vendredi 4 octobre 2019


Justice internationale : Au bonheur des entreprises vampires ?

Après la Cour pénale internationale qui, nonobstant les crimes à grande échelle des puissances occidentales, cible prioritairement les Etats faibles notamment africains, ne devrait-on pas interroger l’impartialité supposée de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) ? Comme si elle prenait plaisir à tirer sur des ambulances, celle-ci condamne souvent des Etats en développement au paiement de montants hyperboliques ne prenant pas du tout en compte leurs taux alarmants de pauvreté. De ce constat deux exemples feront foi : Commisimpex au Congo-Brazzaville et Webcor au Gabon.

Spolier absolument les pays africains, pétroliers de surcroit. © syti.net

Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé, le 11 juillet dernier, un programme triennal de 448,6 millions de dollars au Congo-Brazzaville pour relancer l’économie de ce pays plombé par la chute des prix du pétrole mais aussi, et surtout, par des dettes aussi toxiques qu’opaques. Dans la foulée des négociations avec le FMI, il a intensément été question de Commisimpex, une entreprise qui réclame à Brazzaville 1,2 milliard d’euros, soit près de 15 % du produit intérieur brut (PIB) de ce pays. Respectant le droit financier international, le FMI n’a presque pas fait cas de Commisimpex, entreprise littéralement vampire comme celles récemment décrites par Gabonreview.
Si le FMI s’en est tenu au respect des règles fiscales et comptables du droit Ohada, ce n’est toujours pas le cas pour bien de tribunaux internationaux de commerce. L’on en vient à se remémorer de la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris qui a condamné le Gabon à payer environ 65 milliards de francs CFA au Groupe Webcor ; presque deux fois et demi les 27 milliards de francs CFA du projet de marché non construit ayant généré le litige.
L’impartialité supposée de la CCI
Après la Cour pénale Internationale, accusée à juste titre de mener une justice à deux vitesses ciblant prioritairement les Etats faibles, notamment ceux de l’Afrique noire, pour ignorer les crimes de guerre commis par des puissances occidentales, ne devrait-on pas également interroger l’impartialité supposée de la CCI ? A propos de quoi, un cadre de l’Agence judiciaire du Trésor gabonais renchérit : «surtout quand on voit qu’elle condamne un Etat en développement, où le taux de pauvreté est de plus de 33% de la population, à un montant faramineux de 65 milliards de francs CFA
D’ailleurs, dans le cas des 65 milliards de sanction infligée au Gabon, on se demande si l’Etat gabonais ne trinque pas pour avoir rechigné à payer les frais d’arbitrage exigés par la CCI. Pour autant serait-ce une raison valable pour le condamner aussi lourdement en requérant une pénalité financière représentant 21 fois le remblai de 3 milliards de francs CFA réalisé par l’entreprise ?
Au profit des entreprises occidentales
Le cas gabonais avec Webcor donne en tout cas l’impression d’une instrumentalisation du droit international, au profit des entreprises occidentales. Peu scrupuleuses celles-ci détournent la loi à leur avantage et profitent des faiblesses de certaines administrations publiques des pays en développement, un peu comme on fait dans l’arnaque. Mais, dans les tribunaux civils, est-ce parce qu’il serait plaignant que l’arnaqueur doit avoir raison ?
Dans le cas du Congo-Brazzaville, on est passé d’une ardoise de 100 millions d’euros en 1992, à 1,2 milliard d’euros aujourd’hui, une multiplication par dix de la dette initiale. C’est le résultat d’une escalade motorisée par les tribunaux de commerce d’Europe et des États-Unis que pratique, depuis deux décennies, Mohsen Hojeij, le promoteur de Commisimpex. On note par exemple que la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris (encore elle) s’est empressée de condamner, deux fois par le passé, le Congo dans cette affaire.
Joseph Ratzinger (le Pape Benoît XVI) a écrit à juste titre qu’«une justice sans morale devient injustice… [Cela] soumet l’homme à la dictature des majorités régnantes, à des mesures humaines arbitraires». Visiblement en effet, les tribunaux internationaux de commerce se soucient très peu des principes qui fondent la civilisation occidentale dès qu’ils sont face à des pays africains, pétroliers de surcroit, à qui il faut absolument extorquer une bonne portion des recettes de leur or noir, sinon qu’il faut continuer de spolier, d’exploiter par divers subterfuges. L’Afrique ne gagnerait-elle pas à se doter de sa propre cour internationale d’arbitrage, et de systématiser son recours en sortant définitivement des juridictions qui manifestement défendent des intérêts orientés ? La souveraineté nationale est également à ce prix.

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