jeudi 16 juin 2016

En Islande, on transforme le CO2 en roche pour lutter contre le changement climatique

13 juin 2016 / Catégories: ArticlesEnvironnement / Tags: alternativechangement climatiqueco2cop21,décroissanceréchauffementsolution / Image: Kevin Krajick/Lamont-Doherty Earth Observatory / Réclamations et signalements / 
source : Monsieur Mondialisation

Réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère par captage et stockage ? Possible ! Si on en croit une équipe de scientifiques qui vient de publier les résultats de leur étude dans le magazine Sciences démontrant la possibilité de stocker du carbone sous la surface terrestre par minéralisation. Ce projet a fait l’objet de dix ans de recherche en Islande. Une avancée majeure dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

Le stockage et le captage de C02 intéressent scientifiques et gouvernements depuis de nombreuses années.Certains voudraient même y voir « l’un des moyens les plus prometteurs (…) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Et pour cause, un tel procédé permettrait, pour ceux qui en ont le dessein, de perpétuer un mode de vie à l’origine de la trop grande présence de ce carbone dans notre atmosphère. Face au rêve du « tout-technologique », il faut cependant rester prudent.
Stockage par solidification du carbone
Science et le Washington Post rapportent l’invention d’une équipe de chercheurs de plusieurs universités dont l’Université de Southampton en Angleterre. Le groupe de recherche a développé, sur un site Islandais, une nouvelle méthode pour transformer le gaz en roches calcaires. Cette méthode de « captage et de stockage de CO2 » fonctionne en dissolvant du CO2 dans de l’eau puis en injectant le mélange obtenu à l’intérieur d’anciens puits de stockage jusqu’à solidification.
Ce procédé permet en réalité d’accélérer un processus « naturel » qui est en principe beaucoup plus long. En effet, le mélange se solidifie sous la forme de roches calcaires en l’espace de deux ans, « un processus naturel qui prend habituellement des centaines d’années », explique Eric Oelkers, membre de l’équipe de recherche.

Cette nouvelle démarche présente un autre avantage. En effet, en raison de l’emprisonnement du carbone dans la roche, les risques d’incidents liés à une remontée incontrôlée du carbone à la surface sont fortement diminués. En effet, jusqu’à présent, les techniques de captage et de stockage de carbone misaient sur un stockage à l’intérieur d’une poche gazeuse souterraine. La rupture d’une de ces poches aurait entraîné unecatastrophe écologique majeure, en particulier par contamination des nappes phréatiques.
Difficile à mettre en œuvre à grande échelle
Malgré l’intérêt évident de la découverte au regard de l’urgence climatique, d’autres chercheurs émettent des réserves quant à la possibilité de généraliser cette technique tout en soulignant la nécessité de poursuivre les recherches.
Premièrement, selon Lyesse Laloui, il faudrait 4500 tonnes d’eau pour stocker à peine 225 tonnes de CO2. Et « compte tenu de la quantité de CO2 atmosphérique, il faudrait effectuer environ 20 milliards d’injections de ce type par an pour contrer le réchauffement, ce qui déstabiliserait complètement le cycle de l’eau ». Bien difficile à envisager au regard du manque d’eau potable actuel !
Deuxièmement, la technique est tributaire de la présence de roches basaltiques : c’est grâce à ces roches que la cristallisation de l’eau et du CO2 est si rapide. Or, ces zones sont le plus souvent inaccessibles et donc chères à exploiter.
Troisièmement, jusqu’à aujourd’hui, les projets de stockage, bien que présentant un intérêt manifeste, n’ont jamais abouti à des solutions concrètes qui pourraient être développées à grande échelle. La majorité des projets de stockage de CO2 en Europe avait été abandonnée en 2012, en raison de leurs coûts élevés – entre 50 et 100 dollars par tonne – et de la multiplication des problèmes techniques. Dès lors, on peut raisonnablement se demander si l’adoption d’une transition écologique n’est pas plus favorable et rapide.

Photographie : Annette K. Mortensen

Un futur mixte : entre technologie et décroissance
Les éléments précédents nous amènent à penser qu’une lutte efficace contre le changement climatique implique non seulement une évolution technologique mais également un changement de nos comportements autant au niveau de la consommation que de nos modes de production. Pouvons-nous laisser notre avenir dépendre entièrement de la technologie ? Au contraire, nous devons allier différentes solutions et plans d’action collectifs.
En effet, si nous nous rapportons au paradoxe de Jevons pour analyser le modèle productiviste moderne, l’introduction de technologies plus efficaces permet théoriquement de faire des économies d’énergie sur le court terme, mais augmente paradoxalement la quantité totale d’énergie consommée (effet rebond). Ainsi, il ne semble plus possible de se reposer sur une plus grande efficacité seulement, devant envisager une évolution du modèle de société.

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’association négaWatt, qui propose depuis plusieurs années une expertise détaillée des scénarios énergétiques du futur, insiste sur la nécessité de jouer sur plusieurs tableaux en même temps. Si l’ancien modèle repose sur quelques piliers centralisés, l’avenir est à la mixité énergétique. L’association experte en énergie recommande d’augmenter la part des renouvelables dans notre mix énergétique, de gagner en efficacité mais également de modérer notre consommation de manière générale, c’est-à-dire limiter le gaspillage et adopter un mode de vie plus sobre : une telle approche semble désormais indispensable. Le triptyque « renouvelable, efficacité, sobriété » caractérise ce scénario, pour un avenir serein.

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