Après des années de présence américaine, l’Afghanistan en pleine crise humanitaire
Par Brian Cloughley
Paru sur Strategic Culture Foundation sous le titre After Years of US-Led ‘Nation-Building’, Afghanistan Faces a Human Rights Disaster via Entelekheia
Paru sur Strategic Culture Foundation sous le titre After Years of US-Led ‘Nation-Building’, Afghanistan Faces a Human Rights Disaster via Entelekheia
Après plus de seize ans d’occupation militaire étrangère, l’Afghanistan, qui se classe en quatrième place des pays les plus corrompus de la planète, continue d’être la proie d’une guerre. Ses citoyens sont victimes d’attentats-suicides de la part de sauvages déments et, selon le magazine Stars and Stripes, le nombre de bombes larguées sur l’Afghanistan en mars 2018 « a été le plus élevé pour ce mois en cinq ans. Alors que Daech a été repoussé en Irak et en Syrie, le nombre de combattants qui font allégeance au groupe semble augmenter en Afghanistan. »
Mais ce ne sont pas seulement les ravages de la guerre qui détruisent le pays. Le tissu social est en train d’être irrémédiablement déchiré par des violations de droits de l’homme qui sont soit ignorées, soit cautionnées par le gouvernement et l’alliance militaire USA-OTAN dont la « fonction-clé » est de « Soutenir l’adhésion aux principes du droit et de la bonne gouvernance ».
L’inspecteur général spécial des USA pour la reconstruction de l’Afghanistan (acronyme US, SIGAR), John Sopko, a tenté pendant huit ans de s’acquitter de sa mission au mieux, en tant que responsable d’une « surveillance indépendante et objective des 117,26 milliards de dollars que les USA ont alloué à la mise en œuvre des programmes de reconstruction de l’Afghanistan », mais il a fréquemment été mal orienté par le Département de la défense des USA et le gouvernement afghan.
Le rapport du SIGAR pour juillet 2017 exposait que « des officiels afghans restent complices… de l’exploitation sexuelle d’enfants par les forces de sécurité afghanes, » mais comme le note le Washington Post, « le Pentagone a tenté de bloquer une évaluation indépendante des abus sexuels d’enfants commis par des soldats afghans et la police, insistant plutôt sur la création de son propre rapport, qui donne une version beaucoup moins digne de foi des violations des droits de l’homme perpétrées par des alliés des USA. »
Il est aujourd’hui public qu’il y a une culture pédérastique en Afghanistan et que des hommes afghans dans des positions de pouvoir de tous niveaux échappent à toutes les possibilités de poursuites pour abus sexuels de jeunes garçons. La pratique du bacha bazi ou « jeu avec les enfants » est répugnante, et le mot « jeu » est entièrement inapproprié. Le magazine Foreign Policy affirme, « Avilissante et néfaste, la sous-culture pédophile en Afghanistan constitue l’une des pires violations en cours des droits de l’homme dans le monde. Les garçons adolescents qui sont offerts à des relations sexuelles avec des hommes plus âgés sont achetés – ou, dans certains cas, kidnappés – à leurs familles et jetés dans un monde qui les dépouille de leur identité masculine. Ces garçons sont souvent forcés de s’habiller en femmes, de porter du maquillage, et de danser lors de soirées entre hommes. Il sont soumis à des actes sexuels avec des individus beaucoup plus âgés, et restent souvent les gitons d’un homme ou d’un groupe d’hommes pendant de longues périodes ».
Mais le Pentagone ne veut pas que nous sachions quoi que ce soit de tout cela, et a même sanctionné des soldats américains qui s’en étaient pris à ces pervers. Le New York Times a rapporté en 2015 qu’après que le capitaine Dan Quinn ait « frappé le commandant d’une milice soutenue par les USA pour avoir enchaîné un garçon à son lit en tant qu’esclave sexuel », il a été relevé de son poste de commandement. Il a ensuite dit, « nous mettions au pouvoir des gens qui faisaient des choses pires que les Talibans, » ce qui est absolument vrai, parce que même les barbares talibans ne permettaient pasque ces obscénités criminelles échappent à une punition.
Les abus sexuels de jeunes garçons en Afghanistan restent incontrôlés malgré les critiques du SIGAR et au mépris de la ‘Convention internationale sur les droits de l’enfant’ de l’ONU, qui requiert de ses pays signataires qu’ils « s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle. »
Les USA, toutefois, n’ont pas ratifié la Convention, ce qui veut dire qu’ils ne sont pas légalement tenus d’en appliquer les termes. Comme l’observe The Economist, les législateurs américains qui s’opposent au traité « disent qu’il usurperait la souveraineté des USA, une crainte entretenue depuis longtemps par quelques Républicains conservateurs. Ils ont peur que les droits sociaux et économiques établis par le traité ne déclenche des poursuites judiciaires et des dommages et intérêts à payer par le gouvernement. » Il n’est pas étonnant que le Pentagone n’ait rien fait pour s’opposer aux abus sexuels révoltants d’enfants en Afghanistan.
Ensuite, il y a la question du traitement scandaleux des femmes dans ce pays corrompu et déstructuré, où en 2009, une loi qui permet aux hommes d’affamer leurs épouses jusqu’à la mort si elles ne se plient pas à leurs exigences sexuelles a été votée. En 2014, après cinq ans de plus de soutien des USA-OTAN à « l’adhésion aux principes du droit et de la bonne gouvernance », le parlement de Kaboul a approuvé une loi qui permet aux hommes « d’attaquer leurs femmes, enfants et sœurs sans crainte de retombées judiciaires, une régression après des années de lents progrès dans la lutte contre la violence dans un pays miné par les dénommés « crimes d’honneur », les mariages forcés et les violences familiales ».
Le rapport de 2017 d’Amnesty International nous informe que, « Dans la première moitié de 2017, la Commission afghane indépendante des droits de la personne a rapporté des milliers de cas de violences contre des femmes et des filles à travers le pays, y compris des voies de fait, des meurtres et des attaques à l’acide. Étant donné le contexte d’impunité pour ces crimes et l’absence d’enquêtes, les cas de violences contre des femmes restent très largement sous-déclarés à cause des pratiques coutumières, de la stigmatisation et de la peur des conséquences pour les victimes. »
Rien ne démontre que les femmes afghanes soient mieux traitées aujourd’hui qu’avant l’invasion des USA à la fin 2001. Au cours de toutes ces années d’opérations et de « soutien à l’adhésion aux principes du droit et de la bonne gouvernance » en Afghanistan, l’alliance USA-OTAN n’a pas apporté la moindre amélioration à la conduite consternante des mâles afghans avec leurs femmes.
Depuis 1979, il existe une ‘Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes’, qui a été ratifiée par 187 des 194 pays représentés au Nations-Unies (y compris l’Afghanistan). Elle spécifie que « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux » et les pays qui ont refusé de le signer sont l’Iran, Palau, le Sud-Soudan, le Soudan, Tonga – et les États-Unis d’Amérique.
Une loi afghane sur l’élimination de la violence contre les femmes (Elimination of Violence Against Women, EVAW) a été ordonnée par décret présidentiel en 2009. Elle prévoyait des « peines pour divers abus, y compris le viol, le mariage des petites filles, le mariage forcé, les violences familiales, la vente de femmes et de filles, et le don de filles pour résoudre des disputes intra-familiales » et semblait une avancée majeure dans les tentatives d’amélioration du traitement des femmes.
Human Rights Watch note qu’en mars 2017, un code pénal révisé a été adopté par décret présidentiel. « Il incorpore toutes les provisions de la loi EVAW, et renforce la définition du viol. Mais, parce que certains membres conservateurs du parlement s’étaient opposés à la loi EVAW, quelques activistes ont fait campagne pour préserver la loi dans sa forme décrétée en 2009. En réponse à leurs efforts, en août, le président Ghani a ordonné au ministère de la justice de retirer le chapitre sur la loi EVAW du Code pénal. Ce revirement controversé a laissé le statut de la loi dans les limbes. » En d’autres termes, les femmes d’Afghanistan sont revenues à leur point de départ : sans droits, sans protection, sans espoir.
Le gouvernement afghan et l’alliance USA-OTAN ignorent et même, cautionnent quelques-unes des pires violations des droits de l’homme dans le monde. Le peuple d’Afghanistan souffre d’une combinaison des dévastations due à la guerre interne et de la mentalité archaïque de nombre de ses législateurs et officiels. Et pourtant, l’argent étranger continue d’affluer, alors que les explosions des suicides et les bombes des B-52 rythment le quotidien à travers le pays.
La catastrophe des droits de l’homme en Afghanistan ne sera pas soulagée tant que les pays « conseillers » de l’alliance USA-OTAN continueront leur politique actuelle.
Ils n’avaient rien à faire en Afghanistan pour commencer, mais il est grand temps que les étrangers qui ont contribué à la situation calamiteuse de l’Afghanistan fassent pression sur le gouvernement de Kaboul pour qu’il vote et applique des sanctions légales aux infractions aux droits de l’homme, particulièrement ceux des femmes et des enfants. Cela serait un apport modeste à l’entrée du pays dans le XXIème siècle.
Brian Cloughley, vétéran des forces armées britanniques et australiennes, a été chef adjoint de la mission militaire de l’ONU au Cachemire et attaché militaire australien au Pakistan.
Traduction Entelekheia
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