(Une bonne communication pour amener à ne plus acheter de vêtements fabriqués en Chine. Le problème du Xinjiang est la question de la politique de peuplement de la province comme au Tibet, mais, les USA sont mal placés pour donner des leçons. Et, à l'aube d'une récession qui peut se révéler féroce, les américains n'ont pas trop le choix. note de rené)
Presque toutes les grandes marques d'habillement qui vendent des produits en coton bénéficient du travail forcé des Ouighours
Abercrombie & Fitch, Adidas, C&A, Calvin Klein, Cerruti, Gap, H&M, Fila, Ikea, Lacoste, Muji, Nike, Patagonia, Puma, The North Face, Polo Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Uniqlo, Victoria’s Secret, Woolsworth et d’autres encore… Ces marques et distributeurs ont tous, à un moment de leur chaîne de production, eu recours au travail forcé des Ouïghours et autres minorités ethniques du Xinjiang. Jeudi, plus de 180 syndicats et organisations de 36 pays ont lancé un appel au secteur pour mettre un frein à ces pratiques. Pour Nayla Ajaltouni, de l’ONG Ethique sur l’étiquette, les entreprises ne devraient plus pouvoir dire «on ne savait pas».
Comment une aussi large coalition a pu se créer ?
Depuis quatre mois, une centaine d’organisations classiques et 72 associations ouïghoures travaillent ensemble sur ce texte. On ne peut plus ignorer ce qui se passe au Xinjiang, et cela a une implication directe dans les biens de consommation qui arrivent sur le marché européen et américain. Environ un vêtement sur cinq vendu à travers le monde contient du coton ou du fil venu du Xinjiang, et il est quasiment certain que ces produits sont issus du travail forcé. Quand le Rana Plaza s’est effondré au Bangladesh en 2013 [faisant au moins 1 127 morts, ndlr], les entreprises ont dit : «On ne savait pas qu’on fabriquait à cet endroit.» C’est vrai, et c’est bien ça le problème. Continuer à produire au Xinjiang est, au mieux, irresponsable. Au pire, complice.
Comment en est-on arrivé là ?
Certaines des dérives de la mondialisation sont la dilution de la responsabilité, l’opacité dans la chaîne de valeur et l’impunité des multinationales. En l’absence de réglementation sur l’étiquetage, on n’est pas en mesure de savoir de quelle manière sont fabriqués nos vêtements. Le modèle de la fast fashion (lire page 5) est fondé sur la pression sur les coûts de production, et donc sur les salaires. Depuis longtemps, les entreprises ne sont pas censées produire dans les zones à risques en matière de droits humains. Mais compter sur leur seule initiative a été complètement inefficace. Il a fallu la loi sur le devoir de vigilance, adoptée en France en 2017, pour qu’elles se posent enfin la question du risque pour les tiers et l’environnement, pas seulement de leur risque financier.
Comment comptez-vous faire bouger les choses ?
Les entreprises disent : «On n’a pas la possibilité de vérifier notre chaîne de sous-traitance.» Puisqu’elles affirment ne pas pouvoir exercer leur devoir de vigilance en raison de la chape de plomb imposée par Pékin sur le Xinjiang, on leur demande donc de se retirer de la région. On a conscience de la complexité des chaînes de valeur, mais il y a urgence. Le problème du travail forcé est devenu si vaste qu’il est difficile de le résoudre à court terme. C’est pour cela qu’on donne douze mois aux entreprises pour signer l’appel et s’engager à mettre en œuvre une dizaine de recommandations. On leur demande de cartographier leur chaîne de valeur et d’identifier les fournisseurs et sous-traitants de tous les rangs. Si une ONG comme la nôtre arrive à obtenir des informations, c’est impossible qu’une entreprise n’y arrive pas. Surtout que la zone est bien identifiée.
Si une entreprise signataire de l’appel découvre qu’un sous-traitant produit au Xinjiang, que doit-elle faire ?
La seule réponse possible est de stopper immédiatement les relations commerciales avec ce sous-traitant. C’est le genre de problème qui peut entacher leur image.
Pourquoi parler du travail forcé au Xinjiang et non dans le reste de la Chine ?
C’est un premier pas, on verra ensuite comment s’attaquer à toutes les chaînes de sous-traitance. Mais le problème ne peut pas être traité uniquement par les ONG et les journalistes. Il est urgent d’établir au niveau européen et international un cadre juridique qui enraye les violations massives des droits humains et qui permette l’accès des victimes à la justice. En attendant, les citoyens peuvent eux aussi passer à l’action, en cessant d’acheter frénétiquement à petit prix, en privilégiant les marques responsables et en faisant pression sur les autres, en magasin ou sur les réseaux sociaux.
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