Sols, air et eaux, les nanomatériaux polluent tout. Avec quelles conséquences ?
source : Sciences et Avenir
L’OCDE publie un rapport démontrant que les nanomatériaux ne sont pas traités par les stations d’épuration et les usines d’incinération. Ces particules se diffusent ainsi largement dans l’environnement.
Station d'épuration des eaux usées en France. Boulat Alexandra/Sipa
DISPERSION. On utilise de plus en plus de matériaux d’une taille comprise entre un et cent nanomètres. Lorsqu’ils arrivent en fin d’utilisation, il est très difficile de les récupérer lors des traitements des déchets solides et des eaux usées des ménages et des industriels. On assiste donc aujourd’hui à une dispersion à grande échelle de ces substances qui ont un impact non évalué sur l’environnement. Tel est en résumé le cri d’alarme de la section environnement de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui regroupe les 34 Etats les plus riches de la planète.
Le succès des nanomatériaux peut être qualifié de fulgurant. Présents dans les produits cosmétiques, les engrais et pesticides, l’électronique, les textiles antibactériens, les articles de sport ou encore les batteries lithium-ion, les nanomatériaux équipent désormais plus de 1300 produits de consommation. Les applications a été multiplié par 5 entre 2006 et 2011. En 2012, il s’en est fabriqué 11 millions de tonnes pour une valeur de 20 milliards d’euros. "Malgré cette tendance et les risques qui y sont associés, les déchets contenant des nanomatériaux sont mélangés avec les autres résidus sans aucune précaution ou traitement particulier", note le service environnement de l’OCDE. A défaut d’être récupérées, ces particules très fines se retrouvent dans la boue des stations d’épuration, dans les fumées des incinérateurs ou dans les lixiviats (jus pollués) des décharges. Quel type de produit ? En quelle quantité ? "L’important déficit de connaissance provient du manque d’informations sur le type et la quantité des différents nanomatériaux entrant dans les différents modes de traitement", affirme le rapport.
Une pollution qui pourrait être contenue
Tout aussi abyssale est l’ignorance sur l’effet des particules sur les sols, dans l’air et dans les eaux, assure encore l’OCDE. L’inquiétude porte notamment sur la qualité des sols agricoles. Les boues de stations d’épuration servent en effet d’engrais. En France, la moitié de ces boues servent ainsi d’amendement. Quel est le comportement des noirs de carbone et oxydes de titane dans le sol ? Sont-ils absorbés par les plantes ? Peuvent-ils à terme affecter la santé humaine ? Ces questions seraient aujourd’hui sans réponse. Ingérés, ces matériaux pourraient provoquer des cancers du poumon et des effets toxiques sur le système nerveux.
Les nanoparticules peuvent cependant être filtrées. Les meilleures stations d’épuration arrivent à éliminer jusqu’à 80% de cette charge polluante. Les systèmes de lavage de fumée sont également très efficaces. Mais ces techniques de dépollution sont encore peu répandues parmi les Etats membres. Leur diffusion serait pourtant d’autant plus nécessaire que les nanoparticules perturbent l’efficacité des traitements biologiques des eaux usées. L’OCDE préconise donc d’augmenter l’effort de recherche sur la toxicité des nanomatériaux dans l’environnement, de moderniser les systèmes de traitement des déchets et d’améliorer les taux de recyclage des objets utilisant ces produits. Pour l’OCDE, il y a urgence.
Les nanomatériaux en FranceDepuis 2013, les fabricants et importateurs de nanomatériaux sont tenus de déclarer les volumes qui sont mis sur le marché français ainsi que les produits qui en comportent. Selon le rapport de 2014, plus de 10 000 déclarations ont été effectuées cette année-là, contre 3400 en 2013. Le secteur de la pêche, de la sylviculture et de l’agriculture est à l’origine de 6400 déclarations, un poids vraisemblablement dû à la volonté de ces professions de répondre à ses obligations. Les nanomatériaux sont surtout présents dans les engrais et pesticides. Au total, 275.000 tonnes ont été produites en France et 122.500 importées. Les deux principaux matériaux produits et/ou importés à plus de 100.000 tonnes sont le noir de carbone et le dioxyde de silicium...
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