Les villes américaines toujours plus nombreuses à poursuivre en justice les multinationales pétrolières, dont Total
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Après New York et plusieurs autres, la ville californienne de Richmond a annoncé des poursuites contre plusieurs multinationales pétrolières, dont Total. Face à cette vague de procès climatiques, l’industrie des énergies fossiles n’a pas tardé à réagir.
Richmond, ville californienne située à proximité de San Francisco, est devenue le 22 janvier la neuvième collectivité américaine à engager des poursuites judiciaires contre des entreprises pétrolières du fait de leur impact climatique. Ces procédures ont souvent pour objectif d’obliger les firmes visées à contribuer aux investissements rendus nécessaires par le réchauffement des températures et l’élévation du niveau des mers.
C’est sans conteste l’annonce, début janvier, des poursuites initiées par la ville de New York contre plusieurs multinationales pétrolières (en même temps que le désinvestissement des énergies fossiles de son fonds de pension), qui a le plus marqué les esprits. Des procédures similaires avaient été lancées par plusieurs collectivités californiennes, dont San Francisco et Oakland. La prochaine grande ville à suivre pourrait être Los Angeles, où une motion en ce sens a été déposée par deux conseillers municipaux.
Il est difficile de dire à ce stade si ces procès pourront aboutir. Une plainte similaire déposée il y a une dizaine d’années par un village d’Alaska avait été classée sans suite, comme le rappelle le site Think Progress. Mais la compréhension scientifique des impacts du réchauffement climatique a progressé depuis, et certains précédents juridiques établis pour l’amiante, le tabac ou les peintures au plomb pourraient être mis à profit.
Total sur le banc des accusés
Contrairement aux grandes villes comme New York ou San Francisco, qui ont choisi de concentrer les poursuites contre les plus grandes multinationales pétrolières anglo-saxonnes (Exxon, Chevron, BP, Shell et CoconoPhilips), Richmond a décidé de poursuivre pas moins de 29 entreprises pétrolières internationales, dont la française Total. Total était également visée par la plainte déposée en juillet 2017 par les comtés San Mateo et Marin et la ville de Imperial Beach en Californie. Comme Richmond, ces collectivités sont situées près de la côte et directement exposées à la montée du niveau des mers. Elles dénoncent chez les firmes pétrolières « un effort coordonné pour dissimuler et nier leur connaissance des menaces » liées au changement climatique.
Aux côtés de Lafarge, qui figure elle aussi parmi les principaux responsables des émissions historiques de gaz à effet de serre au niveau mondial (lire notre article), Total est également visée par une enquête initiée par la Commission des droits de l’homme des Philippines à la demande d’une coalition d’organisation de la société civile. Une investigation approfondie est en cours, avec visites de terrain sur les impacts du changement climatique, et une première audience s’est tenue le 11 décembre dernier. Dans sa réponse, Total - comme la plupart des entreprises visées - refuse de reconnaître la juridiction de la Commission des droits de l’homme, et la renvoie à la « stratégie climat » publiée par le groupe (dont nous avions montré les insuffisances ici).
Villes contre industrie pétrolière
Aux États-Unis même, l’industrie pétrolière n’est pas restée sans réaction, puisque ExxonMobil n’a pas hésité- avant même les récentes annonces de New York et Richmond - à initier des poursuites visant à faire démettre de leurs fonctions un groupe de 16 élus et fonctionnaires locaux californiens à l’origine des procès climatiques. La firme pétrolière affirme que ces procès visent à lui imposer un point de vue sur le climat, et constituent donc une atteinte à sa « liberté d’expression », sacralisée par le Premier amendement de la Constitution américaine... (Sur l’usage du Premier amendement par les entreprises américaines, lire déjà nos articles ici et là.)
Si elle n’est pas la première collectivité américaine à engager des poursuites contre des entreprises pétrolières, le cas de Richmond n’en est pas moins emblématique puisque la ville, l’une des plus pauvres de la Californie, abrite une raffinerie de Chevron, principal employeur local. Depuis des années, la municipalité de Richmond est en conflit avec le géant pétrolier du fait de la pollution qu’engendre cette raffinerie. À plusieurs reprises, Chevron a essayé sans succès de peser sur les élections locales pour remplacer l’équipe municipale, trop progressiste à son goût.
Olivier Petitjean
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Photo : Nick Fullerton CC via flickr
Photo : Nick Fullerton CC via flickr
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