WikiLeaks : La Cour Suprême du Royaume-Uni a refusé le recours en appel de Julian Assange
La défense a estimé que si elle avait eu connaissance de telles garanties a priori, pendant la première audience concernant l’extradition d’Assange, elle aurait pu fournir des preuves issues d’affaires antérieures sur leur manque de fiabilité. Malheureusement pour le lanceur d’alerte, elle n’en a jamais eu l’occasion.
29 mars 2022 - Maïté Debove La Relève et la Peste
Après plus de dix ans de combat acharné judiciaire, et après avoir d’abord refusé son extradition vers les Etats-Unis, la Cour Haute britannique a finalement accepté la requête américaine, et a refusé le recours en appel de Julian Assange, fondateur de la plus grande plateforme de partage de documents relatifs à des scandales de corruption, d’espionnage et de violation des droits de l’homme à travers le monde, WikiLeaks. Un retournement de situation néfaste pour la protection des lanceurs d’alerte.
En 2010, WikiLeaks publie 77 000 documents classés secret défense sur les crimes de guerre des Etats-Unis et de leurs alliés en Irak et en Afghanistan. Les autorités américaines lancent une enquête selon la loi fédérale de l’Espionnage Act of 1917 contre la plateforme et son fondateur.
En décembre, deux suédoises font une déposition contre Julian Assange pour délit sexuel. Elles ne déposent pas de plainte, mais la police en informe le parquet. Assange nie toute implication et estime qu’il s’agit d’un coup monté, mais se rend à la police au Royaume-Uni.
Libéré sous caution, la justice décide en 2012 qu’il doit être extradé vers la Suède. Assange redoute une extradition vers les Etats-Unis et trouve refuge dans l’ambassade de l’Équateur à Londres pour demander l’asile politique. Sa demande est étudiée tandis qu’on lui laisse la possibilité de rester à l’intérieur de l’ambassade.
Il y vit reclus, dans une seule pièce, jusqu’en avril 2019. Il y est surveillé par la CIA américaine constamment. Son état psychologique se dégrade fortement.
Le parquet suédois décide d’abandonner les poursuites pour viol le 19 mai 2017, et l’affaire est classée sans suite, mais le mandat d’arrêt britannique est maintenu, pour ne pas avoir respecté les conditions de la liberté sous caution.
Jennifer Robinson, une des avocates de WikiLeaks, déclare dans un communiqué : « Si Julian Assange sort de l’ambassade aujourd’hui, il risque une extradition vers les Etats-Unis. Le gouvernement britannique refuse de confirmer ou de nier s’il existe une demande d’extradition, ce qui signifie qu’on ne peut pas être certain qu’il ne sera pas arrêté et extradé s’il sort de l’ambassade. »
Le 3 avril 2019, WikiLeaks publie l’affaire « INA papers », qui accuse le nouveau président équatorien Lenín Moreno et sa famille d’une grave affaire de corruption. Le président met fin au droit d’asile de Julian Assange, et il est incarcéré 50 semaines pour violation de liberté provisoire, en isolement strict, habituellement réservé aux terroristes internationaux.
Le 23 mai, la justice américaine inculpe Assange pour espionnage : il risque 175 ans de prison. Amnesty International, des experts de l’ONU et de nombreux médias exposent les risques de graves violations des droits humains s’il venait à être extradé aux Etats-Unis.
Cependant, le 4 janvier 2021, le tribunal britannique rejette la demande d’extradition, pour des raisons médicales et des forts risques de suicide; une décision qui à première vue semble historique pour la liberté d’expression et de la presse, ainsi que la sécurité des lanceurs d’alerte.
Lire aussi : Victoire : la justice britannique refuse l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis
Mais le 15 janvier 2021, les Etats-Unis font une demande d’appel. Le 10 décembre, après le procès en appel, la justice britannique annule la décision de première instance et ouvre la voie à une extradition.
Washington a annoncé que Assange ne serait pas placé sous le régime d’incarcération le plus sévère, qu’il recevrait les soins de santé adéquats, et qu’il y a une possibilité pour que Julian Assange puisse purger sa peine en Australie, son pays natal. Ces arguments ont convaincu la Cour britannique.
Les avocats d’Assange ont fait valoir que les assurances des Etats-Unis étaient arrivées commodément, a posteriori du premier jugement de la Haute Cour. Cette dernière a tenté de justifier cette attente :
« Nous observons que la décision selon laquelle toutes les conclusions finales doivent être faites par écrit, dans une affaire où les arguments ont été très variés pendant de nombreux jours d’audience, pourrait bien avoir contribué à la difficulté rencontrée par les États-Unis pour offrir des assurances appropriées plus tôt qu’ils ne l’ont fait »
La défense a estimé que si elle avait eu connaissance de telles garanties a priori, pendant la première audience concernant l’extradition d’Assange, elle aurait pu fournir des preuves issues d’affaires antérieures sur leur manque de fiabilité. Malheureusement pour le lanceur d’alerte, elle n’en a jamais eu l’occasion.
Julian Assange a ainsi fait une demande d’appel à la Haute Cour face à la validation de son extradition, mais elle a été refusée, comme l’a annoncé sur Twitter sa femme Stella Morris, le 14 mars 2022. Les avocats d’Assange ont annoncé la prochaine étape : faire un appel incident auprès de la Haute Cour contre le jugement du tribunal de première instance.
Crédit photo couv : Julian Assange – Anarchimedia
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