Nuage radioactif originaire de Russie : 4 questions sur un probable accident nucléaire
source : L'Obs
L'IRSN a publié une note avertissant de la détection de ruthénium-106 dans le sud-est de la France. La Russie nie toute responsabilité.
Comme un souvenir de Tchernobyl. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a publié jeudi 9 novembre une note d'informationintitulée "Détection de ruthénium-106 en France et en Europe", où elle rend publiques les conclusions de son enquête sur un rejet radioactif en provenance de Russie détecté fin septembre.
Cette fuite, qui aurait nécessité une protection des populations si elle était survenue en France, pourrait avoir pour origine un accident nucléaire passé sous silence dans le sud de la Russie ou à la frontière kazakhe. Quatre questions sur un événement mystérieux mais sans conséquence sanitaire pour la population française, selon les autorités nucléaires.
1 - Quelle est la substance détectée ?
Le 4 octobre, l'IRSN donnait l'alerte en signalant la détection d'un radionucléide artificiel, le ruthénium-106, à de très faibles niveaux (quelques millibecquerels par mètre cube d'air) dans le sud-est de la France (stations de La Seyne-sur-Mer, Nice et Ajaccio). La substance avait auparavant été détectée dans l'est de l'Europe, ainsi qu'en Autriche, en Suisse et en Norvège.
L'IRSN a une mission de surveillance nationale de l'atmosphère, et dispose pour cela d'un réseau de stations de collecte d'aérosols par filtration d'air. La présence de ruthénium-106 a été détectée en France pendant deux semaines, du 27 septembre au 13 octobre, ainsi que "dans la plupart des pays européens".
Le ruthénium-106 est un produit de fission issu de l'industrie nucléaire. Il est par ailleurs utilisé dans le domaine médical pour des traitements par curiethérapie.
2 - Y'a-t-il un danger ?
Dès son premier communiqué, l'IRSN assurait que les "niveaux très faibles de contamination atmosphérique observés à ce jour" étaient "sans conséquence pour l'environnement et pour la santé". Néanmoins, l'autorité disait "maintenir une vigilance de surveillance".
Le 9 novembre, l'autorité confirme ce bilan rassurant :
"Les niveaux de concentration dans l’air en ruthénium-106 qui ont été relevés en Europe et a fortiori en France sont sans conséquence tant pour la santé humaine que pour l’environnement."
Le gouvernement précise de son côté avoir, par précaution, réalisé des "contrôles par sondage sur les champignons importés des pays concernés, qui n'ont révélé aucune contamination à ce jour". Les champignons sont en effet un aliment particulièrement à risque.
3 - D'où vient le rejet ?
A partir des conditions météorologiques fournies par Météo France et des résultats de mesure disponibles dans les pays européens, l’IRSN a réalisé des simulations afin de localiser la zone de rejet, d’évaluer la quantité de ruthénium rejetée ainsi que la période et la durée de rejet.
S'il est impossible de "préciser la localisation exacte du point de rejet", l'IRSN est en mesure de conclure que "la zone de rejet la plus plausible se situe entre la Volga et l'Oural". Pour cette zone, la quantité rejetée de ruthénium-106 estimée est "très importante" : entre 100 et 300 térabecquerels.
(L'Obs / Source IRSN)
Pourtant, aucun pays n'a revendiqué la fuite auprès des autorités nucléaires internationales. "Les entreprises de Rosatom n'ont rien à voir avec la fuite du ruthénium-106" détectée en Europe, affirme le service de presse de la société d'État russe, qui gère l'activité de toutes les entreprises du secteur nucléaire national.
La société kazakhe Kazatomprom, opérateur national chargé de la production du combustible nucléaire, a également démenti être à l'origine de la fuite : "Il n'y a pas de sites au Kazakhstan d'où une éventuelle fuite de cette substance pourrait se produire", assure son service de presse.
4 - Y'a-t-il eu un accident nucléaire ?
Le rejet est "accidentel eu égard à la quantité rejetée", affirme l'IRSN.
"Les conséquences d’un accident de cette ampleur en France auraient nécessité localement de mettre en œuvre des mesures de protection des populations sur un rayon de l’ordre de quelques kilomètres autour du lieu de rejet."
En ce qui concerne les denrées alimentaires, des mesures auraient été prises sur plusieurs dizaines de kilomètres, ajoute l'autorité.
La pollution ne peut pas provenir d'un réacteur nucléaire, car d'autres éléments radioactifs que le ruthénium-106 auraient été alors détectés. L'IRSN formule deux hypothèses d'origine de la fuite :
- Des installations du cycle du combustible nucléaire ou de fabrication des sources radioactives
- Les conséquences de la rentrée dans l'atmosphère d'un satellite équipé d'un générateur thermoélectrique à ruthénium. L'AIEA n'a pas eu connaissance d'une telle retombée de satellite.
"En conséquence, l’IRSN a, dans ses investigations, fait l’hypothèse d’un rejet issu d’une installation."
"Le problème pour nous n’est pas au niveau du territoire français mais de l'urgence à identifier l'origine de cette contamination", alerte auprès de BFMTV Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et directeur du laboratoire de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité). "Si cette contamination vient bien d'une installation terrestre, il peut y avoir eu depuis plusieurs semaines une exposition aux radiations des travailleurs, des riverains."
"Soit l'installation à l'origine de ces rejets n'en est même pas consciente, soit il y a une dissimulation par les autorités du pays. Dans les deux cas, c’est grave.
T.V.
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