dimanche 12 novembre 2017

Vers des tensions capacitaires de l’artillerie française après son engagement en Irak?


Après un redéploiement en vue de porter les derniers coups de boutoir contre les dernières positions tenues par l’État islamique (EI ou Daesh) dans le secteur d’al-Qaim (ouest de l’Irak), les quatre CAESAr (Camions équipés d’un système d’artillerie) mus en oeuvre par les artilleurs de la Task Force française Wagram ont effectué 24 missions de tirs la semaine passée.
Au total, depuis septembre 2016, la TF Wagram a 1.528 missions de tirs, ce qui correspond à la consommation de plus de 10.000 obus soit 10% de l’ensemble des munitions tirées par les 270 CAESAr en service dans le monde). Mais pas seulement. Lors de l’audition de Joël Barre, le Délégué général pour l’armement (DGA), le député Jean-Christophe Lagarde s’était inquiété de l’usure rapide des « tubes » [ou des canons, ndlr]. Et d’avancer le chiffre de 25, voire 30, rendus inutilisabes pour le moment.
Dans son rapport pour avis, le député Thomas Gassiloud a souligné le « suremploi » des 77 CAESAr en dotation dans l’armée de Terre. Et que 27 canons « sont trop usés pour être réemployés avant de lourdes opérations de maintenance. » En clair, l’engagement en Irak a « consommé » 35% du potentiel de ce type d’équipement.
D’où la question, posée maladroitement, du député Largarde au DGA. « Les canons CAESAr actuellement engagés de façon importante au Moyen-Orient s’usent vite quand on les utilise beaucoup. Or, à Bourges, il n’est possible d’en fabriquer que dix par an. Ce genre de difficultés se reproduit-il souvent dans notre outil industriel? », a-t-il demandé.
N’ayant pas eu de réponse, M. Lagarde est donc revenu à la charge. « Pour être plus précis, nous disposons de 75 canons [77 en réalité, ndlr] dont 25 ou 30 sont engagés en Irak et en Syrie [5, dont 1 en réserve et la TF Wagram n’est présente que sur le sol irakien, ndlr]. Or, le tube s’use en un an, mais nous ne pouvons les régénérer qu’au rythme de 10 par an. Autrement dit, si nous en utilisons 25 et n’en remplaçons que 10, nous perdons 15 canons par an. Est-ce le cas? », a-t-il insisté.
Malgré son insistance, le député n’a pas eu la réponse qu’il attendait. Si Mme l’ingénieur général de l’armement hors classe Monique Legrand-Larroche, qui accompagnait M. Barre, a admis que les CAESAr, « très employés, connaissent une usure rapide », elle n’a visiblement pas voulu en dire davantage. « Des travaux sont conduits pour les régénérer et en rééquiper nos armées », a-t-elle seulement ajouté. Ce qui fait quand même un peu court…
Dans son rapport, Thomas Gassiloud rappelle que le contrat opérationnelle de l’armée de Terre prévoit « 109 canons de calibre 155 millimètres » [121 selon les chiffres clés de la Défense, ndlr] dont 32 canons AUF1 qui « risquent fort d’être indisponibles d’ici 2025 » et qui ne sont plus utilisés en opérations « en raison des contraintes opérationnelles que fait peser leur mobilité limitée sur les théâtres d’OPEX des dernières années. »

71 commentaires sur “Vers des tensions capacitaires de l’artillerie française après son engagement en Irak?”

  1. L’armée française est vraiment en train de se préparer à écrire une autre page glorieuse de son histoire pour le prochain conflit majeur. Il n’y a même plus assez de bassines pour toutes les brèches qui se déclarent.
    1. très bon même si c’est tragique et consternant . Pour les AUF1 qui étaient auparavant en nombre, je n’ai pas bien vu , une fois acheminé par la mer par exemple et mis sur des PC , ou était la difficulté pour suivre les opérations, ce n’est pas la guerre éclair et on aurait pu les laisser sur place mais il y a des éléments qui m’échappent certainement , commercial ?
      1. Le pb des AUF1 c’est qu’eux aussi sont hors d’age (chassie et moteur d’AMX 30) et tombent constamment en panne. En gros ils sont là pour les chiffres.
        Par contre pour ce genre de mission, il eut été judicieux messiers les décideurs de conserver quelques TRF1.
        Les US ont bien déployés des canons tractés.
    2. @ Vince,
      1) Soit on est dans le cadre d’une usure normale du matériel, qui a été très sollicité, donc un bête problème de remplacement des tubes usés, ce qui se règlera dès qu’on aura le pognon disponible. C’est donc juste un problème de honte, mais très localisé dans le temps.
      2) Soit c’est un problème de dimensionnement de l’outil industriel, qui n’est pas capable de faire face à l’attrition du matériel dans le cadre de son usure normale et là, c’est un peu plus chiant: c’est plus seulement la honte d’être pauvre, c’est une erreur commise dans le passé sur le dimensionnement de l’outil industriel, avec des conséquences dans le présent et le futur sur le MCO du parc de Caesar.
      3) Soit c’est une usure anormale des tubes, donc un défaut de conception, et là c’est encore plus chiant parce qu’on serait en face d’un vice de conception ou de fabrication.
      4) Soit c’est 2+3: si l’outil industriel n’a pas été prévu pour reconstruire autant de tubes de canons usés, c’est parce que personne n’a prévu une usure anormale imputable à un vice.
      Ce qui est anxiogène dans l’affaire, c’est la grande pudeur de Mme l’ingénieure de l’armement. Le genre de pudeur qui laisse planer trop de doutes. Et qui fait redouter le pire.
      D’une façon générale, quand un ingénieur a trouvé la solution d’un problème, il le fait savoir. Mais quand il dit que « des travaux sont en cours », c’est qu’il est dans la panade.
      Mais ce n’est peut-être qu’un problème de communication: Mme l’ingénieure est peut-être très pudique de nature et très scientifique de formation: en science, la solution a un problème est un « work in progress », un processus long.

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