Le génome de l’axolotl, cette mine d’or
Rémi Lévêque
31/01/2018
Une équipe de scientifiques vient de séquencer le génome entier de l’axolotl, une petite espèce de salamandre mexicaine. Publiée en ligne dans Nature le 24 janvier, l'étude a permis d’identifier le gène régénérateur de cet amphibien étudié depuis longtemps par les chercheurs. Notamment parce qu'il dispose de la capacité de faire repousser ses membres.
L’Ambystoma mexicanum, plus connue sous le nom d’axolotl est un petit amphibien vivant à l’état naturel dans les lacs de Xochimilco et Chalco au centre du Mexique. Et c'est une créature au potentiel exceptionnel. La bestiole était déjà étudiée pour sa capacité de rester à l’état larvaire tout au long de sa vie et donc se reproduire ainsi. Une caractéristique surprenante appelée néoténie qui n’est pourtant pas l’intérêt principal de cet animal.
C’est en effet surtout sa faculté régénérative incroyable qui intrigue les scientifiques, et particulièrement dans le domaine de la médecine.
Les scientifiques ont enfin réussi à percer le mystère de son super-pouvoir régénératif
Capable de réparer et même de faire repousser des membres entiers, l’axolotl est longtemps resté une énigme pour la communauté scientifique. Car la créature est notamment capable de faire repousser un membre entier avec ses terminaisons nerveuses, ses muscles et ses os. Et ce en quelques semaines. Il lui est même possible de reconstruire parfaitement un œil dont la rétine aurait été abîmée ou même une partie de son cerveau en cas de dommages importants. Les scientifiques ont aujourd'hui réussi à percer une partie du mystère du super-pouvoir de ce cobaye idéal.
Une quête de longue haleine
Cela faisait près de 150 ans que les chercheurs s’échinaient à étudier l’axolotl afin de comprendre comment cette espèce endémique sud-américaine pouvait reconstruire des répliques parfaites de membres et d’organes.
C’est désormais chose faite grâce au séquençage complet du génome de l'axolotl. Grâce au travail colossal de l’équipe internationale menée Elly Tanaka, Michael Hiller et Gene Myers, les scientifiques ont réussi à identifier les 32 milliards de paires de base qui composent l’ADN de l’axolotl. Soit dix fois plus que notre bon vieux génome d'humain.
Avec l’aide de PacBio, dispositif permettant un décodage accéléré du génome, et celle d’un logiciel développé par Hiller et Myers pour assembler toutes les parties identifiées, les chercheurs ont enfin pu mettre la main sur le gène responsable de cette faculté régénérative.
« On a désormais les cartes en main pour comprendre comment des membres aussi complexes que les jambes peuvent repousser »
Co-auteur de l’étude résultant de ce séquençage, Sergej Nowoshilow explique : « On a désormais les cartes en main pour comprendre comment des membres aussi complexes que les jambes peuvent repousser ». De fait, grâce à l’analyse du génome complet de l’axolotl, les scientifiques ont découvert que le gène PAX3, responsable du développement neural et musculaire à l'état embryonnaire chez l’homme, était complètement absent chez l'axolotl. Il est remplacé par le gène PAX7, qui serait donc responsable des facultés régénératives de l’amphibien.
Un grand pas pour la médecine régénérative ?
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives à la médecine régénérative, qui a pour objectif de créer des tissus vivants fonctionnels capables de remplacer des organes abîmés voir manquants. Nouvelle alternative possible à la greffe dont les risques de rejet sont encore importants, cette branche de la médecine pourrait faire économiser plus de 250 milliards de dollars par an dans le monde, selon une étude publiée par Chris Mason et Peter Dunnhill en 2008. Grands brûlés, cancers, maladies dégénératives, ou tout simplement vieillissement des cellules : les spécialistes en médecine régénérative voient dans ce gène PAX7 l'opportunité de progresser sur ces sujets.
Ce n'est pas pour demain, puisque ce gène devra être manipulé avec beaucoup de précautions : son utilisation et son introduction dans le génome humain pourraient conduire à un processus de division cellulaire. Et qui dit division cellulaire dit possible cancer si le processus n'est pas maîtrisé. Comme le relève le site spécialisé Labiotech, certaines initiatives de thérapie cellulaire existent déjà.
Cette technique vise à soigner des organes ou un organisme entier grâce à l’apport de nouvelles cellules, souvent issues de cellules souches, qui remplacent celles défectueuses. Et a notamment permis à un homme paralysé des suites d'un coup de couteau de retrouver la sensibilité dans ses jambes grâce à l’injection de cellules provenant du bulbe olfactif directement dans la moelle épinière.
La clé de l’immortalité ?
Malheureusement, ce type de thérapies restent encore assez rares : leur coût est très élevé, et leur utilisation jugée par certains éthiquement discutable. La découverte du gène PAX7 risque, à terme, de changer la donne et de rendre la thérapie génique beaucoup plus accessible. L'axolotl sera-t-il la clé de l’immortalité ?
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Image à la Une : Photo d'un axolotl dans son aquarium © Guilia Von Pelt
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