Covid-19 - les chiffres au-delà des apparences, décès, urgences, situation par département depuis mars 2020 (France)
Depuis le début du confinement nous avons entendu de nombreuses fois le gouvernement égrener le nombre de décès puis les cas et les différences par région. Il est difficile d’y voir clair dans les déclarations tant la plupart des chiffres sont pris hors contexte ou ne sont pas mis en perspective.
Surmortalité ou non ? A partir de quand ? Quid des malades de la grippe ou d’autres pathologies ? Urgences saturées ? Traitements des ainés ? Dans cet article nous faisons un point sur ces divers sujets en amenant une analyse et un point de vue différent.
La surmortalité de 2020, dû à la Covid ou avec le Covid ?
Le nombre de décès classés Covid-19 à déplorer sur le site du gouvernement est à ce jour 31 416. Ce chiffre important en valeur absolue prend un toute autre sens quand on le ramène à la mortalité mensuelle.
Au 31 août, sur le site de l’Insee il y avait 379 000 décès depuis le début de l’année avec 8,2% des décès à ce jour attribués à la Covid. Ce chiffre est à mettre en perspective car en 2019 il y avait approximativement 15 000 décès de la grippe et en 2020 il n’y en a moins de 100 enregistrés.
Où sont dont passés ceux qui ne sont pas morts de la grippe ?
Nous nous sommes intéressés à la série temporelle des décès depuis 2018. Le graphe ci-dessous, représente le nombre de décès par lieu du décès sur les 3 dernières années. Les lieux de décès analysés sont l’hôpital, à domicile ou en maison de retraite. Les pics de mortalité des épidémies de grippes et de la période Covid sont illustrés pour les trois lieux de décès. L’aire sous chaque pic représente le nombre de décès de chaque épisode viral.
Le pic de mortalité de mars et avril 2020 représente 10 100 décès à l’hôpital, il est à mettre en perspective avec celui de 2018 de 8300 décès soit une hausse de 22% ; Il y a bien une augmentation.
Cependant l’arbre cachant toujours la forêt, l’augmentation des décès en maison de retraite est bien plus importante à 247%, le nombre de décès passant de 1 900 à 6 600, à domicile cette hausse est de 97% (de 3500 à 6900 décès).
Ceci est une manière illustrative de présenter l’information et de conclure, le pic de mortalité à l’hôpital est le plus important.
Cependant, lorsque les données seront enfin disponibles, il sera plus que critique d’analyser et d’attribuer les causes de décès. Pour l’instant on ne peut que se poser la question : quid des décès dus aux autres causes ?
Comment se répartissent les décès par lieu de décès au cours des trois dernières années ?
Dans le graphe ci-dessous nous avons calculé les proportions de décès par lieu du décès. Après tout on a bien entendu qu’il y avait une forte hausse des décès à l’hôpital.
Les proportions donnent une autre vision différente des choses. En effet en moyenne 53% des décès ont lieu à l’hôpital sur les 3 dernières années, 23% à domicile et 12% en maison de retraite. Nous avons donc un décès sur deux à l’hôpital. Ceci semble normal puisque la maladie précédant en général le décès nécessite souvent l’hospitalisation.
Quand on regarde la répartition en 2018 et 2019 malgré les pics de grippes observés dans le graphe précédent, les proportions restent constantes.
Cependant en 2020 lors de l’épisode Covid, au pic de l’épidémie seulement 46% des décès avaient lieu à l’hôpital, 27% à domicile et 19% en maison de retraite ; des augmentations respectives de 58% des décès en maison de retraite, de 17% à domicile, et une baisse de 15% des décès à l’hôpital.
Proportionnellement il y a donc eu une baisse du nombre de décès à l’hôpital.
Et oui, les personnes âgées sont décédées soient à leur domicile soit en maison de retraite alors que les autres années les proportions étaient constantes. Il est donc raisonnable de conclure que les ainées n’ont pas tous eu l’opportunité d’être soigné à l’hôpital, un déni de soin si l’on considère que la thérapie proposée était le doliprane ou le rivotril. Il serait donc normal que la commission d’enquête se penche en détail sur ce point critique.
Que s’est-il vraiment passé à l’hôpital pendant la période du Covid ?
Les déclarations des urgences saturées, des cas en pagaille pendant le confinement restent dans les mémoires de tous. Qu’en était-il de la situation aux urgences ? Dans le graphe ci-dessous, nous avons étudié le nombre de passages aux urgences depuis le 24 février. Les points saillants sont les suivants :
- En temps normal il y a approximativement 80 000 passages aux urgences par jour. Ceci est illustré dans la courbe bleue ci-dessous.
- Les urgences ont chuté de 45% pendant le confinement. Cela veut donc dire que bien des patients ayant d’autres comorbidités n’ont pas été aux urgences et sont restés chez eux à cause du confinement.
- Après la fin du confinement 14 semaines auront été nécessaires pour retrouver le niveau de visite aux urgences reviennent à la « normale ».
- La part liée à la Covid est illustrée en rouge et elle apparait comme relativement faible et cela représente seulement 12% des passages aux urgences au plus fort de la crise.
Les urgences n’étaient donc pas saturées puisque bien des citoyens ne se sont pas déplacés pour se faire soigner. Aujourd’hui les urgences sont revenues à leur niveau d’avant la crise.
Le confinement n’aura peut-être pas permis d’endiguer la prolifération du virus, une chose est sûre c’est que cela a fait diminuer de 45% les passages aux urgences.
Comment expliquer le message de saturation des réanimations ?
L’offre de soins aux urgences se répartit en plusieurs types de « lits ». La France compte 5290 lits de réanimation, 5686 lits de soins intensifs et 7941 lits de soins continus. Le type de lit se différencie sur trois critères principaux : le personnel, la qualification du personnel et l’équipement du lit. En l’occurrence un lit en réanimation demandera plus un personnel plus important, plus qualifié et un équipement plus complet.
Dans le graphe ci-dessous l’utilisation des « lits » pour traiter les patients Covid a été représentée depuis le 18 mars 2020.
Les points importants peuvent sont donc les suivants :
- Au pic de l’épidémie, certains patients se sont trouvés soit en soins intensifs soit en soins continus alors que leur état aurait demandé des soins en réanimation.
- Cela peut être considéré comme une perte de chance puisque certains patients n’auraient pas eu le soin adéquat. Ce fait est accentué en prenant en considération que certains de nos ainés décédés en maison de retraite n’ont pas eu accès aux soins à l’hôpital.
- Au pic de l’épidémie, pour les patients ayant eu des besoins de réanimations à l’hôpital, 84% ont donc eu un soin de réanimation, 14% de soin intensif et 2% de soin continu.
Comme nous pouvons l’observer les chiffres remontent, mais ils sont vraiment loin du pic que l’on a connu en mars et avril.
Et au niveau départemental ?
Dans la carte ci-dessous, nous avons représenté le taux d’occupation maximum d'utilisation des lits de réanimation, à défaut de soins intensifs et à défaut de lits de soins continus au plus fort de l’épidémie. Ce taux d’occupation est un pourcentage de la capacité pour chaque type de lit par département (réanimation, intensif et continu). Il existe un plan blanc dans les hôpitaux que l’on déclenche en fonction de certains critères lors des épidémies afin de faire face à la demande de soins de réanimation et permet d’ouvrir plus de lits de réanimations en fonction de la demande.
Sur la carte, sont représentés en trois groupes de couleurs les degrés de tension vécu au pic de l’épidémie. En dégradé de vert, du plus clair au plus foncé sont illustrés les départements ayant eu une offre de soin en réanimation normale. C’est-à-dire ou les réanimations n’étaient pas saturées. En dégradé de saumon les départements qui ont dû utiliser des lits de soins intensifs et en dégradé de rouge à marron ceux qui ont dû en plus utiliser des lits de soins continus pour soigner les malades.
Tout ceci est bien sur fonction de l’allocation des lits sur le territoire, cependant cette image montre bien la différence qu’il a eu lieu entre divers départements. Une question se posera sans nul doute sur l’allocation des ressources tant en termes de types de lits que de personnels ou d’équipements et surtout la mobilité de ces ressources afin de faire face à la demande dans les lieux les plus touchés.
Seulement 35 départements (en vert) n’ont pas dû faire appel à des lits de soins continus ou intensifs pour les patients.
Il y a donc une réelle pression sur les urgences à l’hôpital même si le taux de passages aux urgences a fortement baissé.
Comment illustrer la dynamique par départements de l'utilisation des lits de réanimation, de soins intensifs et de soins continus ?
Cette vidéo représente le taux d’occupation des lits équipés pour traiter les patients Covid-19 nécessitant des soins de réanimations dans les 30 départements avec la tension hospitalière la plus élevée.
Les lits en réanimation sont en vert, les lits en soins intensifs en marron et les lits en soins continus en rouge. Plus les barres sont grandes plus la tension aura été élevée.
Focus sur quelques départements
Dans cette vidéo, nous avons illustré le taux d’occupation des lits équipés pour traiter les patients Covid-19 nécessitant des soins de réanimations dans quelques départements pour illustrer la différence de tension hospitalière. Les départements choisis sont le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, Paris et les Hauts-de-Seine, le Morbihan, la Haute-Garonne et la Gironde.
Les chiffres pris de manière statiques n'ont pas la même signification que quand on les regarde à un instant t. L'allocation géographique des ressources hospitalières en termes de lits équipés sera surement à revoir si l'on compare le nombre de lits de réanimation en France (5600) par rapport à l'Allemagne à 20 000. Il faudra en outre élever le débat au-delà des choix thérapeutiques ou l'inclusion d'un traitement ou un autre dans les essais. Lors de son audition au Sénat, le professeur Lima a justifié l'inclusion d'un traitement (le remdesivir) dans l'essai français Discovery, afin d'éviter la perte de chance pour les patients; ceci malgré les effets secondaires importants et l'absence de preuve d'efficacité. Rappelons que la semaine dernière Gilead le laboratoire fabriquant le remdesivir a retiré sa demande de remboursement. Une chose est sure, il n'est nul besoin d'essai randomisé pour vérifier que le ridicule ne tue pas.
Au-delà de la question des choix thérapeutiques effectués en mars 2020 par le gouvernement, il est critique d'étudier la mortalité toutes causes afin de comprendre réellement ce qui s'est passé pendant cette épidémie afin de limiter une nouvelle perte de chance des divers malades sur le territoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire