réalité.

Innov-agri conserve ses plateformes de démonstration afin que chacun puisse tester et toucher du doigt le matériel. L’occasion de se tenir à jour quant à l’offre des acteurs de l’agrofourniture quelle que soit leur taille. Plus de 300 marques seront présentes, des intrants au stockage de la récolte, en passant par le matériel et les services. Environ un quart d’entre elles seront de nouveaux exposants. Côté pratique, notez que le billet d’entrée est offert par le Groupe France Agricole, qui tient à rendre l’évènement accessible à tous. Il suffit de s’enregistrer sur le site de l’organisation.

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