60 % DES SOLS SONT FORTEMENT DÉGRADÉS ET METTENT EN PÉRIL LA BIODIVERSITÉ DE LA PLANÈTE
source : Novethic
Samedi 17 mars s’est ouvert la sixième session de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), une sorte de Giec du vivant sur la Terre. À cette occasion, plus de 750 experts vont étudier un travail inédit et alarmant sur la dégradation des sols de la planète. Ceux-ci accueillent 25 % de la vie sur Terre.
Du 17 au 24 mars, se tient la sixième séance plénière de Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, désignée sous l’acronyme IPBES et créée en 2012. À cette occasion, les scientifiques, experts et décideurs de 128 pays se réunissent au chevet de la biodiversité. Une urgence alors que la planète vit une extinction massive des espèces. Ce forum se tient à Medellin en Colombie. Son objectif est d'évaluer les dégâts sur la faune et la flore et de préconiser des solutions pour enrayer la tendance.
La grande originalité de ce sommet est la parution le 24 mars d’un rapport d’une ampleur inédite sur la dégradation des sols à travers la planète. Le premier grand travail international sur le sujet. "C’est un domaine d’étude qui peine à émerger dans les débats, en dehors des travaux de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et du GIEC. Mais il n’est étudié qu’à travers le prisme du climat", déplore Hélène Soubelet, directrice de la FRB. Or, elle rappelle que les agressions sont multiples : érosion, tassement, désertification, acidification…
Un facteur de migration
Si les grands résultats sont encore sous embargo, les premiers chiffres font froid dans le dos. Un tiers des sols de la planète sont "de moyennement à fortement dégradés, et donc inutilisables pour l’agriculture". Plus généralement, 60 % sont en mauvais état. Or, notre sous-sol abrite 25 % de la biodiversité de la planète à travers des bactéries, des champignons, des vers, des insectes, des acariens… "Il faut un changement fondamental des pratiques (…), par exemple le labour est une activité très destructrice contrairement à ce que nous avons imaginé pendant des générations. Il conduit à avoir un substrat mort", explique Hélène Soubelet.
Le rapport alerte, au niveau mondial, sur une baisse de fertilité et une baisse des rendements agricoles, due à la baisse de biodiversité des sols. "Cela représente un coût de 40 milliards de dollars par an aujourd’hui et ce chiffre va aller en s’aggravant rapidement", assure la FRB. De plus, ces dégradations, comme le changement climatique, sont un facteur de migration important. Aujourd’hui, 1,5 milliard de personnes vivent sur des terres fortement dégradées. Parmi eux, il est estimé que 26 % vont devoir migrer en raison des récoltes de plus en plus mauvaises.
La France envoie une délégation d’une trentaine d’experts à Medellin. "De la même manière que l’a eu le Giec pour le climat, nous espérons avoir un impact rapide sur les décideurs de la planète", explique Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). La mission des envoyés tricolores est "de s’assurer que le message de la France soit bien dans le rapport final", explique Agnès Halloserie, secrétaire scientifique du comité français pour l’IPBES.
La moitié des espèces en danger
"La France veut pousser cette politique de biodiversité loin et que ce soit un socle minimal pour les négociations à venir", ajoute l’experte. L’enjeu est aussi politique. Paris, à l’instar des autres pays membres, refuse que les rapports finaux mentionnent des solutions réprouvées par la France. À titre d’exemple, la protection de la biodiversité nécessite de diminuer l’emploi de pesticides. Pour certains, l’alternative la plus simple est l’emploi d’organismes génétiquement modifiés, une solution que la France rejette.
Quelques jours avant la réunion de l’IPBES, le fonds mondial pour la nature (WWF) a publié une étude alarmante sur la biodiversité, en collaboration avec les universités d'East Anglia (Royaume-Uni) et James-Cook (Australie), alarmante. Selon cette dernière, à +4,5°C de réchauffement par rapport à la Révolution industrielle, 48 % des espèces seraient susceptibles de disparaître au niveau local. Ce risque est seulement divisé par deux si la hausse de la température moyenne était contenue à +2°C, limite fixée dans l'accord de Paris adopté en 2015.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin
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