mardi 1 janvier 2019

Le capitalisme dans tous ses états

Philippe Hildebrand, ancien président de la Banque Nationale Suisse, Vice-président et membre du comité exécutif du plus important fonds d’investissement spéculatif de la planète, « BlackRock », recommande, dans une interview, accordée à un quotidien suisse, de profiter des fêtes de fin d’année pour lire quelques lignes de Karl Marx.
 En effet, les menaces qui planent sur le capitalisme des « Wasps » (White Anglo-Saxon Protestants) sont nombreuses, comme le remarque l’ancien parlementaire britannique et journaliste, George Galloway, dans une intervention au sujet du « maccarthysme » ambiant sur la chaîne d’information russe « Russia Today ».
Certes, il y a la contestation de la rue, qui a fini par remonter à la surface, mais il y a également celle d’autres forces, plus diffuses, celles d’une Russie, de plus en plus confiante sur le plan politique, et celle d’une Chine, devenue la deuxième puissance économique de la planète, des menaces sur de multiples fronts donc, de quoi semer le doute.
Gardienne de la doctrine du libéralisme économique du 18ème et 19ème siècle d’Adam Smith et David Ricardo, l’establishment britannique assiste actuellement les Etats-Unis dans une vaste tentative désespérée de maintien de la primauté du modèle économique anglo-saxon, avec le soutien appréciable des gouvernements européens, au point que, il y a peu de temps, la chaîne d’information russe « Russia Today » s’était vu refuser l’accès aux conférences de presse de l’Elysée, la résidence du président français.
Le prestigieux hebdomadaire britannique « Sunday Times » du milliardaire australien Rupert Murdoch exige, dans un récent article, la clôture immédiate de l’agence de presse russe « Sputnik », basée dans la ville écossaise d’Edimbourg, l’accusant d’être un « larbin » du gouvernement russe, propageant de « fausses informations ». En violation de toute déontologie journalistique, l’hebdomadaire va jusqu’à publier les noms du personnel, des journalistes et des techniciens. D’autres titres de la presse britannique, tels que « The Sun », « The Independent », « The Guardian », « Daily Mail » lui emboîtent le pas.
Ainsi le responsable du bureau britannique de la chaîne d’information russe « Channel One » (250 millions de téléspectateurs à travers le monde), Timur Siraziev, reçoit les foudres des médias pour avoir tourné un reportage sur la cyberguerre de l’armée britannique pour contrer la « propagande russe », tournant un reportage aux abords d’une base militaire, après avoir demandé et reçu toutes les autorisations nécessaires, tel que la BBC l’avait fait auparavant.
Quelques semaines plus tard, le « Daily Mail » se sentit obligé de publier toutes ses données personnelles avec photo, l’accusant d’être un espion russe. L’histoire avait été reprise telle quelle par « The Sun », « The Guardian », ainsi que « The Telegraph », ce qui avait incité le Secrétaire d’Etat à la Défense, Gavin Williamson, d’émettre une déclaration, avertissant les citoyens britanniques « de rester vigilants ».
A l’égard de la Chine, le ministre, se montre également « concerné », à cause de l’implication du géant chinois des télécoms « Huawei » dans le processus d’amélioration du réseau de la téléphonie mobile britannique et son adaptation à la nouvelle génération « 5G », accusant par la même occasion le gouvernement chinois de se livrer à l'espionnage économique.
Dans ce contexte, on garde en mémoire l’arrestation, le 1er décembre dernier, de la citoyenne chinoise, Meng Wanzhou, directrice financière et Vice-présidente de « Huawei », fille de son fondateur Ren Zengfei, à l’aéroport de Vancouver, en transit vers le Méxique, sur instigation du Département de justice américaine.
Les médias de la Russie capitaliste ne sont pas les seules cibles de l’empire Murdoch. Jeremy Corbin, le leader du parti travailliste « Labour », est également un bon client depuis des années, accusé fréquemment d’antisémitisme d’une part, et de soumission au gouvernement russe de l’autre. 
Non content de son isolation économique et politique imminent, définitivement consommée avec sa sortie chaotique de l’Union Européenne, le gouvernement britannique semble avoir le chic de se mettre à dos à peu près tous les partenaires commerciaux qui lui resteront encore. Marx semble l’avoir pressenti. A terme, le capitalisme s’autodétruit.
En attendant, de l’autre côté de l’Atlantique, le « maccarthysme » néo-communiste prend des formes de plus en plus grotesques. Le titre phare de la presse américaine, le vénérable « New York Times » affirme le plus sérieux du monde que « le gouvernement russe aurait influencé les élections présidentielles de 2016 en ayant ciblé, en particulier, la communauté afro-américaine et la communauté LGBT, via les réseaux sociaux », « facebook » et « Twitter », se basant sur un rapport, commandé par le sénat américain à « New Knowledge », une société de cybersécurité, basée à Austin dans le Texas, publié le 17 décembre dernier.
Le pedigree des deux fondateurs de cette firme en dit long sur leurs motivations. Ryan Fox a passé 15 ans de sa vie aux services de la NSA (National Security Agency), ancien membre d’un commandement subordonné, « Joint Special Operations Command » (JSOOC) de l’armée américaine en tant qu’analyste. Jonathon Morgan de son côté, a travaillé pendant 12 ans comme expert à la prestigieuse « Brookings Institution », un « think-tank » néolibéral, fondé à Washington en 1916, pour ensuite entrer au service du Département d’Etat de l’administration Obama. 
La firme se vente sur son site internet d’avoir trouvé l’outil informatique permettant « d’identifier les mécanismes d’interférence, utilisés par des agents russes dans l’élection présidentielle de 2016. » Parmi ses clients on compte la communauté du renseignement américain ainsi que les plus grandes multinationales.
Dans un sursaut patriotique les « cyber-geeks » auraient, selon leur dire, « senti le besoin de fournir aux agences du renseignement et aux acteurs majeurs de l’économie un outil fiable de « détection de la désinformation » dans le but de défendre l’opinion publique. »
Se basant précisément sur le rapport de « New Knowledge », le député Jerrold Nadler, représentant du 10ème district de l’Etat de New York, qui avait comparé la supposée interférence russe dans les élections de 2016 à l’attaque japonaise de la base navale américaine « Pearl Harbor » en 1941, interroge, lors d’une audience au sénat, Sundar Pichai, le Directeur Général de la multinationale « Google » au sujet de l’ampleur du piratage russe.
Jerrold Nadler : « Connaissez-vous le montant en frais de publicité qu’ont dépensé ces agents russes, dont parlent les médias ? » Sundar Pichai : « Nous avons effectué une investigation approfondie à ce sujet et nous savons qu’il y a eu, sur toutes nos plateformes, deux « ads », liés à des internautes russes, pour la somme de 4'700 USD. » (?)
Selon un article, paru dans le « Washington Post » Jonathon Morgan, un des deux cofondateurs de « New Knowledge » avait été suspendu par le réseau social « facebook » pour avoir organisé, en décembre 2017, des interférences ciblées dans les élections spéciales en Alabama, entre le candidat démocrate Doug Jones et le républicain Roy Moore, via un compte fictif.
Mandaté par des membres du Parti démocrate, Jonathon Morgan a admis publiquement avoir lancé une campagne de désinformation sur le réseau « facebook » en créant une page bidon dans le but de salir la réputation du candidat républicain, l’accusant d’agression sexuelle, encourageant les électeurs, favorables au Parti démocrate de se déplacer aux urnes, tout en incitant les citoyens républicains de voter pour un candidat marginal pour affaiblir le candidat officiel. 
Le site d’information « grayzone project » du journaliste Max Blumenthal remarque dans un article à ce sujet que ce procédé correspond exactement à celui dont la firme accuse les « troll farms » russes, telles que « Internet Research Agency », basée à Saint-Pétersbourg.
Toujours selon le même article, « New Knowledge » aurait également fabriqué, sur internet, un lien entre le candidat républicain Roy Moore et le Kremlin, prétendant que ses adhérents « twitter » étaient des « bots informatiques » d’origine russe. Tout en admettant l’opération, Jonathon Morgan se défend d’avoir voulu tester simplement une nouvelle technologie.
Seulement le « geek » ne s’arrête pas en si bon chemin. Il est cité par la chaîne d’information « Fox News » et le « Wall Street Journal » pour avoir « détecté des centaines de comptes « facebook » et « twitter », manipulés par des agents russes, dans le but d’influencer le mouvement contestataire français des gilets jaunes, car celui-ci inquiéterait, selon le « Wall Street Journal », la classe néolibérale centriste (?) des deux côtés de l’Atlantique. Jonathon Morgan admet certes qu’il n’a aucune preuve, mais qu’il y croit dur comme fer. (?) 
En attendant, le capital poursuit son objectif principal, le rendement. Ainsi, le plus grand gestionnaire de fortune, « BlackRock » (6'440 milliards USD sous gestion, près d’un tiers de la dette souveraine des Etats-Unis) fait une fleur à l’environnement en titrant de façon sibyllin sur son site internet « sustainable investing, a « why not » moment », et de poursuivre que « Nous pensons que l’investissement dans des titres « durables » ne compromet pas nécessairement l’objectif de rendement, mais peut, au contraire, offrir une meilleure rentabilité, ajustée au risque, à long terme. »
En tout état de cause la société de gestion patrimoniale pense que « l’économie mondiale s’approche de sa capacité maximale, grâce aux Etats-Unis (réduction massive des impôts sur le bénéfice des entreprises et des revenus des grandes fortunes ndlr), mais son expansion continuera encore pendant quelques années. » (?)
Dans l’ouvrage « Power Elite », paru en 1956, le sociologue américain Charles Wright Mills contredit la thèse prédominante de ses confrères à l’époque, selon laquelle la société américaine aurait permis une mobilité sociale inégalée. Au contraire, la vraie mobilité se serait limitée à celle entre les trois principaux secteurs du pouvoir, la politique, l’économie et l’armée. 
Aujourd’hui, la concentration du pouvoir ne se limite plus aux frontières d’un pays mais elle est devenue globale. Actuellement, au niveau de la planète, huit individus disposent d’autant de fortune que les 3,6 milliards d’humains les plus pauvres, la moitié de l’humanité.
Peter Philips, professeur en sociologie, ancien directeur du « project censured », analyse dans son nouveau livre « The Global Power Elite » (préface par Noam Chomsky), la nouvelle structure de cette élite et dans quelle mesure le centre de gravité du pouvoir s’est déplacé.
En 2018, le pouvoir, politique et économique, se trouve moins en mains des grandes familles riches, bien que les 2'000 milliardaires et les 36 millions millionnaires continuent à profiter de leur fortune, mais en mains des fonds d’investissement transnationaux, dont les 200 dirigeants des 17 d’entre eux contrôlent une fortune de 41’000 milliards USD, dont « BlackRock » est le plus important.
80% de la population mondiale vit avec moins de 10 USD par jour, la moitié vit avec moins de 3 USD et un quart avec 2 USD pendant qu’un tiers de la nourriture produite chaque année est détruite parce que leur vente ne génère pas un rendement acceptable. 
Ces géants de la finance échappent à la régulation bancaire parce qu’ils agissent uniquement en tant qu’intermédiaires, ou conseillers, et n’engagent pas leurs bilans dans leurs transactions. Le risque systémique qu’ils représentent pour le système financier mondial toutefois ne peux plus être occulté.
(La concentration, mot clé du mondialisme, comme source du pouvoir et sa conséquence directe l'oppression ne peut exister que si il y a des facteurs de modération, ce que refusent les chantres de ce type de fonctionnement économique, politique et sociétale. La ou les guerres civiles en sont l'aboutissement car la concentration des pouvoirs isole une élite auto-constituée loin de la préoccupation des peuples qui est tout simplement un mieux être. note de rené)

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