jeudi 31 mars 2022

 

La ruée vers le paiement fractionné 

Technologie : La vague du paiement fractionné engloutit marchands, e-marchands, fintechs, banques et consommateurs. Petit tour d'horizon des forces en présence sur un marché en pleine expansion.

La ruée vers le paiement fractionné

Le concept "Buy Now, Pay Later" ["Achetez maintenant, payez plus tard" en français] se répand chez bon nombre de consommateurs français. Le paiement fractionné (ou le fait de régler un achat en plusieurs fois), qui comprend aussi le paiement différé (à savoir le fait de remettre un paiement à plus tard) s'est accru pendant la crise sanitaire et affiche aujourd'hui des perspectives de croissance à la hausse. On estime que le marché devrait s'établir à près de 25 milliards d'euros en France en 2025, alors qu'il atteignait les 6 milliards d'euros en 2019, selon les chiffres du cabinet Xerfi.

Si le paiement fractionné est promis à un bel avenir, c'est d'abord que les consommateurs y trouvent leur compte. Les ménages peuvent, par ce biais, acheter des biens de consommation plus onéreux dans les magasins et en ligne, comme des meubles ou des vélos, mais aussi des produits électroniques et des voyages, observe Samuel Manassé, CEO de Yavin, à ZDNet. Le fondateur de la société spécialisée dans les terminaux de paiement électroniques note que le succès de ce mode de paiement a tout de suite été fulgurant, même à ses débuts, lorsque le processus de vérification en boutique était encore fastidieux et nécessitait l'envoi d'un SMS en caisse.

Les consommateurs ne sont pas les seuls à en profiter. Les bienfaits du paiement fractionné sont aussi indéniables du côté des marchands et des e-marchands, constate Samuel Manassé, pour qui ce service peut représenter de « 10 à 30 % de leur chiffre d'affaires ». Les marchands et e-marchands ont su profiter de l'arrivée des fintechs sur ce segment. Samuel Manassé estime en effet que l'essor des start-up, comme Alma ou Klarna, a permis de décharger les commerçants d'une partie du risque et du poids de l'infrastructure. « C'est cette garantie qui a fait exploser le phénomène du côté marchand », dit le CEO de Yavin.

Les banques aussi tendent à s'aligner sur ce modèle. Dernier exemple en date, La Banque Postale vient d'annoncer le lancement de sa fintech Django, dédiée au paiement fractionné pour les commerçants et les e-commerçants. Cette solution en B to B to C fait écho à d'autres initiatives déjà sur le marché, comme Floa et Oney Bank.

Le fractionné, un mode de consommation à double tranchant

S'il y a pléthore d'acteurs sur le marché du fractionné, Kevin Ohana, CEO de la start-up française Joe, veut retrouver un lien plus direct avec les consommateurs. La société Joe, créée il y a près d'un an, œuvre à un système "direct to consumer", permettant aux consommateurs de redevenir maîtres de leurs dépenses, présente ce dernier à ZDNet. Car pour Kevin Ohana, l'essor de toutes ces solutions de paiement est à double tranchant. « Les acheteurs peuvent jongler entre toutes ces solutions pour effectuer plusieurs achats en fractionné. Notre objectif chez Joe est de lutter contre les risques de surendettement », souligne-t-il.

Joe vise à devenir une application de référence pour les utilisateurs qui souhaitent gérer leurs dépenses d'un seul coup d’œil. Pour utiliser le service, « il suffit de télécharger l'application et de connecter son compte bancaire », explique son inventeur. La société détermine ensuite si un consommateur est éligible ou non à cette forme de "mini-crédit". Généralement, Joe fixe des seuils d'endettement à ne pas dépasser, en fonction des capacités financières de chacun.

Pour l'instant, Joe a lancé un service "back in time" qui permet d'étaler une dépense post-achat. Comment cela fonctionne ? « Un client réalise une dépense avec sa carte et Joe renvoie instantanément le montant de la dépense directement sur son compte pour permettre à l'utilisateur d'échelonner ses remboursements », explique Kevin Ohana. Cette fonctionnalité nécessite d'avancer les fonds, mais surtout, elle permet aux acheteurs de réaliser des paiements fractionnés même chez les commerçants qui ne proposent pas ce service. Kevin Ohana soutient notamment que « près de 15 % des e-commerçants » ont intégré à ce jour une solution de paiement fractionné.

Joe s'apprête à lancer un deuxième service le mois prochain, cette fois-ci en anticipation d'un achat, pour permettre à un utilisateur de faire savoir quel montant il envisage de dépenser, et dans quelle enseigne. Joe génère alors une carte virtuelle de paiement sur la base de ces déclarations. Cette fonctionnalité démarrera dans un premier temps en ligne, bien que la start-up espère aussi ouvrir ce service en physique, via un système de wallet, précise Kevin Ohana.

Le phénomène gagne en popularité, et la start-up qui a fêté son premier anniversaire compte déjà près de 160 000 clients. Parmi les clients du fractionné qui utilisent les services de Joe, trois profils "types" se distinguent tout particulièrement, analyse Kevin Ohana, à savoir « les mères de famille, les jeunes sur le marché de l'emploi et les étudiants ». Ce qui importe, dit-il, est de « travailler sur l'inclusion financière ».

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