Bruxelles abandonne la relocalisation obligatoire des réfugiés
Échec patent de l’UE, le programme de relocalisation obligatoire des réfugiés ne sera pas prolongé. La Commission suggère aux Etats-membres d’accueillir des réfugiés situés hors de l’UE de manière volontaire : un mécanisme appelé « réinstallation ».
Les pays qui décident de participer au programme de réinstallation bénéficieront d’avantages financiers. Un demi-milliard d’euros a été mis de côté par les États membres pour l’accueil d’au moins 50 000 réfugiés arrivant directement d’Afrique, du Moyen-Orient et de Turquie, afin de décourager les migrants de tenter la périlleuse traversée de la Méditerranée.
La Commission se concentrera davantage sur l’accueil de réfugiés provenant d’Afrique du nord, et de la corne de l’Afrique, et en particulier d’Égypte, de Libye, d’Éthiopie, du Niger, du Soudan et du Tchad. Cette déclaration est sans doute adressée à l’Italie, qui peine à gérer les arrivées massives de ces pays, et ne devrait pas voir d’un bon œil l’abandon du programme de solidarité obligatoire entre États membres.
Marche arrière
L’exécutif européen fait donc marche arrière sur sa stratégie obligatoire, qui s’était attirée les foudres de plusieurs États membres d’Europe centrale et de l’Est, malgré les avis positifs de la justice. Introduit il y a deux ans, il a expiré le 26 septembre.
Le programme de relocalisation avait pourtant été approuvé par une majorité d’États. Les pays de Visegrád continuent à s’y opposer farouchement, assurant que leurs sociétés ne peuvent pas intégrer des immigrants pour la plupart musulmans.
Une position qui n’a pas tenu devant les tribunaux. Le 6 septembre, la Cour de justice européenne a rejeté une plainte de la Hongrie et de la Slovaquie, confirmant que Bruxelles avait le droit d’imposer aux États membres d’accueillir des demandeurs d’asile.
Le système stipulait que les États membres devaient accueillir un total d’au moins 98 000 migrants arrivés en Grèce et en Italie. En réalité, seules 29 144 relocalisations ont eu lieu à ce jour, 20 066 depuis la Grèce et 9 078 depuis l’Italie.
Aujourd’hui, l’accord entre l’UE et la Turquie a réduit le nombre d’arrivées en Grèce de 97 % et la plupart des migrants arrivant en Italie ne sont pas éligibles à la relocalisation. Les objectifs de relocalisation décidés il y a deux ans, sur la base de chiffres alors actuels, ne sont donc plus pertinents, a indiqué la Commission.
Dimitris Avramopoulos, le commissaire aux affaires intérieures, qui a présenté les nouvelles propositions, ne semble pas non plus vouloir appliquer les sanctions possibles contre les pays de Visegrád. « Je préfère le dialogue aux sanctions. Nous avons à présent l’occasion de commencer à travailler ensemble », a-t-il indiqué. « Le jugement est une occasion de plus pour qu’ils montrent leur solidarité. J’espère qu’ils en profiteront. »
Il a cependant assuré que le projet était toujours valide et légitime, même s’il n’est plus contraignant. « La porte est ouverte et nous sommes prêts à collaborer avec tous les États pour qu’ils participent au programme de relocalisation dans les mois à venir », a-t-il déclaré.
À l’heure actuelle, environ 2 000 personnes attendent d’être relocalisés en Grèce, et le même nombre pourrait encore s’enregistrer. En Italie, la Commission estime que 7 200 personnes éligibles sont arrivées cette année, mais que seules 4 000 ont été enregistrées dans le programme.
Le programme de réinstallation a pour sa part été lancé le 4 juillet. Onze États membres ont à ce jour promis d’accueillir 14 000 personnes.
La Commission a également encouragé les États à mettre en place des initiatives de parrainage privé qui permettraient à des groupes du secteur privé ou des associations de la société civile d’organiser et de financer les réinstallations, conformément aux législations nationales. L’exécutif a donc invité le Bureau européen d’appui en matière d’asile, l’EASO, à coordonner un projet pilote pour les États intéressés.
« Brutalement honnêtes »
Le taux de retour des migrants non éligibles au droit d’asile reste bas (environ 36 % en 2014-2015). Pourtant, la Commission estime que le nombre de migrants devant rentrer chez eux depuis les États membres dans un futur proche serait de 1,5 million de personnes.
« Nous devons être brutalement honnêtes : les personnes qui n’ont pas le droit de rester dans l’UE doivent rentrer », a déclaré Dimitris Avramopoulos. « Les décisions de retour ne doivent pas seulement être prises, elles doivent être mises en œuvre.»
La Commission propose que le service de retour du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes soit significativement renforcé pour s’assurer que l’agence prenne les rênes de la gestion européenne des retours.
Contrôles de Schengen étendus
La Commission a par ailleurs annoncé de nouvelles mesures permettant aux pays au sein de l’espace Schengen de réintroduire des contrôles aux frontières pour des raisons de sécurité durant une période pouvant aller jusqu’à trois ans.
Actuellement, les 26 pays appartenant à l’espace de libre circulation peuvent réintroduire des contrôles aux frontières pendant six mois maximum pour des raisons de sécurité et pendant deux ans si les frontières sont menacées, comme lors de la crise migratoire européenne.
« Dans le cadre des propositions d’aujourd’hui, les États membres pourront aussi prolonger exceptionnellement les contrôles si les mêmes menaces persistent », a indiqué l’exécutif dans un communiqué.
Pour Dimitris Avramopoulos, il s’agit toutefois d’une solution de dernier recours et l’ouverture de l’espace Schengen doit rester une priorité.
Plusieurs pays dont la France et l’Allemagne ont appelé à une prolongation de l’autorisation des contrôles suite à une série d’attentats terroristes. Paris a réinstauré les contrôles après les attentats de novembre 2015.
Les contrôles aux frontières introduits par l’Allemagne, le Danemark, l’Autriche, la Suède et la Norvège en mai 2016 pour faire face à un afflux massif de migrants en Europe depuis la Syrie et le nord de l’Afrique expireront en novembre.
La réintroduction de tant de contrôles a suscité des craintes quant à l’effondrement de la zone Schengen, perçue par beaucoup en Europe comme un symbole d’unité et de liberté.
Accepter la Roumanie et la Bulgarie
Dimitris Avramopoulos a réitéré la demande formulée par Jean-Claude Juncker dans son discours sur l’état de l’Union : la Bulgarie et la Roumanie devraient être acceptées en tant que membres de l’espace Schengen dans les plus brefs délais.
« Je voudrais rajouter quelque chose d’important : un espace Schengen plus solide signifie aussi un Schengen plus uni. Nous appelons le Conseil a décidé enfin de l’adhésion de Sofia et Bucarest à la famille Schengen », a déclaré le commissaire grec avant d’ajouter que cette décision n’était pas seulement « politiquement juste » mais dans l’intérêt de la sécurité de l’UE.
La Bulgarie et la Roumanie sont considérées aptes par la Commission pour entrer dans Schengen depuis 2010. Néanmoins, l’adhésion nécessite l’unanimité et pour l’instant, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas ont fait barrage.
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