Les extraterrestres sont peut-être en train de faire des stocks d'étoiles
Vincent Lucchese source : Usbek et Rica
Si des civilisations extraterrestres très avancées existent, elles ont probablement conscience de la finitude de leurs ressources, et du danger de voir s’éloigner les étoiles qu’elles pourraient exploiter. Elles ont donc probablement déjà commencé à collecter les étoiles et nous pouvons essayer de détecter ces mouvements. C’est la réflexion d’un chercheur américain qui a publié une très sérieuse étude sur le sujet.
Pauvres extraterrestres. On n’a pas encore trouvé de preuve de leur existence - même si l’échéance semble se rapprocher - qu’on s’évertue déjà à les faire disparaître. Peut-être ont-ils déjà succombé à l’inévitable épuisement des ressources, comme nous en prenons nous-mêmes le chemin, et ont-ils par exemple périclité suite à un réchauffement climatique, comme l’a supposé l’astrophysicien Adam Frank ? À moins que leurs civilisations n'aient été détruites par une autre dérive des avancées technologiques : l’émergence d’une intelligence artificielle devenue néfaste et hors de contrôle, comme le propose le professeur de robotique cognitive Murray Shanahan ?
Ces hypothèses de divers « grands filtres » permettraient en tout cas de répondre au paradoxe de Fermi, du nom de ce chercheur qui se demandait où pouvaient bien être passés ces aliens, dont l’existence lui paraissait plus que probable étant données les millions d’exoplanètes et les milliards d’années dont ont déjà disposé d’éventuelles civilisations pour s’épanouir.
Les aliens face à l’expansion de l’univers
Enrico Fermi est mort sans avoir de réponse à son paradoxe mais c’est depuis un laboratoire américain qui porte son nom, le Fermi National Accelerator Laboratory, que l’astrophysicien Dan Hooper a décidé de redonner un peu d’espoir aux aliens. Dans un article prépublié le 13 juin sur le serveur arXiv, il s’est demandé de quelle façon une civilisation extraterrestre pourrait survivre à très, très, long terme et surmonter le danger ultime de l’univers : son expansion accélérée.
Car l’univers s’étend, n’en déplaise à Einstein, et cette dilatation s’accélèrecontinuellement, sous l’effet d’une mystérieuse énergie noire. De telle sorte que d’ici quelques dizaines de milliards d’années (à peine), les galaxies seront trop éloignées les unes des autres pour rester à portée de vaisseaux spatiaux, même les plus avancés. « Dans approximativement 100 milliards d’années, toute la matière qui n’est pas gravitationnellement reliée aux galaxies qui constituent notre Groupe Local sera déconnectée de notre Voie lactée, tombant au-delà des limites de notre horizon cosmique », prévient Dan Hooper.
Or, écrit l’astrophysicien, une seule galaxie ne sera pas du tout suffisante pour répondre aux besoins énergétiques d’une civilisation de haute technologie, aux besoins potentiellement aussi exponentiels que la nôtre. Dan Hooper part de la réflexion exposée en 1960 par le physicien Freeman Dyson, qui spécula dans un article sur la nécessité pour de telles civilisations d’exploiter entièrement l’énergie des étoiles, à l’aide de ce qu’on appelle maintenant des « sphères de Dyson » : d’énormes structures enrobant les étoiles pour en capter toute la lumière et en extirper l’ensemble de l’énergie. Mais si les étoiles des autres galaxies deviennent hors de portée, une telle civilisation galactique finirait par être à court d’énergie une fois tous les soleils disponibles dans sa propre galaxie recouverts de sphères de Dyson.
Stocker les étoiles
« Nous avons en tête une civilisation qui a atteint le type III sur l’échelle de Kardashev », précise l’auteur de l’article. L’astronome soviétique Nikolaï Kardashev avait en effet proposé en 1964 de classer les civilisations aliens en trois catégories : celles de type I, capables d’exploiter l’énergie de leur planète (comme les modestes Terriens), celles de type II, capables d’exploiter toute l’énergie de leur étoile, et celles de type III capable d’exploiter l’ensemble de leur galaxie et d’y faire pousser des sphères de Dyson à gogo.
« Une civilisation suffisamment avancée utilisera l’énergie collectée pour envoyer ces étoiles à proximité du centre de sa civilisation »
Bien sûr, une civilisation de type III aurait compris depuis longtemps que l’univers est en expansion et aurait anticipé aussi bien que Dan Hooper ses futurs problèmes énergétiques. L’astrophysicien en conclut que ces extraterrestres devraient prendre les devants et partir à la chasse aux étoiles avant que celles-ci ne deviennent inaccessibles. « Une civilisation suffisamment avancée s’étendra rapidement vers l’extérieur [de leur galaxie], construisant des sphères de Dyson ou d’autres structures similaires autour des étoiles qu’elle croise sur son chemin et utilisera l’énergie collectée pour envoyer ces étoiles à proximité du centre de sa civilisation », imagine Dan Hooper.
Détecter les tracteurs d’étoiles
Calculs à l’appui, le chercheur démontre ensuite l’urgence d’agir pour ces civilisations. Les étoiles ne seront certes inaccessibles que dans 100 milliards d’années mais collecter de tels objets est un peu plus long que d’aller chez l’épicier du coin : chaque voyage dure lui-même plusieurs milliards d’années, de sorte que la collecte devrait déjà avoir commencé.
Conclusion du chercheur : ils nous faut observer le ciel en cherchant des signatures de cette activité singulière pour détecter la présence de civilisations aliens ultrasophistiquées. La propulsion d’une étoile à travers l’univers devrait a priori laisser une trace assez puissante pour être détectée assure le chercheur. Alors que de nombreuses recherches ont déjà été menées pour détecter des sphères de Dyson, Dan Hooper suggère de chercher de telles anomalies à l’échelle de galaxies entières, ou même de groupes de galaxies, dont les étoiles pourraient être pratiquement toutes recouvertes de sphères. D'étranges trous pourraient également suggérer que certaines étoiles ont déjà été « retirées » de leur galaxie.
Un piste prometteuse, à condition que ces extraterrestres supposés surmontent non seulement les pharaoniques défis techniques que suscite l’exploitation des étoiles, mais aient en plus la sagesse de se projeter quelques 100 milliards d’années dans le futur. Probablement une autre différence fondamentale entre une civilisation de type III et nous autres, misérables Terriens de type I, incapables de nous projeter un petit siècle en avant pour résoudre le péril climatique.
SUR LE MÊME SUJET :
Image à la une : cc Djandyw.com / Flickr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire