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Pourquoi la Chine cumule les « cimetières » de voitures électriques ?
le résultat de faillites d’entreprises foireuses
Pour beaucoup, c’est un scandale écologique. Les images de véhicules électriques laissés à l’abandon, par centaines, dans des terrains en friche, font vivement réagir sur le net. Comme souvent, la voiture électrique est jugée coupable, ce qui donne du grain à moudre à ses opposants. Dans cette histoire, la voiture électrique est surtout le bouc émissaire parfait, alors que ce sont de mauvaises décisions politiques et industrielles qui ont mené à ce résultat.
Après la vidéo polémique d’un youtubeur, c’est une enquête bien plus sérieuse de Bloomberg, publiée le 17 août, qui relance les débats autour de ce qui s’apparente à des cimetières de voitures électriques. Si le nombre de voitures concernées semble important, et problématique pour un regard d’européen, à l’image de la taille du pays et de sa population, ces quelques centaines de véhicules ne sont pourtant que quelques conséquences fâcheuses, dans un plan beaucoup plus ambitieux.
L’effet pervers des subventions chinoises
Pour mieux comprendre la situation actuelle, il faut repartir quelques années en arrière pour une synthèse très simplifiée du contexte chinois. Pour doper son économie et accélérer sa transition écologique, la Chine a lancé plusieurs grands chantiers sur lesquels le gouvernement a mis d’importants moyens. Parmi ces axes prioritaires à développement rapide, il y a la voiture électrique pour lutter contre la pollution des grandes métropoles.
À renfort de subventions massives, les industriels ont été invités à se pencher sérieusement sur la voiture électrique (et hybride) et des limitations ont été mises sur l’immatriculation de véhicules thermiques dans les grandes villes. L’objectif principal était d’équiper massivement et rapidement la population chinoise avec des véhicules électrifiés produits localement. Dans un second temps, ce savoir-faire pour le véhicule électrique a vocation à s’exporter à l’international, c’est ce que l’on vit actuellement.
Les incitations fiscales ont bien stimulé la demande des acheteurs, avec une bascule particulièrement visible à partir de 2020. Comme souvent, dès qu’un secteur est fortement subventionné, cela aiguise rapidement les appétits de nombreux opportunistes. En moins d’une décennie, le nombre de marques de voitures électriques chinoises a dépassé les 160. À ce chiffre s’ajoute également toute une série de services reposant sur la voiture électrique : autopartage, VTC/Taxi, etc.
Sauf que quand la machine à subvention s’est tarie, bon nombre de ces entreprises se sont révélées non viables financièrement. C’est notamment le cas de plusieurs sociétés d’autopartage et de plusieurs services de VTC, dont les flottes de véhicules électriques se sont retrouvées, du jour au lendemain, à l’arrêt, stockées sur des terrains ou parking, en attendant que leur sort soit tranché.
Une production en masse de VE bon marché, inadaptés à des particuliers
Ces véhicules, que l’on retrouve abandonnés, ne sont pas des voitures neuves immatriculées pour tricher sur les statistiques d’immatriculation du pays, comme on peut l’entendre par des détracteurs de la voiture électrique et de la Chine. Même si quelques entreprises peu scrupuleuses ont pu procéder à ce genre de méthode, cela reste très marginal et ce ne sont que de petits volumes à l’échelle du pays. Si la Chine veut mentir sur les volumes de vente, elle n’a certainement pas besoin d’immatriculer des véhicules pour le faire.
Il suffit d’un coup d’œil aux images de drones et autres photos de l’enquête Bloomberg pour remarquer que les véhicules abandonnés sont très loin du standard des modèles actuellement vendus sur le marché chinois. Quasiment tous les véhicules ont un design daté ou très basique. Ils ne sont pourtant pas forcément très vieux, 5 à 7 ans, parfois un peu moins sur certains sites. Les tendances évoluent vite, mais pas à ce point, la raison est ailleurs.
Ces véhicules ont été produits pour répondre au besoin pour lequel ils ont été utilisés : du transport de personne, du covoiturage ou de l’autopartage. Leur équipement, leur motorisation, leur design est fait pour maximiser les profits des entreprises les possédant. Il s’agit de véhicules relativement bas de gamme, et qui sont désormais complètement dépassés. Généralement, ces modèles n’ont pas été vendus à des particuliers (ou assez rarement).
Sauf que maintenant que ces sociétés ont fait faillite, ces véhicules n’ont plus aucune valeur. Personne ne souhaite les racheter. Si en France, il vous était proposé une voiture d’occasion, rincée par son kilométrage, au look et à l’équipement de la première Dacia Logan, avec des performances inférieures (ou égales) à une Dacia Spring, il serait difficile de trouver preneur pour toute la flotte. Comme pour les Autolib françaises, si certaines ont une seconde vie chez des particuliers, une bonne partie n’était plus en état pour avoir cette chance.
À qui appartiennent ces véhicules ?
Plusieurs flottes de ces véhicules abandonnés se retrouvent aussi bloquées dans des imbroglios administratifs. C’est souvent pour cette raison qu’ils sont stockés sur des terrains en attente de la résolution du litige relatif à leur devenir. Pour certaines de ces flottes, la question de qui possède les voitures est même particulièrement floue.
Le phénomène n’est pas nouveau. Ces terrains remplis de véhicules ont commencé à apparaître dans plusieurs grandes villes chinoises dès 2019, toujours selon Bloomberg. Dans plusieurs cas, les véhicules ont disparu au bout de quelques mois. Soit les véhicules ont été déplacés pour une seconde vie, soit ils ont été mis aux rebut. Dans quelques cas, ce sont les villes qui se sont chargées de nettoyer les terrains des véhicules stockés. Cela reste dans ces cas-là un gâchis des ressources, mais c’est hélas commun à bien d’autres industries (mode, électronique…).
Le terme de cimetière est généralement utilisé à tort, car depuis 2019, il ne semble pas y avoir des terrains qui soient restés en l’état, sans une action à plus ou moins long terme. Si les « morts » bougent du cimetière, difficile de toujours considérer le terrain comme tel.
Il faut rester vigilant avec ces images et au message qui l’accompagne. Ce qui arrive en Chine avec ces véhicules aurait tout aussi bien pu concerner des véhicules thermiques. Ce n’est pas réellement la motorisation électrique, la cause de cette situation. Ce sont des décisions politiques, avec des subventions mal dirigées, qui ont précité ce phénomène. En 2018, ce sont des montagnes de vélos en free-floating qui ont créé le même scandale, pour autant personne ne remet en cause l’usage du vélo.
La Chine, dans son développement économique effréné, a créé de nombreuses bulles spéculatives. Aidée par des subventions généreuses, l’automobile électrique a profité d’un boom économique et technologique, au même titre que le secteur immobilier (vacillant) du pays. Parmi les nombreuses marques qui ont vu le jour, portées par cet effet d’aubaine, beaucoup vont disparaître dans les prochaines années, faute de rentabilité. Seuls les groupes les plus solides (BYD, SAIC, Geely et tous ceux qui nous sont moins connus en Europe) pourront certainement résister au grand ménage de printemps en cours. Le marché chinois est dans une phase de régulation, où les mauvais coulent. Hélas, cela peut créer des polémiques avec des flottes de véhicules abandonnés. C’est juste la triste réalité des zones d’ombre du capitalisme.
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