(Seul, les états ont le droit de battre monnaie, alors, en quoi zukenberg transforme-t-il facebook ? note de rené)
Libra de Facebook : ce retour au féodalisme qu’il faut refuser
L’annonce, qui se profilait depuis quelques temps, par Facebook, du lancement d’une crypto-monnaie, le Libra, avec le soutien de 27 autres entreprises privées a été accueillie par la plupart des média par une neutralité bienveillante assez effarante. Pourtant, ils devraient au moins poser la simple question de la légitimité pour une entreprise privée de créer une monnaie…
Retour vers le passé
Voici une information qui en dit long sur notre époque. Un groupe d’entreprises privées mené par Facebook annonce vouloir créer une monnaie passant par dessus les Etats, et la plupart des commentateurs n’y trouvent rien à redire. Ils sont tellement fascinés par l’audace révolutionnaire d’une telle annonce qu’ils débranchent leur cerveau et oublient de poser des questions élémentaires, comme la légitimité d’un groupe d’entreprises privées à créer une monnaie, ce qu’elles en tireraient, ou la nature profonde de la monnaie dans le contrat social. Car une monnaie, ce n’est pas rien, et laisser faire une telle initiative serait assez extravagant, tant les conséquences seraient grandes.
Bien sûr, en parlant de technologie, les promoteurs de Libra pourront enfourcher l’argument de la modernité, à laquelle les grincheux ne comprendraient rien. Sauf que la blockchain n’est qu’une technique qui permet de parer une vieille idée d’atours plus contemporains. En effet, la monnaie n’a pas toujours été un instrument de l’Etat, comme l’explique Jean-Claude Werrenbrouck, dans son livre sur les banques centrales. Comme je l’avais également expliqué, au 19ème siècle aux Etats-Unis, chaque banque pouvait émettre sa propre monnaie et pendant une longue période, il n’y eut plus de banque centrale outre-Atlantique, avant que les crises financières poussent à son retour en 1913.
Derrière l’annonce de Facebook, il ne faut pas se voiler la face, il y a surtout des intérêts, privés, bien compris. D’abord, il s’agit de l’opportunité de « disrupter » le marché bancaire, en clair, de prendre une partie du juteux gâteau bancaire que bien des grandes entreprises regardent avec envie. En effet, ce faisant, les nouveaux entrants pourraient probablement également accéder à la création de monnaie à leur propre profit, une possibilité intéressante. En outre, ce nouvel outil pourrait à nouveau faire reculer l’usage d’argent liquide, qui ne rapporte rien aux entreprises, au contraire des transactions électroniques, sur lesquelles des dimes sont prises par tous les intermédiaires du monde. Mieux, ces transactions électroniques laissent des traces numériques, dont Facebook est très friand…
Mieux encore, Libra permettrait à des entreprises privées de s’éxonérer encore plus de la tutelle étatique. Bien sûr, au début, pour rassurer, Facebook annonce qu’elle serait basée sur un panier de monnaies, mais rien n’est dit sur les proportions de couverture : 1 ou 100%... On se doute que le groupement gardera toute liberté pour pouvoir créer à sa guise, et à son profit, toute la monnaie qu’il le souhaite si jamais sa monnaie venait à s’imposer… Nul doute non plus que Libra serait aussi un outil commode pour échapper plus facilement encore à la fiscalité des Etats où elle serait utilisée puisqu’elle ne serait pas l’outil d’un Etat. Un co-fondateur de Facebook vient de lancer l’alarme à ce sujet…
Mais par-delà le buzz réalisé par l’annonce et le caractère inéluctable avancé par certains média qui parlent déjà des milliards d’utilisateurs futurs de Libra, son succès est loin d’être garanti. Outre les difficultés légales et réglementaires que pourraient mettre les Etats vigilants, pas sûr que les utilisateurs de Facebook veuillent utiliser cette nouvelle fonctionnalité. Voudrons-nous nous lier plus encore à cette entreprise, alors même que certains appellent à son démantèlement et que tant est dit sur les abus des GAFA ? J’en doute. Notamment dans les pays dits développés où les citoyens sont de plus en plus critiques, éveillés par des personnes comme Marc Dugain et Christophe Labbé par exemple.
L’histoire économique montre que la monnaie devrait rester du domaine public et que la dite indépendance des banques centrales est très contestable. Il est effarant que nos dirigeants laissent exister le bitcoin et ne se posent pas davantage la question de la légitimité de Libra. Heureusement, il est fortement possible que ce soient les réticences des consommateurs qui soient un obstacle insurmontable…
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