Offensive sur Afrin: avec les soldats turcs en Syrie [Reportage]
Les forces turques au niveau du mont Barsaya, au nord-est d'Afrin, le 28 janvier 2018.REUTERS/ Khalil Ashawi
L’offensive turque sur la région d’Afrin, au nord de la Syrie, se poursuit. Cela fait neuf jours que les soldats turcs aidés par des rebelles syriens bombardent les miliciens kurdes des YPG, considérés comme terroristes par Ankara car ils sont liés au PKK, en conflit avec le pouvoir turc depuis plus de 30 ans. Ces milices sont toutefois soutenues par les Etats-Unis, qui en ont fait les fers-de-lance de la lutte anti-EI.
De nos envoyés spéciaux près de la ligne de front à Azaz, côté syrien
Nous venons de passer la frontière turque et entrons en Syrie. A quelques kilomètres à l’intérieur des terres, le convoi s’arrête sur un chemin boueux. Il y a un check-point, tenu par des rebelles syriens alliés à la Turquie.
Un officier de presse turc, qui encadre les journalistes, décrit la situation : « Nous sommes sur la route du village de Ma’arrine, qui est situé près d’Azaz. Cette région est contrôlée par les forces locales. Et il y a des check-points pour prévenir d’éventuelles attaques terroristes. »
Les terroristes, selon Ankara, ce sont les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), contre lesquels les Turcs ont lancé une offensive il y a plus d’une semaine. La ligne de front n’est qu’à 1 km d’ici, à l’entrée de l’enclave d’Afrin. On entend d’ailleurs des tirs d’artillerie à intervalles réguliers. Sur les collines en face, on aperçoit des colonnes de fumée s’élever dans le ciel.
Kalachnikov en bandoulière
Les soldats turcs sont appuyés dans leur offensive par l’Armée syrienne libre (ASL), des rebelles opposés au régime de Bachar el-Assad et entraînés par les forces spéciales turques. Abdulaziz Faraj, treillis beige et barbe bien taillée, est l’un d’eux. Il n’hésite pas à prendre la pose pour les photographes, sur un char.
Et il ne tarit pas d’éloges au sujet des Turcs : « Nous sommes de la même nation, de la même armée et nous sommes tous musulmans. Dieu merci. Nous sommes frères de religion, l’islam, et nous partageons la même terre, grâce à Dieu. Les Kurdes des YPG et du PKK sont des mécréants, des infidèles, des traitres. Si Dieu le veut, le bien va l’emporter et nous vaincrons ! »
Nous quittons les lieux pour la ville toute proche d’Azaz, 300 000 habitants. Le centre, avec ses échoppes bien achalandées, est animé. Sur des motos, des hommes patrouillent, visage masqué d’un foulard, kalachnikov en bandoulière.
Check-point à Azaz, en Syrie, le 24 janvier 2018.REUTERS/Osman Orsal
Azaz à nouveau menacée
Ce sont les rebelles de l’Armée syrienne libre qui tiennent la ville depuis qu’ils en ont chassé, avec les Turcs, les jihadistes de l'Etat islamique en 2016. Aujourd’hui, avec l’offensive sur l’enclave kurde d’Afrin, Azaz se sent à nouveau menacée.
« Depuis deux ans, depuis que nous nous sommes débarrassés de l’Etat islamique, la situation est stable et meilleure, assure Hassan Kanna, un enseignant qui habite la ville. Mais ces derniers jours, nous avons des problèmes avec les roquettes lancés par des groupes extérieurs. »
« Toutes les nuits, ajoute-t-il, nous subissons des bombardements et les gens ont peur. L’Armée syrienne libre et les troupes turques doivent faire cette opération sur Afrin, ils n’ont pas le choix. »
Guerre de communication
Azaz, meurtrie par des années de guerre en Syrie, se retrouve de nouveau en première ligne avec l’opération sur Afrin. Mahmoud, 30 ans, a du mal à envisager l’avenir : « Franchement, je ne sais pas ! Peut être pourrions-nous libérer toute la Syrie de Bachar el-Assad et des Kurdes des YPG-PKK. Après, nous pourrons penser à l'avenir de ce pays. »
Dans le centre d’Azaz, des enfants agitent très opportunément des drapeaux turcs devant les caméras de télévision. Ils louent le président Erdogan pour son offensive sur les Kurdes d’Afrin. La guerre qui se joue est aussi une guerre de communication.
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