Merkel sauve in extremis son gouvernement avec un accord migratoire
Après des semaines de conflit, Angela Merkel a finalement réussi à préserver son gouvernement en concluant à l’arraché avec son ministre de l’Intérieur rebelle un compromis restreignant fortement la politique migratoire du pays.
Le compromis trouvé prévoit l’instauration de « centres de transit » à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche.
C’est là qu’y seront installés à l’avenir les demandeurs d’asile arrivant dans le pays, mais déjà enregistrés dans un autre État européen – c’est-à-dire la quasi-totalité d’entre eux – en attendant leur expulsion vers le pays d’entrée.
Cette question était au cœur du conflit qui opposait la chancelière, présidente du parti de centre droit CDU, à son ministre Horst Seehofer, dirigeant du parti conservateur bavarois CSU. Un différend qui menaçait de faire éclater la fragile coalition gouvernementale allemande, difficilement mise en place en mars.
Une ère touche à sa fin
Jusqu’ici, les migrants demandant l’asile à leur arrivée en Allemagne étaient répartis dans des foyers dans l’ensemble du pays jusqu’à ce que leurs dossiers soient examinés.
Cet accord clôt du coup définitivement la politique d’accueil longtemps généreuse des migrants en Allemagne, inaugurée par la décision d’Angela Merkel d’ouvrir en 2015 les portes de son pays à des centaines de milliers de demandeurs d’asile.
La chancelière s’est réjouie d’avoir conclu « après des journées difficiles et des tractations rudes », un « bon compromis ».
« Nous avons un accord clair sur la façon d’empêcher à l’avenir l’immigration illégale », s’est félicité de son côté M. Seehofer, mettant fin au bras de fer qui l’oppose depuis plusieurs semaines à la chancelière sur la politique migratoire.
Le ministre de l’Intérieur a du coup renoncé à démissionner, après en avoir exprimé l’intention la veille.
« Camps d’internement de masse »
Le compromis trouvé suscite néanmoins déjà de vives critiques.
Un dirigeant de la gauche radicale allemande, Bernd Riexinger, a estimé que les « centres de transit » envisagés équivalaient à des « camps d’internement de masse », dans une référence au passé nazi de l’Allemagne.
Il a demandé aux sociaux-démocrates du SPD, troisième partenaire de la coalition d’Angela Merkel, de refuser.
Et ces derniers semblent encore hésiter sur les solutions proposées.
Leur présidente, Andrea Nahles, a salué la fin des hostilités dans le camp conservateur allemand « qui permet de nous remettre au travail ». Mais elle a estimé que son parti devait examiner en détail mardi l’accord avant de rendre son verdict.
Si le SPD devait le rejeter, tous les efforts d’Angela Merkel pour sauver son gouvernement seraient remis en cause. Une réunion au sommet des trois partis de la coalition – CDU, CSU et SPD – est prévue mardi en début de soirée.
L’un des spécialistes des questions migratoires au sein du SPD, Aziz Bozkurt, a fustigé dans Die Welt des restrictions migratoires qui vont selon lui « totalement dans le sens » de l’extrême droite.
Le compromis trouvé prévoit que les migrants installés dans les « centres de transit » à la frontière seront obligés d’y rester.
Leurs renvois vers les pays où ils ont été enregistrés en premier à leur arrivée dans l’UE devront être organisés toutefois dans le cadre d’accords administratifs conclus avec les pays concernés, et non de manière unilatérale par l’Allemagne.
Si des accords ne peuvent être trouvés, il est prévu de refouler les migrants « à la frontière germano-autrichienne dans le cadre d’un accord avec l’Autriche », précise le texte rendu public.
Merkel contestée
À l’origine, le ministre de l’Intérieur avait demandé le refoulement à la frontière de tous les migrants enregistrés dans un autre pays. Mais Mme Merkel a refusé au nom de la cohésion européenne.
Si M. Seehofer s’est montré aussi intransigeant, c’est aussi que son conflit avec Mme Merkel est quasi-permanent depuis la décision de la chancelière en 2015 sur les migrants.
Et malgré l’accord obtenu mardi, Mme Merkel sort de ce bras de fer affaiblie et contestée comme jamais au sein de son gouvernement comme de son propre camp conservateur.
Le conflit autour des migrants avec l’aile droite de sa coalition pourrait resurgir à tout moment, notamment après une élection régionale en Bavière en octobre, où le parti CSU risque de perdre sa majorité absolue en raison de la percée attendue de l’extrême droite.
(Quand, on ne veut pas lâcher le pouvoir, on s'accroche aux branches. note de rené)
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