En Allemagne, 1 million de retraités sont obligés de travailler pour vivre…
1 septembre 2017 / par Auguste Bergot source : La Relève et la Peste
En Allemagne, retraite est loin de rimer avec repos, c’est même plutôt le contraire. Pour près d’un million de seniors, le passage à la retraite a été synonyme de précarisation, faute de pensions suffisantes pour les anciens travailleurs n’ayant pas suivi un parcours professionnel « continu ».
En plein cœur des élections législatives allemandes, la question de la précarisation des retraités s’est invitée dans les débats. En effet, alors que l’Allemagne doit faire face à un fort déclin démographique et à une population vieillissante, les politiques mises en place pour garantir un niveau de vie décent à cette frange de la population toujours plus importante manquent cruellement.
Aujourd’hui, 11% des retraités allemands âgés de 65 à 74 ans, soit 942 000 personnes, sont contraints de travailler pour combler le manque de leurs maigres pensions. D’après les données fournies par l’Institut fédéral de la statistique (Destatis), ce chiffre aurait doublé en dix ans. Pourtant, si près d’un retraité sur vingt travaille, il ne faut pas oublier qu’ils ne sont qu’une partie des quelques 3,4 millions de retraités qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui ne veulent ou ne peuvent pas (incapacité physique ou mentale) travailler.
Pour la plupart, les seniors qui pâtissent de l’insuffisance des pensions publiques sont les personnes n’ayant pas suivi un parcours professionnel classique. C’est pourquoi les premières personnes touchées ont longtemps été les femmes, anciennement mères au foyer, qui avaient dû arrêter provisoirement leur carrière ou prendre un emploi à mi-temps. La chancelière Angela Merkel avait ainsi fait passer une loi en 2014 pour valoriser les « retraites des mamans ». Malgré cette loi, la situation des retraités dans leur ensemble n’a connu aucune amélioration. Comme le souligne Stefen Sell, sociologue à l’université de Coblence :
« Le système allemand a créé une retraite à deux vitesses. D’un côté, il y a les salariés qui ont suivi une carrière linéaire dans des emplois bien payés, comme dans l’industrie. Ceux-là touchent une retraite confortable, qui peut aller jusqu’à 1800 ou 1900€. De l’autre, on retrouve toutes les personnes qui ont eu des emplois précaires ou des accidents de parcours. Ceux-là peuvent se retrouver avec des pensions de misère, parfois inférieures à 600€. »
C’est par exemple le cas de Birgit, dont le témoignage a été rapporté par La Croix, qui, après avoir travaillé pendant 40 ans comme vendeuse, conductrice de grue puis employée chez McDonald’s, doit aujourd’hui vivre avec seulement 650€ par mois, ou plus exactement 4€ par jour, une fois toutes les dépenses liées aux charges domestiques déduites. Pour arrondir un tant soit peu ses fins de mois, Birgit fait le ménage dans un café pour quelques 80€ par mois. Sa santé physique ne lui permettant pas de travailler davantage, elle déplore :
« Terminer ma vie en faisant le ménage je trouve cela injuste. Ce qui m’attriste le plus, c’est que je n’ai pas les moyens d’aller au cinéma ou simplement de m’offrir un abonnement à un journal. »
Loin d’être un cas isolé, Birgit fait partie de cette nouvelle génération de retraités qui enchainent les petits boulots précaires pour pouvoir s’offrir une place de cinéma, une soirée au restaurant, un cadeau pour leurs petits-enfants…
Il faut dire que l’Allemagne est bien loin de faire figure d’exemple en termes de dépenses liées au versement des pensions. En effet, d’après l’OCDE, alors que la France allouait 14,1% de son PIB aux pensions en 2013, l’Allemagne n’était qu’à 11,3%, ou pour le dire autrement, là où un ancien actif allemand reçoit aujourd’hui en moyenne 1 100€ brut par mois, un ancien actif français reçoit 1 370€. De même, deux fois plus de retraités vivaient sous le seuil de pauvreté en Allemagne qu’en France.
Si l’instauration d’un salaire minimum et l’incitation à cotiser auprès de fonds de pension privés sont censés améliorer la situation à terme, aujourd’hui encore plus de 7 millions d’Allemands vivent de temps partiels, mini-jobs ou emplois instables, soit autant de futurs retraités précaires… De plus en plus d’associations fournissent nourriture et aides de première nécessité aux seniors, dans l’attente que les débats qui rythment la campagne législative aboutissent à des propositions concrètes permettant d’offrir à nos ainés un repos sans doute bien mérité.
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