Drogue: sous pression américaine, Pékin met le fentanyl à l'index
PÉKIN (AFP)
La Chine a annoncé lundi qu'elle allait inscrire tous les types de fentanyl sur sa liste des substances réglementées, un geste réclamé par les Etats-Unis où cette drogue 50 fois plus forte que l'héroïne tue des milliers d'individus chaque année.
Toutes les questions soulevées par les Etats-Unis "sont résolues", a assuré devant la presse Liu Yuejin, directeur adjoint de la Commission nationale anti-drogue, en annonçant l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation à compter du 1er mai prochain.
"Les Etats-Unis s'inquiètent de toutes les variétés (de fentanyl) et cette question est entièrement résolue", a-t-il ajouté, alors que la Chine est soupçonnée d'être la première source mondiale de cette drogue synthétique.
Le fentanyl, qui a tué le chanteur Prince et pas moins de 28.000 Américains en 2017, est un des éléments du différend commercial entre la Chine et les Etats-Unis. Lors de la dernière rencontre entre les présidents des deux pays en décembre, Xi Jinping avait promis à Donald Trump de mettre la drogue à l'index.
"Si la Chine s'en prend à cette drogue horrible et applique la peine de mort aux distributeurs et aux revendeurs, les résultats seront sensationnels", s'était félicité M. Trump.
Se procurer du fentanyl d'une rive à l'autre du Pacifique n'a rien de sorcier: les acheteurs en commandent sur internet, payent avec leur carte de crédit ou en cryptomonnaie et reçoivent leur envoi par la poste, comme l'a relevé un rapport du Congrès américain.
La substance en elle-même n'est pas forcément illégale: elle peut être utilisée comme sédatif pour des malades du cancer en grande souffrance.
Mais des laboratoires chinois, clandestins ou non, commercialisent le produit au tout venant. Si le gouvernement chinois combat la production clandestine, il le fait jusqu'à présent en s'attaquant à des formules spécifiques du produit. Il suffit aux laboratoires de modifier légèrement leur composition pour mettre sur le marché un nouveau produit avant qu'il soit interdit à son tour par les autorités.
- "Drogue et liberté" -
Afin de lutter contre le trafic, M. Liu a annoncé une série de mesures: inspections dans l'industrie chimique et pharmaceutique, surveillance des informations sur la drogue circulant sur internet, fermeture des canaux de communication des trafiquants et renforcement du contrôle des colis en douane. Les services de logistique devront imposer à leurs clients d'enregistrer des colis sous leur véritable identité.
Ces mesures devraient avoir un impact important, a déclaré à l'AFP Mike Vigil, ancien responsable à l'international de l'agence américaine anti-drogue, la DEA.
"Sans la coopération de la Chine, les Etats-Unis ne parviendront pas à entamer l'épidémie de morts par opiacés", a-t-il souligné, estimant que la Chine en assurait 85% de la production mondiale.
Mais même si Pékin combat efficacement le trafic, les producteurs pourraient tout simplement travailler depuis d'autres pays afin d'arroser le marché américain.
"Le gouvernement renforcera sa coopération avec les autres pays, y compris les Etats-Unis, afin de combattre le défi mondial que pose le fentanyl", a promis M. Liu.
Le haut responsable chinois n'en a pas moins rejeté les accusations américaines quant au rôle de la Chine dans le trafic d'opiacés, les jugeant "sans fondement et contraires à la réalité".
"Si les Etats-Unis veulent vraiment résoudre le problème, ils doivent faire le ménage chez eux", a-t-il plaidé.
D'après lui, la crise est liée avant tout à l'abus par les Américains d'opiacés vendus sur ordonnance, au rôle de l'industrie pharmaceutique et à une culture qui associe la drogue à "la liberté et l'individualisme".
"L'appât du gain dans l'industrie pharmaceutique" et la surprescription des opiacés ont joué un rôle dans l'épidémie, reconnaît M. Vigil.
"Si la Chine enraye le trafic du fentanyl et des autres opiacés à destination des Etats-Unis, cela aura un impact énorme, mais cela n'arrêtera pas l'épidémie", avertit-il.
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