dimanche 20 mars 2016


Irlande, la croissance et après ?

Par  - Publié le  | L'Usine Nouvelle n° 3460
Twitter Facebook Linkedin Google Plus Email

Pierre-Olivier Rouaud 
© Pascal Guittet















Ombres et lumières sur les bords de la Liffey. À Dublin, la semaine dernière, deux faits se sont entrechoqués le même jour. La publication du chiffre de la croissance de l’Irlande en 2015, spectaculaire, à 7,3%. Et la démission d’Enda Kenny, "Taoiseach" (Premier ministre) depuis cinq ans. Après les législatives du 26 février, mauvaises pour son parti de centre-droit, le Fine Gael, il a échoué à réunir une majorité au Dáil, la chambre des députés. Les députés se retrouveront le 22 mars pour tenter de trouver une issue à cette crise, qui passera peut-être par une grande "coalition" avec le Fianna Fail, l’autre grand parti irlandais.
En attendant, le chiffre de la croissance a été aussi décoiffant qu’un coup de vent sur les côtes du Connemara. Dans une Europe anémiée, que le patron de la BCE, Mario Draghi, tente par tous les moyens de stimuler, l’Irlande se distingue par ses indicateurs d’un vert aveuglant. Au dernier trimestre 2015, son PIB a même atteint 9,2%, dépassant l’Inde, la star actuelle de la croissance mondiale.
Dans l’île chérie des multinationales pour son cadre des affaires accommodant et son impôt sur les sociétés au ras du trèfle (12,5%), les Google, Microsoft et autres GSK, mais aussi les entreprises du cru, ont repris le chemin de l’investissement et des embauches. Principal contributeur à la croissance, l’investissement privé s’est ainsi envolé de 13% l’an dernier. La production industrielle a bondi de 60% en cinq ans. Quant au chômage, à 8,8%, il vient d’atteindre le plus bas niveau depuis fin 2008. Le nombre de chômeurs a plongé de 42% depuis le pic de 2011. C’est ce qui s’appelle inverser la courbe !
Quel contraste avec 2010 et l’effondrement du système bancaire, intoxiqué à l’immobilier, puis le plan de sauvetage de 62 milliards d’euros du FMI et de la zone euro, duquel Dublin est sorti en 2013. Pour les tenants de l’ordolibéralisme à l’allemande, c’est la preuve que l’austérité était un mal nécessaire. En la matière, les Irlandais ont payé leur écot : rabotage des avantages sociaux, réforme du droit du travail et du système de santé, sans parler du paiement de l’eau potable, un sujet encore épidermique.
Si les faits donnent raison aux hommes en gris de la Troïka, les Irlandais ne semblent guère impressionnés. Beaucoup s’interrogent sur la crédibilité de ces indicateurs ronflants. Le pays va mieux, mais n’a pas retrouvé toute sa prospérité : le PIB par habitant reste 10% en deçà de son pic de 2007. La dette, en recul, tutoie encore les 100% du PIB. Comme en Espagne, dont les indicateurs en amélioration sont toutefois loin de ceux de Dublin, les électeurs, peu reconnaissants, ont sanctionné le pouvoir. Sans pour autant donner un mandat clair à l’opposition. En Europe, le temps est à la confusion. 
Pierre-Olivier Rouaud
Imprimer

Aucun commentaire: