Aux Etats-Unis, le candidat socialiste écolo Bernie Sanders crée la surprise
13 octobre 2015 / Yona Helaoua (Reporterre)
Inconnu il y a quelques mois, Bernie Sanders est au coude-à-coude avec Hillary Clinton dans la course aux primaires des présidentielles. Connu pour sa bataille contre les inégalités, il s’engage aussi fermement contre le changement climatique. Il prône l’instauration d’une taxe carbone et le développement de l’énergie solaire aux Etats-Unis.
Washington, reportage
A quelques heures du premier débat entre les candidats aux primaires démocrates, ce mardi soir 12 octobre à Las Vegas, Bernie Sanders est la surprise de cette campagne. Depuis qu’il a annoncé qu’il se lançait dans la course à la Maison Blanche en avril dernier, l’élu du Vermont est passé de 6 % d’intentions de vote à 24 % chez les électeurs démocrates, selon un sondage CNN/ORC. Il est donné gagnant dans le New Hampshire, et se trouve au coude-à-coude avec sa principale rivale, Hillary Clinton, dans l’Iowa, les deux États qui votent les premiers. Même du côté des donateurs, qu’il ne courtise pourtant pas aussi ouvertement qu’Hillary Clinton, les écarts se réduisent : Bernie Sanders a levé 26 millions de dollars au dernier trimestre, contre 28 millions pour sa concurrente, pourtant présentée comme la « candidate de l’establishment ».
Sa popularité a changé, mais pas lui. Maire de Burlington, la plus grande ville du petit Etat du Vermont, en 1981, élu à la Chambre des représentants en 1990 puis au Sénat en 2006, l’homme de 74 ans est resté constant dans ses idées. Il se présente comme un « socialiste démocrate » - une dénomination qui fait d’ailleurs dire à certains qu’il ne pourra jamais devenir président des Etats-Unis.
Qu’importe, depuis plus de quarante ans, il mène le même combat contre les inégalités. Fils d’un vendeur de peinture et d’une femme au foyer, Bernie Sanders a connu les petits boulots et le chômage. Une expérience qui l’a poussé très tôt à militer pour une meilleure redistribution des richesses. Dans son livre co-écrit avec son ami Huck Gutman en 1998, Outsider in the House, il réduit le problème à une simple formule : « Richesse = pouvoir, manque d’argent = soumission ».
Le sénateur le plus engagé pour le climat
Si le social tient une place centrale dans son discours, l’environnement n’est pas en reste. Il serait même le sénateur le plus actif pour la défense des idées vertes, selon le Climate Haws Vote, un Super-PAC (comité de dépense indépendant) qui soutient les hommes politiques engagés contre le changement climatique. Bernie Sanders est ainsi l’un des seuls à dénoncer les climato-sceptiques à Washington. En juillet 2014, il déclarait au sujet des Républicains : « Pour la première fois, nous avons un parti politique majeur qui, dans son ensemble, rejette ce que dit la communauté scientifique. » Selon lui, la question du réchauffement ne devrait même plus être sujette au débat.
Pour combattre le changement climatique, la taxe carbone est sa proposition phare. C’est, estime-t-il, la stratégie la plus efficace pour à la fois réduire les émissions, mettre en lumière le vrai coût des énergies fossiles et rendre les énergies renouvelables plus abordables. En 2013, le sénateur du Vermont avait déjà fait une tentative en proposant une loi : le Climate Protection Act. Il s’agissait de taxer les émissions de carbone et de méthane, et de redistribuer la grande majorité des revenus aux contribuables, le reste allant à des investissements verts. Sans grande surprise, le texte avait été rejeté.
Tout comme sa proposition de loi sur l’énergie solaire en 2010, baptisée le « 10 Million Solar Roofs & 10 Million Gallons of Solar Hot Water Act ».
Indépendant des compagnies fossiles
Et si le thème des énergies renouvelables n’est pas très original dans le camp démocrate, Bernie Sanders se démarque d’Hillary Clinton sur deux points principaux. Il est en effet l’un des trois seuls candidats signataires, avec son concurrent démocrate Martin O’Malley et la candidate du Parti vert Jill Stein, d’un engagement à ne pas accepter l’argent des compagnies de pétrole, de gaz et de charbon pour financer la campagne. C’est se priver d’une belle somme, quand on sait que les lobbies du gaz et du pétrole ont financé 76 millions de dollars durant les élections de 2012, et que le lobby du charbon a donné 15 millions de dollars.
Autre différence avec Hillary Clinton : Sanders clame haut et fort son opposition au projet KeystoneXL Pipeline, contrairement à l’ancienne secrétaire d’État qui évite le sujet.
Un programme encore flou
Pourtant, bien que ses prises de position sur le climat lui aient apporté le soutien de plusieurs acteurs écologistes, comme l’association Friends of the Earth, certains lui reprochent de ne pas en faire assez. Par exemple, le candidat n’a toujours pas consacré, jusqu’ici, de réel discours au thème de l’environnement durant sa campagne.
Et sur son site Internet, la partie consacrée au climat est assez mince. Elle se contente de rappeler quelques idées fortes ainsi que les engagements passés du candidat. Mais rien sur les mesures précises qu’il voudrait mettre en œuvre une fois président. « Sanders n’a détaillé aucune proposition concrète en matière de climat, mis à part son opposition aux forages en Arctique et au Keystone XL pipeline », regrette ainsi le site écolo grist.org.
Le candidat devra donc faire plus pour convaincre les écologistes. Mais aux Etats-Unis, parler d’environnement sans effrayer des électeurs attachés à un mode de vie très polluant relève du numéro d’équilibriste. Premier essai ce soir, sur CNN.
Voir la vidéo de Bernie Sanders discourant (en anglais)
Source : Yona Helaoua pour Reporterre
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