Par Andrew Korybko
La détérioration constante des relations entre ces deux anciens alliés de longue date se poursuit avec la dernière crise politique qui les oppose et qui a été déclenchée par la décision des États-Unis de limiter la distance que les diplomates pakistanais à Washington pourraient parcourir en dehors de la ville. Islamabad a imposé des mesures de réciprocité contre les diplomates américains situés n’importe où dans le pays, et la situation est depuis gelée, mais elle est loin d’être résolue. Alors que les relations américano-pakistanaises se détériorent depuis quelques années maintenant et surtout depuis le tweet agressif du Nouvel An de Trump contre le pays, elles ont atteint un point bas quand un attaché militaire américain qui avait heurté et tué un motocycliste a initialement été interdit de quitter le pays à bord d’un avion militaire américain qui était venu le récupérer la semaine dernière. Un tribunal pakistanais a déclaré qu’il n’avait pas l’immunité diplomatique complète, mais il a néanmoins quitté le pays lundi dans des circonstances peu claires.

Ce sont sans doute les actions judiciaires intentées contre ce diplomate qui ont rendu furieux les États-Unis au point de vouloir humilier tous les diplomates pakistanais dans la capitale américaine en imposant de nouvelles restrictions de voyage, mais Islamabad avait de bonnes raisons d’élargir son propre décret réciproque, incluant tous les diplomates américains n’importe où dans le pays. Il a été rapporté à la fin du mois dernier que la CIA avait échoué dans son plan secret d’organiser une évasion de prison pour libérer son agent local accusé de coopérer avec les services secrets américains dans sa quête pour tuer Ben Laden. Il est notoirement connu que les diplomates américains, parfois clandestinement, outrepassaient leurs fonctions officielles pour se transformer en espions de leur nation hôte. C’est probablement ce qui inquiète les Pakistanais après la nouvelle, que la CIA essayait d’organiser une évasion, qui aurait probablement été violente, entraînant probablement la mort de gardiens de prison.
Tous les États ont le droit souverain de mettre en œuvre ce qu’ils prétendent être des exigences de sécurité nationale, qu’ils soient comme dans le cas pakistanais ou qu’ils soient simplement considérés comme tels dans le cas américain. Mais la raison pour laquelle cette crise politique est particulièrement sensible, c’est qu’elle implique le privilège de l’immunité diplomatique tel qu’établi par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques ainsi que le respect plus large accordé aux diplomates des autres pays. Dans ce cas, le Pakistan a eu raison de faire pression pour que le diplomate américain soit traduit en justice pour avoir brûlé effrontément un feu rouge et tué un jeune homme, même s’il devait finalement être autorisé à quitter le pays, alors que les États-Unis exploitent leur réponse [asymétrique, NdT] dans le but d’humilier tous les diplomates pakistanais dans la capitale américaine. Compte tenu du danger de sécurité nationale que posent les diplomates américains à cause des plans d’évasion ratés de la CIA, il y a une raison légitime pour que la réponse réciproque du Pakistan s’étende à tous les diplomates américains dans le pays.
Néanmoins, on peut s’attendre à ce que les États-Unis et leurs partenaires mondiaux des médias mainstream recadrent cette information pour faire croire au monde que les victimes pakistanaises sont vraiment les agresseurs et que les Américains sont complètement innocents de tout acte répréhensible. Cette intensification de haut niveau de la guerre hybride contre le Pakistan a pour but de nuire à la réputation internationale de sa cible, mais cela pourrait améliorer son soft power parmi ses nouveaux partenaires multipolaires comme la Russie, en prouvant la sincérité du pivot géopolitique eurasien récemment entamé et qui a provoqué la colère des États-Unis.
Andrew Korybko
Andrew Korybko est un commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone