Biomimétisme : Comprendre la nature pour innover, créer et protéger notre Terre
source : La Relève et la Peste
Le biomimétisme, « imitation du vivant » en grec, est une manière d’innover en prenant la nature comme modèle.
23 juillet 2018 - Marine Wolf
« Nous ne sommes pas les premiers à construire »
Il y a une petite bête dans le désert namibien qui n’a pas accès à l’eau douce. Pour vivre, elle boit l’eau du brouillard. Elle a des bosses sur le dos de ses élytres, qui attirent l’eau comme un aimant. Quand le brouillard arrive, l’eau est collectée sur le bout des bosses, descend sur les côtés et atterrit dans la bouche de la bête. Si l’on reproduit cette technique pour recouvrir les bâtiments afin qu’ils collectent l’eau du brouillard, cela donne une solution dix fois plus efficace que les filets à brouillard.
Ingénieux, n’est-ce pas ? C’est ce qui s’appelle le biomimétisme
Le biomimétisme, « imitation du vivant » en grec, est une manière d’innover en prenant la nature comme modèle. Se rappeler que « nous ne sommes pas les premiers à construire », que « d’autres organismes, le reste du monde naturel, font des choses très similaires à ce que nous devons faire. Mais ils le font d’une manière qui leur a permis de vivre sur cette planète avec grâce depuis des milliards d’années. » Voilà ce que dit Janine Benyus, qui formalise le concept à la fin des années 1990.
« Vivre sur cette planète avec grâce »
Un aspect important du biomimétisme est la dimension écologique. « Copier la nature pour optimiser les performances environnementales ne suffit pas, il est crucial de prendre en compte l’intention plus générale de réconcilier biosphère avec la technosphère. Quelle ironie cruelle sinon, de nous inspirer de la biodiversité en crise pour mieux continuer à la détruire ! », souligne justement Tarik Chekchak, spécialiste du sujet.
Ainsi, l’idée est de répondre à nos besoins fondamentaux, mais sans causer par nos constructions la destruction de l’environnement, sans dépendre constamment de ressources fossiles, sans manipuler des molécules dont on ne maîtrise pas le cycle. En fait, mettre en place un développement durable.
Le potentiel de la France
Présent dans l’architecture, les énergies, les transports ou encore les équipements sportifs, ce domaine est en plein essor. La Suisse, la Grande-Bretagne et surtout l’Allemagne sont à la pointe de la recherche biomimétique. La France a quant à elle un fort potentiel, comme le montre un état des lieux fait par le CEEBIOS (Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis).
Les possibilités offertes par son patrimoine naturel sont innombrables.« Rien que son espace maritime, le second mondial, est un trésor à valoriser ! Il faut miser sur cet atout, pousser l’innovation bioinspirée pour encourager sa préservation. D’autant que nous sommes en avance dans les outils d’analyse de la biodiversité. Notre efficacité pour fouiller les données qui en sont issues n’est plus à faire ! » s’enthousiasme Kalina Raskin, directrice du CEEBIOS.
Apprentis de la nature
Plusieurs centaines d’équipes de recherches et d’entreprises françaises sont déjà devenus « apprentis de la nature », pour reprendre l’expression de Janine Benyus.
Gecko Biomédical par exemple, est une start-up française. Ses chercheurs ont travaillé une colle pour des applications médicales à l’intérieur du corps. Il fallait quelque chose de non-soluble dans le sang, qui ne soit pas évacué de la zone visée, comme l’explique la bioingénieur Maria Pereira. Une texture visqueuse, hydrophobique, dont le clinicien puisse contrôler l’activation des matériaux et leur adhérence par un signal extérieur.
Les chercheurs se sont tournés vers la nature, et plus particulièrement vers les escargots et les vers de château de sable. Ceux-ci sont capables de sécréter des matériaux visqueux, qui repoussent l’eau de la surface ciblée. Mieux : lorsque ces secrétions sont en contact avec la zone voulue, elles se mettent à durcir et se lient fortement au substrat grâce à un stimulus externe (comme un changement de pH).
Avec ce modèle, les scientifiques ont mis au point un pré-polymère pouvant être activé par une lumière externe possédant une longueur d’onde spécifique. Ce stimulus, en modifiant la composition chimique du pré-polymère, lui confère des propriétés adhésives. Quand il est activé avec la lumière, il réticule, il durcit et s’intercale tout simplement dans le tissu.
La colle permet ainsi au chirurgien de pratiquer des opérations en appliquant la colle par de petites ouvertures, plutôt que de pratiquer de larges incisions.
Eel Energy, est une autre start-up française. Elle met au point une hydrolienne dont la membrane ondule sous la pression du fluide des mouvements de l’eau. Elle capte ainsi 100 % du courant et transforme en électricité les déformations périodiques de la structure via un système électromécanique. Ne générant pas de pollution visuelle, cette hydrolienne inspirée par les ondulations des animaux marins tels que la raie peut être installée près des côtes.
Bénéfices multiples
Beaucoup s’enthousiasment devant ce potentiel pour l’Hexagone. D’autant plus que le bénéfice économique du biomimétisme est non-négligeable. La région Nouvelle Aquitaine, très en pointe sur le sujet, a publié un rapport en avril 2018. Le cabinet Vertigo a estimé que le développement de la biomimétique pourrait y engendrer une augmentation nette de PIB allant jusqu’à 3 177 Milliards d’euros en 10 ans et la création 31 000 emplois. Les fondateurs de la Biomim’expo 2018 sont quant à eux persuadés que le biomimétisme « est en train de devenir un enjeu politique, stratégique et industriel; une proposition de reconnexion entre l’homme et la nature; un outil original de sensibilisation à la biodiversité; et une opportunité de positionnement pour la France au service des enjeux climat et environnement ».
A suivre, donc. En attendant, si vous ressentez vous aussi l’envie de devenir apprenti de la nature, vous pouvez lui poser votre question sur https://asknature.org/.
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