dimanche 1 octobre 2017

Nos cerveaux bientôt hackés sur Internet ?

Vincent Lucchese source : Usbek et Rica


Un cerveau humain a été connecté en direct sur le réseau Internet pour la première fois. Une technologie encore rudimentaire mais qui pourrait à terme connecter nos esprits au grand réseau de l’Internet des objets. Au risque de voir des individus se faire hacker le cerveau et l’ensemble de leur vie privée. Et d’amorcer un processus d’effacement des personnalités au profit d’une grande conscience collective en ligne ?
Pour l’instant, ça ne sert à rien. Mais des chercheurs ont connecté pour la première fois en direct un cerveau à Internet. Plus précisément, des ingénieurs de l’université Wits de Johannesbourg (Afrique du Sud) ont traduit l’électroencéphalogramme produit par un cerveau humain en flux de données disponible en open source et en direct sur Internet.

Dans un article daté du 14 septembre 2017 sur le site de l’université, les chercheurs précisent avoir utilisé un appareil baptisé Emotiv, qui se pose sur le crâne avec une élégance toute relative. L'objectif : envoyer le signal issu des ondes cérébrales à un nano-ordinateur Raspberry Pi qui le diffuse lui-même vers une interface de programmation applicative (API) qui permet sa libre circulation en ligne.
Internet des objets (et des cerveaux)
Quel intérêt ? « On manque de données facilement compréhensibles sur la façon dont le cerveau fonctionne et traite l’information. Brainternet [le nom du projet, ndlr] cherche a améliorer la compréhension qu’ont les gens de leur propre cerveau et de ceux des autres », explique Adam Pantanowitz, maître de conférence à la Wits School of Electrical and Information Engineering et initiateur de Brainternet.
« Dans le futur, des informations pourraient être transférées dans les deux sens, depuis et vers le cerveau » 

On est donc plus proche du gadget que du cerveau augmenté et de l’homme aux capacités cognitives augmentées tel que le fantasme Elon Musk avec les implants cérébraux sur lesquelles planche son entreprise Neuralink. Mais avec quelques améliorations et l’aide d’algorithmes qui utilisent le machine-learning, Adam Pantanowitz rejoint les ambitions de la star de la Silicon Valley. « Dans le futur, des informations pourraient être transférées dans les deux sens, depuis et vers le cerveau », imagine-t-il. Ce qui ferait du cerveau humain un simple « noeud de l’Internet des objets sur le World Wide Web » parmi d’autres, ainsi que le projette l’article des chercheurs.

Elon Musk présente son projet Neuralink pour connecter l'homme à Internet et le rendre super-intelligent.
Cyberattaque cérébrale
Problème : le même Pantanowitz s’inquiète sur le site américain Motherboarddes dangers qu’encourraient des individus ainsi connectés, livrés en pâture à de potentiels hackers de cerveaux. Une cyberattaque visant les flux de données cérébrales circulant sur l’Internet des objets pourrait être « une catastrophe pour l’individu visé et, plus généralement, pourrait constituer un vrai risque pour la société », confie-t-il.
«  Il est possible qu’une telle technologie soit utilisée pour contrôler les comportements des prisonniers »

Le site américain étaye cette hypothèse alarmante en citant une étude publiée en 2014 dans la revue Frontiers of Neuroengineering, qui s’intéressait déjà aux conséquences de l’émergence de « technologies d’interface cerveau-à-cerveau ». « Si des idées peuvent être implantées, ou des comportements contraints, à travers des interfaces qui envoient des informations et des stimulations directement dans le cerveau, il est théoriquement possible qu’une telle technologie soit utilisée à un moment donné pour contrôler contre leur gré les comportements des prisonniers, par exemple », préviennent les chercheurs.

Pourra-t-on un jour hacker les cerveaux connectés pour y injecter de faux souvenirs ou manipuler les esprits comme dans le film Inception (Christopher Nolan, 2010) ?
On flotte quelque part entre Inception et 1984, mais le caractère hautement spéculatif de telles avancées ne dédouane pas les chercheurs d’avancer avec précaution, souligne l’étude : « L’avancement actuel de la technologie est trop primitive pour une telle utilisation mais la vigilance est impérative dans la poursuite de ces recherches ».
« À qui appartient une pensée générée dans une interface cerveau-à-cerveau ? »

Autre question soulevée par l’hypothèse d’un grand réseau connectant nos cerveaux : celle de la définition de l’individu et des frontières entre les esprits qui risquerait bien de s’estomper. « À qui appartient une pensée générée dans une interface cerveau-à-cerveau ? » La question posée en 2014 pourrait rester sans réponse encore longtemps. Mais si une telle évolution advenait, elle pourrait rejoindre, par un biais inattendu, la théorie d’une émergence d’une conscience commune de l’humanité et d’une « société organisée comme un cerveau » dont nous parlait l’anthropologue Alain de Vulpian en janvier 2017.

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