Marseille. Les malades mentaux hors des prisons
MARIE BARBIER
MARDI, 9 MAI, 2017
L'HUMANITÉ
Cinq ministères ont signé, vendredi, un accord avec Médecins du monde destiné à offrir une alternative à l’incarcération des condamnés souffrant de troubles psychiatriques.
C’est une première en France : l’association Médecins du monde a signé, vendredi dernier, un protocole d’engagement avec cinq ministères pour « offrir une alternative à l’incarcération des personnes souffrant de troubles psychiatriques sévères par le logement et le suivi intensif ». Les chiffres, bien que très mal connus, sont sidérants : selon un rapport de 2014, entre 20 et 30 % des détenus souffrent de troubles psychologiques dans les prisons françaises (schizophrénie, maniaco-dépression, paranoïa, troubles bipolaires, etc.).
« Notre objectif est de réduire le cercle rue/hôpital/prison en aiguillant ces personnes vers le soin et le droit, plutôt que vers le répressif », explique Thomas Bosetti, psychiatre au service médico-psychologique régional de Marseille et responsable mission à Médecins du monde. Concrètement, la mesure sera proposée aux magistrats du tribunal de grande instance de Marseille dans le cadre des comparutions immédiates. Elle vise des personnes qui souffrent de troubles psychiatriques sévères et n’ont pas de domicile fixe. « Notre idée est de repérer les personnes dans les geôles (cellules du tribunal – NDLR) en se basant sur des enquêtes sociales rapides, de les rencontrer avant leur jugement pour leur proposer notre accompagnement. Le procureur versera notre proposition au dossier pénal et le magistrat pourra, s’il le souhaite, prononcer un aménagement de peine ou une contrainte pénale », détaille Thomas Bosetti.
Un volet sanitaire et social
Le contrat proposé bénéficiera d’un volet logement (mesures d’intermédiation locative), d’un volet sanitaire (soins intensifs orientés vers le rétablissement des individus dans la communauté) et d’un volet social (prêt d’honneur et programme de mentorat). « Il faut les associer à autre chose qu’à la psychiatrie, qui n’est pas une fin en soi », développe Thomas Bosetti. Le psychiatre se fonde sur le succès du programme « Un chez soi d’abord », expérimenté depuis 2010, qui propose en première instance un logement aux personnes sans abri souffrant de troubles mentaux ou d’addictions, et qui sera étendu à seize nouvelles villes en 2018. Pour cette nouvelle recherche-action baptisée Alternative à l’incarcération par le logement et le suivi intensif (Ailsi), l’association Médecins du monde mobilisera des travailleurs sociaux, des médecins et des chercheurs pour la conduite de l’expérimentation.
« Une étude réalisée en 2016 à Marseille montre que, sur 1 600 comparutions immédiates, notre public représente entre 100 et 150 personnes par an. Notre idée, c’est d’en accompagner une centaine sur trente mois », explique encore Thomas Bosetti, qui estime l’âge moyen des personnes visées à 30 ans. L’engagement des ministères porte sur un budget maximal de 7 millions d’euros sur cinq ans, en fonction de la réussite de l’expérimentation. L’efficacité sera évaluée « au regard de l’absence de réitération de délits graves ou de crimes conduisant à un déferrement devant un magistrat, par rapport à une population témoin non bénéficiaire de cette expérimentation ». L’évaluation de la réussite de la phase test, prévue sur 54 mois, sera effectuée sur la base d’une population comparative ciblée de 120 personnes présentant elles aussi des troubles psychiques, en situation de précarité, dans une autre juridiction. Elle sera conduite par un laboratoire de l’université d’Aix-Marseille et devrait commencer au premier trimestre 2018.
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