lundi 4 juin 2018


La Roumanie s’attaque à la mafia du bois
Par : Arthur Neslen | The Guardian | translated by Manon Flausch via Euractiv
 10:57

Trois hectares d’épicéas, de hêtres, de sapins et de sycomores disparaissent toutes les heures dans les forêts des Carpates. [Shutterstock]
                                                                                                                          
Les autorités roumaines ont orchestré une série de raids contre une mafia du bois qui pourrait peser 25 millions d’euros. C’est la plus grande opération de ce type en Europe. Un article de notre partenaire, le Guardian.
Fin mai, des agents de la direction de l’enquête contre le crime organisé et le terrorisme (DIICOT) roumaine ont fait des descentes à 23 adresses, y compris des usines du groupe autrichien Holzindustrie Schweighofer, selon la presse locale.
Dans un communiqué, le gouvernement indique avoir « des soupçons raisonnables quant à la création par plusieurs individus et depuis 2011, d’un groupe criminel pour contourner les enchères publiques au niveau des départements forestiers ».
Des fonctionnaires seraient impliqués dans les abattages illégaux, selon le communiqué.

La Cour de justice européenne a jugé que l’abattage d’arbres dans la forêt polonaise de Białowieża était contraire au droit européen. Si le gouvernement n’y met pas fin immédiatement, de lourdes amendes pourraient suivre ce jugement.
Les zones concernées se trouvent dans les montagnes des Carpates, qui abritent certaines des dernières forêts primaires d’Europe, similaires à la forêt polonaise de Białowieża, mais plus grandes.
Selon les estimations de Greenpeace, trois hectares d’épicéas, de hêtres, de sapins et de sycomores disparaissent toutes les heures dans les forêts des Carpates, véritable havre de biodiversité de 200 000 hectares.
La déforestation est un sujet brûlant en Europe en ce moment. Une interdiction de l’huile de palme est actuellement discutée par les institutions de l’UE, qui espèrent ainsi protéger les forêts tropicales de l’Asie du sud-est.
Les raids menés ce week-end suivent un rapport de l’Agence de recherche sur l’environnement (EIA), qui a trouvé des preuves de l’entrée de bois illégal dans la chaine d’approvisionnement de Schweighofer en 2015.
« C’est la première fois qu’une entreprise est réellement rendue responsable d’abattages illégaux de cette ampleur en Europe », explique David Gehl, coordinateur des programmes de l’EIA pour l’Eurasie. « Cela envoie un message fort à l’industrie du bois : la déforestation illégale des dernières grandes forêts européennes aura des conséquences. »
Le rapport de l’organisation a porté l’abattage illégal au-devant de la scène en Roumanie, déclenchant des manifestations nationales et une enquête du ministère de l’Environnement, qui a permis l’action policière du week-end dernier.
Le rapport accusait Schweighofer de ne pas respecter les obligations légales en matière d’origine du bois et estimait que son approche « posait les fondements d’une crise sur le marché du résineux ».
Les fournisseurs de mois de l’entreprise « ne peuvent pas prouver la légalité de l’origine de leur bois parce qu’ils n’ont aucune relation contractuelle avec d’autres entreprises », soulignait le document.

La commissaire roumaine Corina Creţu souhaite que son pays profite pleinement des fonds européens qui lui sont proposé et que la Moldavie remplisse les critères d’adhésion du bloc afin de débloquer encore plus de financement.
Le rapport s’interrogeait aussi sur la possibilité que « du personnel forestier de certaines structures autorisées » participe aux activités illégales via des chaines d’approvisionnement qui cherchaient à « donner l’apparence de la légalité ».
Un communiqué de l’entreprise confirme que les autorités roumaines ont enquêté dans les scieries de Sebes et Radauti, ainsi que dans les bureaux de Bucarest.
« Holzindustrie Schweighofer coopère avec les autorités roumaines et soutient pleinement leurs efforts dans cette enquête », a déclaré un porte-parole de l’entreprise.
Mais des sources proches de la société ont décrit l’investigation comme « une opération nationaliste et populiste » ayant pour but de détourner l’attention des problèmes qui touchent le secteur forestier roumain.
« Dans les semaines à venir, vous verrez d’autres actualités impliquant des entreprises autrichiennes », ajoute une source. « La Roumanie est un environnement difficile pour les investisseurs à l’heure actuelle. Les circonstances sont loin d’être roses. »

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