EXCLUSIF. Suite à notre enquête, le faux médicament Immunorex a été suspendu en Afrique
Suite à notre enquête sur le faux médicament Immunorex, l'OMS et l'Onusida ont alerté les pays africains sur ce produit présenté comme efficace dans le traitement du sida. La RDC, premier pays à lui avoir accordé une autorisation de mise sur le marché le 1er décembre 2016, vient tout juste de suspendre sa commercialisation.
Ce médicament contre le VIH n'a jamais fait la preuve de son efficacité.
CAPTURE ÉCRAN
OMS. Le 1er décembre 2016, nous révélions sur notre site l’existence du trafic d’un faux médicament anti-VIH entre la France et l’Afrique. Ce médicament, appelé Immunorex DM28, venait tout juste d’être mis sur le marché en République démocratique du Congo (RDC), et ce avec le soutien de deux scientifiques de renommée internationale : le Francais Jean-Claude Chermann, codécouvreur du VIH et le Canadien Mark Wainberg, découvreur de la 3TC, l’une des molécules les plus utilisées par l’industrie pharmaceutique pour l’élaboration des trithérapies.
“Immunorex n’est pas un médicament recommandé pour le traitement du VIH par l’OMS”
Nous venons d’apprendre que le ministère de la santé de la RDC a décidé le 19 janvier, de suspendre temporairement l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit Immunorex sur son territoire, et ce le temps qu’une enquête vérifie les allégations avancées par ses promoteurs. Cette suspension est consécutive aux nombreuses alertes émises, notamment par l’Onusida (le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida), l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme à la suite de nos révélations du 1er décembre. Dans un message commun, reçu ce 19 janvier, l’OMS et l’Onusida nous ont confié un avis clair et simple sur ce produit que nous dénoncions : “Immunorex n’est pas un médicament recommandé pour le traitement du VIH par l’OMS.” Un message précisant que l’OMS comptait prendre des mesures de suivi sur cette affaire.
Document officiel du ministère de la Santé de la RDC annonçant la suspension d'Immunorex.
COMITÉ SCIENTIFIQUE. Immunorex est un produit à base de DHEA, inventé par le professeur Donatien Mavoungou, originaire du Gabon et soutenu par l’IIDSRSI, un obscur institut français créé et présidé par Michel-Paul Correa. En 2011, ce dernier rencontre Jean-Claude Chermann pour lui présenter Immunorex. Le virologue lui conseille alors de créer un comité scientifique dont il prend la présidence. La vice-présidence revient à Mark Wainberg, une vieille connaissance du professeur Donatien Mavoungou. Ce comité scientifique est en fait un leurre qui n’a pour seule vocation que de cautionner avec des noms prestigieux un produit qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans le traitement du sida. Pire, quelques mois seulement avant la constitution du comité scientifique, Immunorex avait été interdit au Gabon, son pays d’origine. À l’époque, il ne s’appelait pas Immunorex DM28 mais Immunor IM28. "Nous avons été appelés à donner notre avis sur ce sujet en 2010 et 2011 et avons conclu que l’IM28 de Donatien Mavoungou n’était pas un médicament contre le sida et qu’il ne pouvait être vendu. Nous avons présenté toute l’argumentation au Conseil scientifique national, qui avait fort heureusement décidé du retrait de ce produit alors vendu, de façon aussi incroyable qu’invraisemblable, dans une pharmacie de Libreville. Ladite pharmacie avait d’ailleurs été fermée le temps de l’enquête par l’Inspection générale de la Santé", nous avait confié lors de notre enquête le professeur Franck Idiata, commissaire général du Cenarest, le centre national de la recherche scientifique du Gabon.
Si aujourd’hui Immunorex est suspendu en RDC après avoir été interdit au Gabon, rien ne dit qu’il ne réapparaitra pas dans un autre pays, sous un autre nom. Lors de nos échanges, Michel-Paul Correa, le président de l'IIDSRSI, nous avait indiqué avoir fait des demandes d’AMM pour la République du Congo, le Cameroun, la Côte-d'Ivoire, le Sénégal, l'Angola, le Nigeria, le Togo, la Tunisie, le Bénin et même le Kazakhstan. De son côté, l’Onusida nous a assurés qu’elle avait alerté ces pays sur l’éventuel lancement de ce produit.
Dans le daté mars de notre magazine (n°841), nous reviendrons en détails sur Immunorex et sur les nombreuses fraudes et escroqueries qui entourent cette affaire.
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