dimanche 22 janvier 2017

Le Parlement en faveur du salaire minimum pour toute l’UE

Des eurodéputés défendent l’introduction d’un salaire minimum dans tous les pays de l’UE, au grand dam des personnalités politiques, des groups de lobby industriels et même de certains syndicats.
Maria João Rodrigues, eurodéputée socialiste et ancienne ministre portugaise à l’Emploi, a pris les rênes d’un rapport parlementaire en faveur du salaire minimum. Elle s’est déclarée surprise du soutien du Parlement pour une résolution appelant à une législation européenne imposant un salaire minimum dans tous les pays membres.
Vingt-deux États de l’UE ont déjà un salaire minimum obligatoire, mais ce n’est pas le cas en Suède, au Danemark, en Italie, à Chypre, en Autriche et en Finlande.
Le rapport parlementaire n’est pas contraignant, mais l’avis des députés pourrait peser sur la Commission, qui proposera de nouvelles règles sur la sécurité sociale, incluant des mesures liées aux conditions de travail et aux salaires, dans deux mois. Le rapport a été approuvé par le Parlement à 396 voix pour, 180 contre et 68 abstentions.
Marianne Thyssen, commissaire aux Affaires sociales, a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’empièterait pas sur les décisions des États en imposant un salaire minimum européen. Les lois salariales sont en effet généralement du ressort des capitales, et non de la Commission.
La commissaire a cependant encouragé les États à se doter d’une règle nationale à ce sujet. La proposition qu’elle présentera en mars pourrait convaincre les quelques pays qui n’en ont pas encore de sauter le pas, selon les informations obtenues par EurActiv.
« Cela ne nous empêche pas nécessairement d’établir des jalons. Si nous voulons davantage de convergence entre États membres, il pourrait être bénéfique de se pencher ensemble sur la question du salaire minimum », a-t-elle indiqué lors d’une séance plénière du gouvernement à Strasbourg.
Maria João Rodrigues ne défend pas non plus l’idée d’un salaire minimum fixé au niveau européen. Pour elle, les gouvernements devraient être obligés de définir un salaire minimum, mais le niveau de celui-ci pourrait varier en fonction des pays. « Il faut mettre en place un cadre européen imposant un salaire minimal, et le niveau concret de celui-ci doit être déterminé au niveau national », a-t-elle expliqué à EurActiv après le vote du 19 janvier.
S’ils ont approuvé le rapport dans l’ensemble, les eurodéputés du groupe de centre droit, le PPE, se sont opposés à une clause fixant le salaire minimum à au moins 60 % du salaire moyen du pays. Ils ont également supprimé la partie qui demandait à la Commission d’évaluer le salaire de subsistance dans chaque État membre.
« Cela montre que les forces conservatrices présentes en Europe veulent que les citoyens du continent continuent de survivre grâce à des salaires très bas », regrette la députée socialiste. Une telle stratégie va en effet à l’encontre de la consommation, et donc de la croissance.
Le PPE est le plus grand groupe politique du Parlement européen. Jusqu’à peu associé aux socialistes du S&D, le Parti populaire entretient à présent des relations plus froides avec ce groupe, le deuxième de l’assemblée. C’est le candidat PPE, Antonio Tajani, qui a remporté l’élection pour la présidence du Parlement le 17 janvier.
Les eurodéputés ont présenté l’idée d’un salaire minimum à 60 % du salaire moyen pour la première fois dans une résolution sur le dumping social l’an dernier. La Commission n’a cependant pas inclus la mesure dans sa proposition sur les travailleurs détachés, en mars dernier.
Certains pays qui ont déjà un salaire minimum pourraient soutenir de nouvelles règles européennes à ce sujet. Les candidats de gauche à l’élection présidentielle française ont ainsi soutenu cette idée lors de leurs débats.
Vincent Peillon, eurodéputé, ancien ministre à l’Éducation et candidat à la primaire socialiste, a ainsi prôné l’adoption d’une législation européenne sur les conditions de travail, afin de les rendre plus décentes sur tout le continent. Manuel Vals, ancien Premier ministre actuellement candidat à la présidence, appelle quant à lui à un salaire minimum fixé à 60 % du salaire moyen.
L’appel du Parlement risque pourtant de déplaire dans les pays qui n’ont pas voulu introduire de loi ad hoc. Les syndicats sont également prudents. Dans certains pays où le salaire minimum n’existe pas, les syndicats négocient les salaires via des accords collectifs, et il n’est pas exclu que dans certains cas un salaire minimum ne compliquent leurs négociations.
« Un salaire minimum est nécessaire là où les syndicats et employeur en veulent un. Nous ne sommes pas d’accord avec l’idée de l’imposer tout simplement dans les pays où les syndicats n’en veulent pas », confirme Julian Scola, porte-parole de la Confédération européenne des syndicats.
Le groupe de lobby de l’industrie, BusinessEurope, a refusé de commenter la demande des eurodéputés. Markus Beyrer, le directeur général du groupe, a cependant déclaré dans un communiqué qu’une meilleure réforme des marchés du travail nationaux était nécessaire. « Le renforcement des lois sur le travail et la sécurité sociale aurait l’effet inverse », assure-t-il.
Le rapport de Maria João Rodrigues a également attiré beaucoup d’attention puisqu’il touche au cœur d’un débat très actuel : la manière dont les nouvelles technologies et l’économie des applications mobile ont bouleversé les conditions de travail. L’économie des applications a de fait été au centre d’affrontements virulents dans plusieurs États membres, donnant parfois lieu à des recours en justice et à des manifestations virulentes liées à Uber, Airbnb ou Deliveroo.
Rien d’étonnant, donc, à ce que les eurodéputés appellent la Commission à garantir « des conditions de travail décentes dans tous les types d’emplois », et s’assure que les employés ou indépendants travaillants pour des plateformes Internet aient « des droits similaires aux restes des employés et soient protégés par les programmes de sécurité sociale et d’assurance de santé ».
Pour Julian Scola, le rapport parlementaire est essentiel, parce qu’il pousse la Commission à inclure les travailleurs des plateformes Internet à ses nouvelles règles. Une option déjà envisagée par Marianne Thyssen, qui estime que « tout le monde devrait avoir un contrat écrit ».
(Un bon moyen de baisser le smig français vu que de nombreuses économies européennes ne supporteraient pas son niveau. note de rené)

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