Le vanadium sera-t-il le métal de demain ?
A LA UNE SUD OUEST ÉCO SCIENCES ET TECHNOLOGIEPublié le 20/05/2016 à 9h14. Mis à jour à 9h24 par Helena I. Gomes, University of Hull et Helen Abigail Baxter, University of Hull.
Un métal encore peu connu, le vanadium, pourrait bien jouer les premiers rôles dans la révolution des renouvelables. Focus
Un métal encore peu connu, le vanadium, pourrait bien jouer les premiers rôles dans la révolution des renouvelables. Ce dernier est aujourd’hui utilisé dans de nouvelles générations de batteries qui peuvent, de manière quasi infinie, stocker beaucoup d’énergie ; il s’agit là d’un atout de taille pour les centrales solaires et éoliennes isolées. De grandes quantités de ce métal se trouvent en outre tout simplement dans les déchets industriels.
Mais attention, dans le cas du vanadium, faire les poubelles n’a rien de rebutant : oubliez l’or et l’argent, ce métal est certainement l’un des plus beaux au monde. Il s’agit du 22eélément le plus abondant sur la croûte terrestre, bien qu’on le trouve rarement sous sa forme métallique. Il se déniche dans plus de 100 minéraux différents.
Une fois extraites et dissoutes dans l’eau, les différentes formes de vanadium prennent des couleurs lumineuses et intenses. Son nom proviendrait même de Vanadis, l’ancien patronyme nordique de Freyja, la déesse de la beauté des Scandinaves.
Le vanadium n’est pas simplement beau, il est aussi très résistant. Son ajout, même en petite quantité, permet ainsi de créer des alliages d’acier d’une exceptionnelle légèreté ; ces derniers s’avèrent également robustes et plus résilients. Henry Ford fut le premier à l’utiliser à l’échelle industrielle au début du XXe siècle, en 1908, pour le châssis de son modèle T. De nos jours, on le retrouve dans l’acier de construction, tout particulièrement pour les ponts et les bâtiments.
Le vanadium dans les batteries à flux
Les propriétés remarquables du vanadium en ont fait le composant idéal pour une nouvelle génération de batteries – les batteries à flux redox – qui figurent en bonne place pour révolutionner nos systèmes énergétiques dans les années à venir.
Les batteries stockent l’énergie et produisent de l’électricité par la réaction de deux matériaux différents – du zinc solide et du manganèse généralement. Dans les batteries à flux, ces matériaux sont liquides et possèdent des charges électriques différentes. Chacun est pompé dans une « cellule » où le courant électrique est généré. Une fine membrane les sépare, permettant ainsi aux liquides de réagir sans entrer en contact direct.
Le vanadium est utilisé dans ces batteries, car il peut passer d’un état à un autre, en portant ainsi différentes charges. Dans ce cas, un seul matériau étant utilisé, le risque de contamination croisée est évacué. Les liquides peuvent être utilisés indéfiniment, réduisant les coûts de remplacement et la question de la gestion des déchets. La batterie jouit d’une durée de vie quasi illimitée.
Dans les batteries à flux, la production d’énergie et la capacité sont indépendantes. L’énergie est stockée dans des réservoirs ; la capacité dépend, elle, de la quantité de liquide stocké. Ceci permet une grande souplesse de conception que les autres batteries n’autorisent pas. Elles sont également plus sûres : les deux liquides ne se mélangeant jamais, il n’y a pas de risque de libérer soudainement de l’énergie. Toutes ces qualités n’auront pas manqué d’impressionner jusqu’au président américain Obama.
Un nouveau réservoir d’énergie
Si les batteries de flux au vanadium sont à l’heure actuelle trop grosses et trop lourdes pour être utilisées dans des téléphones, elles offrent une grande capacité de stockage de l’énergie à long terme, très utile pour des centrales isolées ou encore pour des réserves de secours. Elles constituent ainsi la base idéale pour le déploiement d’un marché énergétique plus efficace, plus sûr et plus propre.
Le stockage constitue l’une des principales limites actuelles au déploiement des énergies renouvelables. Quand l’énergie solaire ou éolienne est produite aux heures creuses de la journée, il est impératif de pouvoir la stocker pour y avoir accès ultérieurement, notamment lors du pic de consommation nocturne. Différents travaux ont montré que les batteries au vanadium pouvaient ici offrir une solution durable.
À partir du moment où nous pourrons créer de grands réservoirs d’énergie, utilisables quand nous en avons besoin, nous serons alors libérés de notre dépendance aux énergies rapidement accessibles, comme le charbon ou le gaz. Dans ce cadre, les batteries au vanadium peuvent être envisagées comme ces immenses réservoirs où l’on conserve l’eau.
La capacité à stocker de l’électricité grâce au vanadium pourrait donc permettre de se défaire de la dépendance au gaz et au charbon, de garantir un marché du pétrole moins tendu et ainsi d’atteindre les objectifs de réductions d’émissions de CO2 fixées au niveau international. Rien d’étonnant alors que l’UE considère ce métal comme un élément central du futur énergétique.
La quête du vanadium
Le métal est extrait de mines et son offre est actuellement dominée par la Chine, l’Afrique du Sud, la Russie et les États-Unis. Le vanadium ne présente qu’un risque modéré de pénurie, mais un risque politique plutôt élevé.
Il peut cependant être traité comme un sous-produit d’autres exploitations minières, et il faut également souligner que 70 % de ce métal présent en surface n’est pas utilisé, captif qu’il est dans les déchets industriels (déchets miniers, débris et autres scories d’acier). J’ai, l’an passé, publié avec d’autres confrères une étude qui montrait que près de 43 % de la production annuelle de vanadium pourrait être assurée par les déchets alcalins que l’on trouve dans les scories d’acier, les boues rouges, les cendres volantes provenant de l’industrie du charbon, ou encore les déchets de la construction et de la démolition.
Il n’existe cependant aujourd’hui aucune technologie dominante pour récupérer ce précieux matériau. On sait notamment que des bactéries et champignons peuvent permettre d’extraire efficacement du vanadium à partir de déchets industriels ; de multiples solutions pour le récupérer font actuellement l’objet de recherches.
Helena I. Gomes, Postdoctoral researcher in Environmental Sciences, University of Hull et Helen Abigail Baxter, Postdoctoral Research Assistant, Department of Geography Environment and Earth Sciences, University of Hull
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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