Au Japon, le gouvernement s’est doté d’un Conseil stratégique de l’IA afin de statuer sur la question de l’encadrement de l’intelligence artificielle (IA). Selon Nikkei Asia, Tokyo pencherait plutôt pour une approche très souple, en opposition à celle de l’Union européenne (UE), afin d’attirer entreprises et investisseurs.

Le Japon, « pays le plus favorable à l’IA » ?

Le Japon veut même devenir le « pays le plus favorable à l’IA dans le monde », selon les sources évoquées par Nikkei Asia. Le Conseil stratégique de l’IA se concentre apparemment sur la surveillance exercée par l’industrie elle-même, plutôt que par le gouvernement et les régulateurs.

Il reprend ainsi la rhétorique chère à Emmanuel Macron, opposé au règlement européen, affirmant que ne pas encadrer strictement l’IA revient à favoriser l’innovation. Aucun des membres ne semble pour l’adoption d’une loi sévère.

Le Japon tente donc de se positionner aux antipodes de l’Europe. Le règlement de l’UE, l’AI Act, a été adopté par toutes les instances en mai, rendant possible sa mise en application. Il pourrait entrer en vigueur dès 2026.

Les négociations se sont révélées difficiles entre deux camps. L’un pour une réglementation très stricte, l’autre pour un encadrement souple car cela favoriserait l’innovation. Une position notamment défendue par l’Allemagne et la France.

L’AI Act a finalement été basée sur les risques des modèles. Les IA seront classées selon différents niveaux de risques, en fonction de leurs usages et des secteurs auxquels elles sont destinées. Outre des obligations de transparence, les créateurs devront fournir une documentation technique sur leurs systèmes à risque. Ils se verront aussi obligés à étiqueter les contenus générés par des IA. Pour les IA génératives, des règles spécifiques s’appliqueront.

Enfin, certaines pratiques seront interdites, dont les systèmes de notation sociale ou ceux exploitant des données biométriques pour catégoriser les personnes selon leur race ou leurs croyances religieuses. Résultat : l’AI Act est aujourd’hui considéré comme le texte le plus dur au monde.

Pour Tokyo, se positionner à l’opposé est une tentative de rassurer investisseurs et sociétés, et de les attirer sur son sol. Si certaines mesures prises par le gouvernement ces derniers mois suggèrent qu’il pourrait s’éloigner de sa position souple, le Parti libéral démocrate (LPD), actuellement au pouvoir, affirme que la législation reste très favorable aux entreprises.

La législation japonaise convainc les entreprises

« Cette question nous est souvent posée par des entreprises technologiques étrangères », a expliqué Masaaki Tairi, membre du LPD et membre de la chambre des représentants, à Nikkei Asia, avant d’ajouter que « le Japon n’envisage pas de mettre en place une réglementation stricte, et il y aura aussi peu de réglementations que possible ».

Grâce à cette approche flexible, « il devient plus facile d’attirer des talents et de l’argent », estime-t-il. Parmi les idées concrètes du gouvernement figure surtout le ciblage de certains développeurs d’IA ayant un impact social important avec des risques élevés ; Puis de les obliger à signaler ces risques au gouvernement ou encore à réaliser des évaluations de sécurité.

Des experts japonais affirment que cet encadrement de l’IA s’inspire directement des lois antitrust du pays, elles aussi relativement souple. Ils soutiennent que c’est grâce à cette approche que de grandes entreprises technologiques américaines et des startups de l’IA ont débarqué au Japon pour y investir.

Il ne faut pas oublier que le pays du soleil levant profite aussi de la guerre technologique entre Américains et chinois et apparaît parfois comme un refuge. Il n’en demeure pas moins que les acteurs du secteur semblent rassurés sur l’approche japonaise.

Microsoft, Google mais aussi Amazon ont annoncé des investissements. Amazon a promis 14 milliards de dollars dans le cloud, indispensable pour l’IA, d’ici 2027. Pour le Japon, cela signifie également de nouveaux emplois et des ressources supplémentaires en puissance de calcul pour répondre aux besoins croissants du marché local et à la pénurie de main-d’œuvre, accentuée par le déclin démographique.

OpenAI, derrière ChatGPT, doit également être satisfaite. La société a ouvert son premier bureau asiatique dans la capitale en avril. Néanmoins, face aux risques de cette technologie, la population commence à demander une réglementation plus dure. Les règles pourraient donc être amenées à évoluer dans les prochains mois.