lundi 4 juin 2018


La refonte de la PAC sous le feu des critiques
Par : Sarantis Michalopoulos | EURACTIV.com | translated by Marion Candau
 2 juin 2018

Avec un budget en baisse et une latitude plus grande donnée aux capitales, la nouvelle version de la politique agricole commune (PAC) a provoqué de vives réactions.
Pour les défenseurs de l’environnement et les agriculteurs, la nouvelle proposition de Buxelles pour la PAC post-2020 risque de rendre les objectifs environnementaux difficiles à atteindre.
Phil Hogan, commissaire européen chargé de l’agriculture et du développement rural, a déclaré que les propositions moderniseraient et simplifieraient la PAC « en assurant une véritable subsidiarité pour les États membres, en renforçant la résilience du secteur agricole européen ainsi que l’ambition environnementale et climatique ».
Sur la base d’une communication publiée en décembre dernier, l’exécutif européen a insisté pour laisser plus de marge de manœuvre aux États membres de l’UE pour élaborer leurs propres stratégies nationales qui, en théorie, doivent être conformes aux objectifs généraux fixés par l’UE.
« La Commission approuvera chaque plan afin d’assurer la cohérence et la protection du marché unique », a déclaré l’exécutif dans une déclaration le 1er juin, ajoutant que les performances des pays feront l’objet d’un examen rigoureux.
Dans un effort pour accorder plus de flexibilité dans la mise en œuvre de leurs stratégies nationales, la Commission a déclaré que les États membres auront la possibilité de transférer jusqu’à 15 % de leurs allocations de la PAC d’un pilier à l’autre, les deux piliers étant les paiements directs et le développement rural.
L’aspect « social » des propositions de la Commission suggérait que les paiements directs seraient réduits à partir de 60 000 euros et plafonnés pour les paiements supérieurs à 100 000 euros par exploitation. En outre, les petites et moyennes exploitations agricoles bénéficieront d’un niveau de soutien plus élevé par hectare, tandis que les États membres seront tenus d’affecter au moins 2 % de leur allocation de paiements directs pour aider les jeunes agriculteurs à entrer dans le secteur.
« Nous sommes très inquiets des conséquences de ces propositions. Les paiements directs, qui sont le meilleur moyen, et de loin le plus efficace, de stabiliser les revenus des agriculteurs et de les aider à mieux gérer les risques liés aux revenus, sont de plus en plus érodés dans cette proposition. Nous nous opposons à tout plafonnement ou dégressivité des paiements comme proposé par la Commission », a souligné le président de la Copa Cogeca, Joachim Rukwied.
Farm Europe, un groupe de réflexion spécialisé dans les questions agricoles, a déclaré aujourd’hui que les revenus des agriculteurs seraient réduits de 16 à 20 %, ce qui entraînerait à terme un exode rural massif.
« D’une part, l’impact de la baisse de 12 % du budget de la PAC entraînerait une baisse du revenu des agriculteurs de plus de 8 % en moyenne dans la communauté, avec des effets négatifs particulièrement importants pour les secteurs des grandes cultures, du lait et de la viande. »
Le groupe de réflexion s’est également référé à l’analyse d’impact de la Commission européenne, affirmant que les propositions de réforme entraîneraient une réduction supplémentaire des revenus agricoles entre 8 % et 10 % selon les options choisies par les États membres dans ce scénario de renationalisation générale de la PAC.
PAC et changement climatique
Les ONG environnementales ont vivement critiqué les propositions de la Commission sur la lutte contre le changement climatique, affirmant qu’augmenter les pouvoirs de décision des États membres tuera les objectifs environnementaux.
Dans sa déclaration, l’exécutif a expliqué qu’il fixait des ambitions plus élevées en matière d’action environnementale et climatique.
« La réforme place tous ses espoirs d’atteindre les objectifs de l’UE sur des vœux pieux, en supposant que les États membres poursuivront des intérêts publics plutôt que des intérêts particuliers. Les 20 dernières années de mise en œuvre de la PAC ont montré que lorsque l’option leur est donnée, les ministres de l’Agriculture ont tendance à courber l’échine devant le puissant lobby de l’agriculture intensive », a déclaré BirdLife Europe.
La Commission européenne a souligné dans son communiqué qu’elle avait fixé des ambitions plus élevées pour l’action environnementale et climatique. La nouvelle PAC exige des agriculteurs qu’ils atteignent un niveau d’ambition plus élevé grâce à des mesures obligatoires et incitatives :
  • Les paiements directs seront subordonnés à des exigences environnementales et climatiques renforcées ;
  • Chaque État membre devra proposer des éco-mécanismes pour aider les agriculteurs à aller au-delà des obligations, financés par une partie des allocations de leurs paiements directs nationaux ;
  • Au moins 30 % de chaque allocation nationale de développement rural seront consacrés à des mesures environnementales et climatiques ;
  • 40 % du budget global de la PAC devrait contribuer à l’action climatique ;
« Le projet de la Commission n’offre pratiquement aucune protection pour la santé, l’environnement et le climat. L’UE soutient l’industrie agricole avec des milliards chaque année. Le moins que l’on puisse attendre est que ces investissements aident à atteindre les objectifs climatiques et environnementaux et à fournir des aliments sains et nutritifs », a souligné Marco Contiero, directeur de la politique agricole de Greenpeace.
« Le Parlement européen et nos gouvernements doivent fixer les priorités de la PAC et cesser de verser de l’argent à quelques grands propriétaires terriens et exploitations industrielles. Chacun d’entre nous a le droit de savoir que ce que nous mangeons n’est pas cruel pour les animaux, ne pollue pas notre eau, ne réchauffe pas la planète ou ne nous rend pas malades », a-t-il ajouté.
Les agriculteurs de l’UE ont également réagi à la proposition de la Commission visant à donner aux États membres la possibilité de transférer 15 % supplémentaires du premier pilier au deuxième pilier pour les dépenses liées aux mesures climatiques et environnementales.
« Compte tenu de la situation désastreuse des revenus des agriculteurs, nous ne pouvons accepter qu’un pourcentage aussi élevé de paiements directs soit cantonné à des objectifs de lutte contre le changement climatique, car cela réduira encore davantage leur viabilité économique. La durabilité économique des agriculteurs est cruciale pour leur permettre de mieux faire face aux enjeux environnementaux et climatiques », a déclaré le président de la Copa Cogeca, Joachim Rukwied, qui a mis en garde contre l’exode massif des agriculteurs et l’abandon des terres.
Initiative des États membres
Dans le même temps, les ministres de l’Agriculture de l’Espagne, de la France, de l’Irlande et du Portugal, ainsi que les représentants de la Finlande et de la Grèce ont signé jeudi à Madrid une déclaration commune sur la prochaine PAC.
« Les représentants des six États membres regrettent profondément que la Commission envisage une réduction du budget de la PAC dans sa proposition pour la période 2021-2027. Ils soulignent l’impact négatif de cette réduction sur les revenus des agriculteurs, si elle est approuvée, et appellent donc au maintien du budget de la PAC », a déclaré le ministère français de l’Agriculture dans un communiqué.
Les États membres présenteront leur proposition lors de la réunion des ministres de l’Agriculture de l’UE le 18 juin.
(Avec le traité avec le Mercosur, cette fois-ci, ce sont les céréaliers qui sont visés. Ils ont laissé crever les petits et moyens agriculteurs, maintenant, c'est leur tour avec la complicité de leurs dirigeants. note de rené)

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