Ce qu’il y a dans l’accord «historique» entre UE et Mercosur qui inquiète les agriculteurs européens
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a évoqué hier «un réel message en soutien à un commerce ouvert, équitable, durable». Les agriculteurs européens dénoncent toutefois un accord «inacceptable» qui fragilise encore plus leur situation.
L’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) ont annoncé vendredi s’être entendus sur un vaste traité de libre-échange, touchant près de 770 millions de consommateurs, qu’ils négociaient depuis 20 ans. «Je mesure mes paroles avec soin car c’est un accord réellement historique», a réagi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, depuis le Japon où il participait au sommet du G20. La conclusion de ce pacte envoie «un réel message en soutien à un commerce ouvert, équitable, durable», a-t-il insisté. «Cela montre que dans ces temps turbulents (...), des compromis peuvent être trouvés».
Cet accord entraînera l’élimination de nombreux droits de douane dans tous les secteurs économiques. Le compromis négocié par la Commission devra être approuvé par les 28 Etats membres, un parcours qui s’annonce délicat, puis par le Parlement européen. Le PIB de l’UE et du Mercosur représente un quart de celui de la planète, soit 18.000 milliards d’euros, et les deux entités ont échangé en 2018 pour près de 88 milliards d’euros de marchandises. Mais les principales craintes concernent l’agriculture européenne, déjà fragile et à qui l’Union impose de nouveaux concurrents.
99.000 tonnes de viande bovine à exporter en Europe
L’accord permettra en effet au Mercosur d’exporter 99.000 tonnes de viande bovine en Europe avec un taux de douane réduit à 7,5%. Un quota supplémentaire de 180.000 tonnes pour le sucre et un autre de 100.000 tonnes pour les volailles est également prévu. En retour, les taxes du Mercosur sur le vin (27%), le chocolat (20%), les spiritueux (de 20 à 35%), les biscuits (16 à 18%), les pêches en conserve (55%), les boissons gazeuses (20 à 35%) ou les olives seront supprimées. Quant aux fromages et aux produits laitiers de l’UE, ils bénéficieront, selon le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan de «larges quotas» sans taxes. Dans l’industrie, les droits de douane du Mercosur seront progressivement éliminés sur les voitures (35%), les pièces détachées (14 à 18%), les équipements industriels (14 à 20%), la chimie (jusqu’à 18%), l’habillement (jusqu’à 35%) ou les produits pharmaceutiques (jusqu’à 14%).
L’ouverture suscite ainsi la profonde inquiétude des agriculteurs européens, qui craignent une concurrence jugée déloyale. Les agriculteurs européens n’ont cessé de protester ces derniers mois contre ces discussions. Le compromis comporte «certains défis pour les agriculteurs européens et la Commission européenne sera à leur disposition pour les aider», a concédé Phil Hogan. Il leur promet «une aide financière» jusqu’à un milliard d’euros «en cas de perturbation du marché». «Pour que cet accord soit gagnant-gagnant, nous ne nous ouvrirons aux produits agricoles du Mercosur qu’avec des quotas soigneusement gérés qui garantiront qu’aucun produit ne risque d’inonder le marché européen», a-t-il insisté. Cependant, les différences des pratiques entre les deux continents n’est pas favorable aux Européenns: antibiotiques utilisées comme hormones de croissance et soja OGM sur fond de déforestation d’un côté, contre toujours plus de normes environnementales côté européen.
Déjà lourdement dépendants des subventions européennes, organisés en exploitations familiales extensives au très faible revenu (10.000 à 12.000 euros en moyenne en 2018, selon la Fédération nationale bovine), les éleveurs français estiment qu’ils ne parviendront pas à concurrencer les «usines à viande» latino-américaines. Ils ont qualifié vendredi soir d’«inacceptable» l’accord. «Quelques semaines après l’élection européenne, inacceptable signature d’un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale», a tweeté la patronne du premier syndicat agricole français FNSEA, Christiane Lambert. «A quoi bon demander en France et en Europe une montée en gamme en termes de qualité et de respect de l’environnement si c’est pour importer des produits contraires à cet effort?» s’interroge le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA).
Selon la Fédération nationale bovine (FNB) qui représente les éleveurs, le rythme de disparition des élevages bovins a doublé depuis 2017 en France, avec 1.500 disparus ces dernières années.
La politique environnementale et sécuritaire du Brésil brocardée
Les négociations ont aussi été attaquées dans une lettre ouverte par 340 ONG européennes et sud-américaines, dont Greenpeace et Friends of the Earth, sur deux autres fronts: l’environnement et les droits de l’Homme. Ces organisations, déjà opposées pour certaines aux précédentes négociations commerciales de l’UE avec les États-Unis ou le Canada, condamnent «la détérioration des droits humains et de la situation écologique au Brésil» depuis l’investiture en janvier du président d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Bruxelles met en avant que l’accord inclut un chapitre sur le développement durable, qui couvre «la conservation des forêts, le respect des droits des travailleurs et la promotion d’un comportement responsable des entreprises».
(Les agriculteurs sont, disons-le, les gros cons de l'histoire. Ils peuvent déjà mettre la clé sous la porte ou subir une longue agonie. Et, c'est aussi valable pour les céréaliers qui se croient à l'abri. Ils n'ont plus besoin d'eux ! Pour eux, c'est l'ère du grand remplacement. note de rené)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire