jeudi 16 novembre 2017

Mer de Chine du Sud: la Chine et le Vietnam signent une déclaration conjointe


source : RFI
mediaLe président chinois Xi Jinping et son homologue vietnamien Trần Đại Quang, le 13 novembre 2017 à Hanoï.REUTERS/Luong Thai Linh/Pool
Le sommet annuel de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est s'achève ce mardi 14 novembre 2017 à Manille, aux Philippines. En coulisse, ce rendez-vous, auquel a partiellement assisté le président américain, a été l'occasion pour les vieux rivaux chinois et vietnamiens de mettre de l'eau dans leur vin concernant le lourd contentieux qui les oppose en mer de Chine méridionale.


Lundi, alors que les nations du sud-est asiatique discutaient à Manille dans le cadre multilatéral de l'ASEAN, le président chinois achevait pour sa part une visite bilatérale à Hanoï, au Vietnam. Dimanche, l'agence de presse officielle Chine nouvelle avait annoncé qu'un « consensus » se dégageait entre les deux vieux rivaux régionaux, quant à leurs revendications territoriales antagonistes en mer de Chine du Sud. Une information confirmée à l'issue du voyage de Xi Jinping.
« Maintenir la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale »
Après ce rendez-vous, Hanoï et Pékin se sont en effet engagés par écrit, dans une déclaration conjointe, à ne prendre aucune « initiative » susceptible de « compliquer le conflit » qui les oppose dans cette zone maritime de l'Asie du Sud-Est, un carrefour majeur du commerce et de la géostratégie mondiale actuels. Un signe de bonne volonté notable, compte tenu des deux batailles meurtrières qui ont opposé la Chine et le Vietnam à ce sujet par le passé (1974, 1988).
Pékin et Hanoï l'assurent : ils sont d'accord pour « maintenir la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale ». Cette zone, faite principalement de récifs coralliens sur lesquels sont construites des îles artificielles bardées d'équipements stratégiques, et donc potentiellement militaires, est historiquement disputée entre le Vietnam, la Chine, Taïwan, la Malaisie, les Philippines et Brunei. Chacun campe sur ses positions et dénonce les progressions des autres de longue date.
La Chine populaire est de loin le protagoniste le plus actif ces dernières années, puisqu'elle « poldérise » à tout-va, créant en mer ses propres îles artificielles, qui abritent des radars, des ports ou encore des pistes d'atterrissage faisant fi des Zones économiques exclusives de ses voisins (garanties par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la CNUDM). Pékin brandit en effet des arguties historiques pour certifier que la quasi-totalité de cette mer lui revient.
L'enjeu, indépendamment du contrôle des routes maritimes ou des ressources réelles ou supposées qu'abriteraient cette région marine (ressources halieutiques, énergétiques, etc.), est de nature militaire, puisqu'il s'agit pour la Chine de sortir progressivement de l'étau mis en place par les Etats-Unis au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et pour les Etats-Unis de rester le maître de l'océan Pacifique, grâce à sa célèbre 7e flotte navale et son jeu d'alliances dans la région.
Jusqu'à présent, la Chine et le Vietnam se sont fait bien peu de cadeaux quand il s'est agi de la mer de Chine méridionale. Comme Pékin, Hanoï met en avant des justifications historiques pour affirmer que les archipels Paracels et Spratleys, dans cette mer, lui appartiennent. S'ils se sont fait chasser du premier chapelet il y a plus de 40 ans, les Vietnamiens contrôlent encore des positions dans le second, comme les autres protagonistes de ce conflit (les Philippines, surtout).
Trump: « Si je peux servir d'intermédiaire ou d'arbitre, faites-le-moi savoir »
Or, le communiqué de lundi ressemble à une validation de la stratégie de Pékin, qui refuse systématiquement que la question de ces conflits territoriaux soit traitée de manière contraignante au niveau de l'ASEAN, et privilégie les relations bilatérales pour discuter de la mer de Chine du Sud. Un cadre plus confortable pour un pays qui abreuve ses voisins en investissements et infrastructures, et ne cesse de rendre chacun d'entre eux toujours plus dépendants de son économie.
Il était prévu, ce mardi, que les membres de l'ASEAN annoncent conjointement un « code de conduite » sur la mer de Chine méridionale. Sauf que Pékin insiste sur le fait qu'il ne doit en aucun cas revêtir d'obligation légale. Si consensus il y a, il devrait donc en être ainsi. De quoi valider la stratégie de la Chine, qui manœuvre par le fait accompli sur le terrain, supporte mal les coalitions d'intérêt des petits pays, et avait mal vécu le camouflet infligé par Manille il y a un an à La Haye.
Ce qui a changé depuis un an chez les détracteurs philippins et vietnamiens de la Chine ? Le contexte, les alternances. Barack Obama dirigeait, en sous-main, un axe improbable Tokyo-Manille-Hanoï pour tenter de réfréner les velléités conquérantes chinoises et défendre la liberté de naviguer et de voler dans la région. Donald Trump l'a remplacé et Rodrigo Duterte a remplacé Benino Aquino aux Philippines. Tous deux n'ont pas la même vision que leurs prédécesseurs.
Les présidents américain et philippin, Donald Trump et Rodrigo Duterte, dimanche 12 novembre 2017 à Manille pour le sommet de l'ASEAN.REUTERS/Jonathan Ernst
Dimanche, le président américain était lui-même en visite à Hanoï, confirmant le rapprochement historique opéré par les Etats-Unis avec ce pays, un ancien ennemi de taille (guerre du Vietnam). Sur place, Donald Trump a lui aussi parlé de mer de Chine méridionale avec ses interlocuteurs, alors que la République populaire de Chine considère traditionnellement que les Etats-Unis, qui continuent d'effectuer des patrouilles sur place, n'a aucun rôle à jouer dans ces contentieux.
Et Donald Trump, lui aussi adepte d'une méthode bilatérale, d'annoncer : « Si je peux servir d'intermédiaire ou d'arbitre, faites-le-moi savoir... Je suis un très bon médiateur. » Avant d'aller boucler sa grande tournée asiatique par l'ouverture du sommet de l'ASEAN à Manille au côté du président Duterte, qui a lui-même, semble-t-il, soldé le contentieux de son pays avec la Chine. Notamment contre des investissements pour développer son archipel ?

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