Quand la meute de la finance internationale se jette sur la misère africaine pour la plier à une exploitation radicale et… durable
par Michel J. Cuny et Issa Diakaridia Koné
Le projet de micro-financement (PPPCR) mis en place par les Français au Burkina Faso en 1988 se sera très rapidement débarrassé de l’habillage qui pouvait le faire passer, aux yeux des femmes africaines qui avaient choisi de s’y associer, pour une sorte de continuation du socialisme du regretté Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987.
La formule que nous donne Cerise de cette transformation est un condensé du schéma de base qui anime l’exploitation de l’être humain par l’être humain telle que le capitalisme est accoutumé à l’organiser :
« La stratégie finalement adoptée à cette période a été le choix d’une centralisation du projet, la recherche d’une croissance forte du portefeuille de crédit et de l’augmentation de la productivité du travail, dans l’optique d’atteindre l’équilibre financier en fin de seconde phase. » (Idem, page 36)
« La stratégie finalement adoptée à cette période a été le choix d’une centralisation du projet, la recherche d’une croissance forte du portefeuille de crédit et de l’augmentation de la productivité du travail, dans l’optique d’atteindre l’équilibre financier en fin de seconde phase. » (Idem, page 36)
Le travail doit être plus productif… sinon la finance ne se sent pas bien… et ceux qui sont propriétaires des capitaux investis ne retirent pas suffisamment de profits du travail d’autrui…
Nous ne sommes évidemment plus du tout dans l’aide aux pauvres… dont le bétail et l’ensemble du système de production avaient été détruits par la sécheresse… Les capitaux internationaux – dont le représentant local est, ici, la Caisse Nationale de Crédit Agricole française – se sont rendus maîtres de groupes de femmes burkinabé qu’il s’agit de contraindre à rendre 26% de ce qu’elles produisent à la bonne cause – très humanitaire… celle de l’impérialisme occidental qui – comme chacune et chacun le savent – est très gentil…
Mais, cette fois-ci, il aura décidément fait trop vite… Le collier de la soumission n’aura pas eu le temps de s’installer autour du cou de ces femmes toutes habituées à vivre d’une solidarité réelle qui émane d’un passé tribal qui tarde à lâcher prise, appuyé qu’il est, la plupart du temps, par la tradition islamique…
Dans le camp d’en face – du côté des spécialistes de la finance -, c’est tout le contraire : la concurrence faisait rage… Il y avait tellement de pauvres à saisir à la gorge dans une Afrique subsaharienne qui avait perdu (momentanément ?) ses appuis dans le camp socialiste soviétique ou chinois !…
Cerise nous le dit elle-même :
« Le contexte dans lequel opérait le PPPCR était marqué par un développement important et anarchique des systèmes de microfinance ; une concurrence sauvage et souvent déloyale (taux d’intérêt et préoccupation de remboursement du crédit très variables) s’était développée, particulièrement dans les zones sahéliennes, fragilisant à la fois les fondements du projet (conditions d’exercice de la caution solidaire) et sa gestion (difficulté de suivi des crédits). » (page 38)
« Le contexte dans lequel opérait le PPPCR était marqué par un développement important et anarchique des systèmes de microfinance ; une concurrence sauvage et souvent déloyale (taux d’intérêt et préoccupation de remboursement du crédit très variables) s’était développée, particulièrement dans les zones sahéliennes, fragilisant à la fois les fondements du projet (conditions d’exercice de la caution solidaire) et sa gestion (difficulté de suivi des crédits). » (page 38)
On s’arrache les pauvres !… Or, il ne s’agit pas de leur faire des cadeaux !… Il s’agit de les faire travailler un maximum pour que cela rapporte un maximum… mais, surtout, pour qu’ils prennent la bonne habitude de faire de bonnes affaires à partir du travail de plus pauvres qu’eux !… Il faut donc qu’en Afrique subsaharienne, la nécessité du combat de chacun contre tous – de l’exploitation d’autrui – devienne une habitude fortement partagée !…
C’est-à-dire qu’il faut que les taux d’intérêts atteignent très vite le maximum, et un peu partout sur le territoire africain !… et il faut, en même temps, que les remboursements se fassent à haute cadence et en toute sécurité pour les prêteurs qui ne peuvent pas se permettre de perdre le moindre centime de ce qu’exigent les propriétaires de capitaux… qui savent très bien compter… et qui ont, d’ailleurs, les moyens d’employer les meilleurs experts mondiaux pour récupérer leurs petits sous !…
Nous le voyons : le souci principal des investisseurs occidentaux c’est d’obtenir que, sur place, leur droit de propriété soit reconnu et défendu, y compris par la justice, les tribunaux et les… gendarmes… si nécessaire. Les États africains sont-ils capables de leur garantir un tel service ? Les lois africaines sont-elles suffisamment fortes et bien faites pour qu’ils n’aient pas à redouter de perdre un seul centime de ce qui doit s’ajouter à la fortune qu’ils ont acquise au fil des années, des décennies, et même des siècles, pour certains des bénéficiaires les plus anciens de l’impérialisme occidental, c’est-à-dire – et plus particulièrement – de la traite des Noir(e)s et de l’esclavage ?…
Comme l’écrit Cerise… dans ce système du PPPCR (Projet de Promotion du Petit Crédit Rural)…
« Qui est propriétaire ? » (Idem, page 39)
« Qui est propriétaire ? » (Idem, page 39)
Sont-ce ces femmes burkinabé qui se sont engagées dans une expérience qu’elles ont d’abord crue collective ? Est-ce leur « collectif » qui doit faire valoir ses intentions, ses décisions ? Évidemment, non… Elles travaillent, elles ont tous les soucis qui accompagnent la mise en œuvre de leur petite entreprise, elles doivent rendre les intérêts et le capital… mais…
« Le PPPCR est resté au stade projet : il appartenait donc juridiquement aux institutions qui ont apporté les fonds : la CFD/AFD et la CNCA. » (Idem, page 39)
« Le PPPCR est resté au stade projet : il appartenait donc juridiquement aux institutions qui ont apporté les fonds : la CFD/AFD et la CNCA. » (Idem, page 39)
Autrement dit : il est français… (Caisse ou Agence française de développement, Caisse Nationale de Crédit Agricole française). Le PPPCR est au Burkina Faso… mais il est français. Ce sont donc les Françaises et Français qui décident de tout… puisque le principe du capitalisme (du colonialisme et de l’impérialisme), c’est que ce sont toujours les propriétaires de capitaux qui décident de tout, et rien que pour aller dans le sens de l’intérêt qu’ils portent à… leurs capitaux !
Cependant, n’aurait-il pas été possible de voir l’État burkinabé s’engager lui-même à garantir les États occidentaux, leurs ressortissants et les capitaux de ceux-ci ? Le Burkina Faso n’aurait-il pas pu devenir, sur son propre territoire, le valet de l’impérialisme ?
En effet, selon Cerise…
« La question de la propriété et plus largement de la forme juridique que prendrait le PPPCR institutionnalisé a fait l’objet de plusieurs années de débats. » (Idem, page 39)
« La question de la propriété et plus largement de la forme juridique que prendrait le PPPCR institutionnalisé a fait l’objet de plusieurs années de débats. » (Idem, page 39)
Le résultat aura été sans appel. Tout se sera effondré…
« Sans perspective d’un leadership national capable de porter le projet, avec des difficultés dans les provinces sahéliennes s’aggravant, le Comité de Pilotage a fermé le projet en avril 1999. » (Idem, page 39)
« Sans perspective d’un leadership national capable de porter le projet, avec des difficultés dans les provinces sahéliennes s’aggravant, le Comité de Pilotage a fermé le projet en avril 1999. » (Idem, page 39)
Nous allons maintenant essayer de regarder cela de plus près.
NB. La suite immédiate est accessible ici :
https://remembermodibokeita.wordpress.com/2020/06/19/la-volonte-acharnee-des-occidentaux-den-finir-avec-le-socialisme-africain/
https://remembermodibokeita.wordpress.com/2020/06/19/la-volonte-acharnee-des-occidentaux-den-finir-avec-le-socialisme-africain/
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