Un État américain expérimente la blockchain pour les élections nationales
09/08/2018 11:00
En novembre, la Virginie-Occidentale deviendra le premier État américain à utiliser une application mobile recourant à la blockchain lors d’une élection nationale. Une première que l’État assure être totalement sécurisée mais qui effraie un pays hanté par les ingérences des hackers russes.
Enfin un exemple concret ! Depuis quelques années, les accros de la blockchain ne cessent d’annoncer le raz-de-marée imminent que doit provoquer cette technologie : voitures collaboratives ou location d’appartements, assurances, diplômes, impôts et gouvernance, IA et culture, tous les secteurs de l’économie et de la société seraient susceptibles d’être transformés par l’arrivée de la blockchain et sa promesse d’« ubériser Uber ».
Jusqu’à aujourd’hui pourtant, les vertus des multiples blockchains existantes — qui permettent d’entrer des données ou des programmes dans un registre en ligne transparent, partagé, indestructible et infalsifiable (pour plus d’explications, voir nos nombreux articles sur le sujet) — n’ont pas abouti à beaucoup d’applications concrètes en dehors du succès colossal des cryptomonnaies, et du cas de l'Estonie et de sa citoyenneté numérique.
Cela devrait changer avec l’annonce faite par l’État américain de Virginie-Occidentale d’utiliser la blockchain lors des élections fédérales de mi-mandat, en novembre prochain. D’après les informations recueillies par CNN le 6 août, l’État fédéré va permettre à ses soldats déployés à l’étranger de voter à distance via une application pour smartphone développée par l’entreprise Voatz.
Sécurité renforcée
L’application sera sécurisée à plusieurs niveaux, explique CNN. Les électeurs intéressés devront prendre en photo leur carte d’identité puis prendre une vidéo en « selfie » de leur visage. Un logiciel de reconnaissance faciale permettra de vérifier ainsi l’identité du propriétaire du smartphone. Le vote sera ensuite anonymisé puis enregistré dans un registre sécurisé par… une blockchain.
Ce sera ainsi la première fois qu’un État américain permettra à une partie conséquente de ses concitoyens de voter de cette manière pour une élection fédérale. Les élections de mi-mandat sont cruciales aux États-Unis puisque l’ensemble des élus de la Chambre des représentants ainsi qu’un tiers des sénateurs remettent leur mandat en jeu.
« Voter par application mobile est une idée terrifiante »
Une trentaine de votes pilotes ont déjà été réalisés par Voatz via son application et la blockchain, dont un en mai dernier pour les primaires de ces élections de mi-mandat, déjà en Virginie-Occidentale. Les services du gouvernement de l’État fédéré ont suivi avec attention l'expérimentation et les quatre audits réalisés sur différents aspects de l’application, y compris sur le cloud et la blockchain, n’auraient révélé aucune faille, toujours d’après CNN.
Mais ces précautions n’ont semble-t-il pas rassuré tout le monde. « Voter par application mobile est une idée terrifiante, a réagi auprès du média américain Joseph Lorenzo Hall, de l’association Center for Democracy and Technology.C’est un vote par Internet sur des appareils individuels horriblement sécurisés, sur nos horribles réseaux, sur des serveurs très difficiles à sécuriser sans enregistrement sur papier du vote. » Les voix récalcitrantes, toutefois, ne font pas mention de la technologie blockchain et se contentent de désapprouver le principe du vote sur mobile, appareil facile à pirater.
Le péril russe
Il faut dire que le pays est traumatisé par les forts soupçons d’ingérence russedans la dernière campagne présidentielle américaine. L’influence russe sur les réseaux sociaux dénoncée par les services secrets américains est accusée d’avoir favorisée voire permis la victoire de Donald Trump. Ajoutées à cela les multiples cyberattaques régulièrement imputées aux hackers russes, des États-Unis à l’Allemagne, et l’on comprend la frilosité de certains commentateurs américains à l’idée de confier à nouveau leur destin démocratique à une technologie connectée.
Une bonne idée du climat de psychose régnant outre-atlantique transparait sur le site de Voatz. L’entreprise assure qu’elle n’emploie pas d’opérateur russe et se sent manifestement obligée de préciser qu’elle a tout de même, durant l’été 2015, accueilli un stagiaire, étudiant à Harvard, d’origine russe. Mais celui-ci n’a à l’issue de l’été plus été impliqué dans le développement de la plateforme de Voatz.
Peut-être plus rassurant : la blockchain est réputée inviolable. À moins bien sûr que quelques failles discutées sur le Web ne soient exploitées. Ou qu’un hacker ait suffisamment de capacités de calcul pour accaparer plus de la moitié de la puissance de minage de la blockchain ? Un hacker soutenu par exemple par un État hostile aux États-Unis et adepte des ingérences électorales ?
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Image à la une : © Tetiana Yurchenko / Shutterstock
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