Nous sommes au tout début du printemps. Dans quelques semaines s’épanouira la splendide floraison des pêchers et des goyaviers dans les plantations et vergers de cette région du nord de la Thaïlande. Déjà, un petit groupe de plantes d’environ 1,50 mètre de hauteur protégées par un léger voile blanc d’hivernage exhibe leur beauté.
Car c’est ici – au beau milieu d’un champ s’étendant dans une vallée proche de la ville de Chiang Mai – que poussent les premiers plants de cannabis cultivés au grand jour dans le pays depuis de nombreuses années.
Dans les années 1980, la Thaïlande était un des principaux exportateurs de cette plante aux propriétés stupéfiantes. Ce commerce a été réprimé et éliminé sur l’insistance des États-Unis, mais depuis peu les attitudes à l’égard du cannabis ont évolué dans les deux pays.
Les spécimens que l’on peut voir à la Station agricole royale de Pang Da et dans les plantations commerciales environnantes ne sont que des plants de chanvre à très faible teneur en tétrahydrocannabinol (THC), le constituant psychotrope de la plante. Ils seront surtout utilisés pour leurs fibres et leurs huiles nutritionnelles.
Mais des variétés plus puissantes, cultivées à des fins récréatives aussi bien que médicales, pourraient être introduites si les projets de légalisation complète de la plante aboutissent. Cela marquerait un tournant pour l’ensemble de l’Asie, et en particulier l’Asie du Sud-Est, dont les politiques antidrogue comptent parmi les plus sévères du monde.

Prison et peine de mort

Au cours des quatre dernières décennies, l’approche mondiale à l’égard des stupéfiants a été essentiellement punitive. La tolérance zéro, des peines minimales obligatoires et l’attribution de larges pouvoirs aux forces de police ont été la norme.
Pourtant, un nombre croissant de pays reconsidèrent aujourd’hui cette approche. Enfermer les consommateurs de drogue s’est révélé coûteux et inefficace. La tendance est aujourd’hui à la prise en charge et à la réduction des risques.
L’Asie du Sud-Est demeure une exception. À Singapour, les fumeurs de cannabis encourent jusqu’à dix années de prison. En Indonésie, les trafiquants sont exécutés, quel que soit leur pays d’origine ou les efforts de leurs gouvernements pour les faire libérer.
Entre juin 2016 et février 2017, on estime que 7 000 personnes ont été tuées aux Philippines en raison de leur implication supposée dans le trafic de drogue. La plupart ont été abattues dans la rue, avec la bénédiction du gouvernement.
Le site de la police de Hong Kong indique que, dans cette cité-Etat, “toute personne cultivant une plante du genre cannabis […] encourt une amende de 100 000 dollars de Hong Kong [11 500 euros] et jusqu’à quinze années d’emprisonnement”.
C’est la Thaïlande qui, à partir de 2003, a planté le décor de la guerre contre la drogue dans la région. Au cours des trois mois qui ont suivi la mise en œuvre des “mesures extrêmes” recommandées par le Premier ministre d’alors, Thaksin Shinawatra, pour enrayer le trafic des amphétamines, plus de 2 000 personnes ont trouvé la mort, les peines ont été
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Per Liljas