L’étrange internet de la Corée du Nord qui ne compte que 28 sites
Corentin Durand - 22 septembre 2016 - source : Numerama
Dépendante jusqu'à présent d'un opérateur chinois pour accéder à Internet, la Corée du Nord bénéficie désormais d'un second accès mis en place par les Russes.
Même un pays fortement replié sur lui-même comme la Corée du Nord a besoin de maintenir quelques contacts avec l’extérieur pour pouvoir survivre. La nation ermite n’irait en effet pas loin sans ses échanges commerciaux avec la Chine, notamment en matière de fer, de pétrole et de charbon. L’Empire du Milieu est d’ailleurs au centre del’économie nord-coréenne.
Il en va de même pour Internet : le pays n’est pas complètement « dans le noir ». Pour accéder au réseau, le pays (en tout cas ses élites et certaines unités de l’armée, la population n’ayant pas la possibilité d’en profiter librement) bénéficie d’une connexion mise en place par le fournisseur d’accès à Internet chinois, China Unicom. C’est à travers elle que tout le trafic nord-coréen transite.
Mais ça, c’était avant.
CNN rapporte qu’une deuxième liaison a été installée entre la Corée du Nord et… la Russie. C’est le FAI TransTelekom qui gère la ligne russo-nord-coréenne ; et en la matière, il est évidemment impossible que le Kremlin ne soit pas au courant de ce raccordement étant donné la sensibilité du « client ». D’autant que l’opérateur est une filiale de la Compagnie des chemins de fer russes, qui appartient à l’État russe.
On imagine que la nouvelle n’a certainement pas enthousiasmé à Washington, Séoul et Tokyo, à l’heure où ces pays ainsi que leurs alliés occidentaux s’efforcent de durcir leurs sanctions contre Pyongyang pour le faire renoncer à ses essais nucléaires et ses tests de missile balistique. D’autant qu’il apparaît que le régime nord-coréen se sert de ces accès à Internet pour mener des cyber-attaques.
CYBERATTAQUES EN ASIE
Le régime est en effet accusé de s’en prendre à son voisin du Sud, de diffuser toutes sortes de logiciels malveillants (notamment dans des applications), de gérer des botnets, de créer des rançongiciels, de s’en prendre au Bitcoin et de s’en prendre à ceux et celles qui lui font du tort. On se souvient par exemple que les États-Unis ont accusé la Corée du Nord d’avoir piraté Sony en 2014 pour avoir produit un film se moquant du régime.
Une grande incertitude autour de ce que fait la Corée du Nord dans le « cyber » existe toutefois, du fait des difficultés qu’il y a à remonter l’origine d’une attaque dans un univers très opaque — et plus généralement, cela est vrai pour n’importe quel pays. La Corée du Nord nie de toute façon systématiquement tous les piratages qui lui sont attribués.
Pour les États-Unis, l’arrivée d’une deuxième entreprise pourrait rendre certaines ripostes plus difficiles à mettre en place. En 2014, il avait été découvert que la Corée du Nord avait connu un important incident technique. Pendant une dizaine d’heures, l’accès à Internet avait été fortement perturbé. On avait alors suspecté une riposte américaine au piratage de Sony Pictures.
Paradoxalement, cela peut aussi leur permettre de varier leur point d’entrée s’ils veulent conduire des attaques informatiques, ce que les USA sont suspectés de faire au niveau du programme nucléaire militaire de Pyongyang, avec des résultats mitigés, et contre les hackers de l’agence d’espionnage du pays. Le fait que TransTelekom appartienne à l’État russe ne devrait pas être de nature à gêner Washington.
Après tout, China Unicom appartient au gouvernement chinois et cette caractéristique n’a pas dissuadé l’Amérique de conduire les opérations sensibles qu’on lui prête, même si cela signifie de faire transiter ses attaques sur un réseau géré par puissance de premier plan. L’administration Trump se retiendrait-elle de passer aussi par les câbles de TransTelekom pour frapper Pyongyang ?
On peut en douter ; les relations entre les deux pays sont de toute façon déjà dégradées.
Quant à la Russie, la mise en place de cette liaison pourrait être l’occasion de gagner un peu plus d’influence auprès de la Corée du Nord — même si l’expérience montre que la nation ermite semble assez peu sensible aux pressions ou aux charmes déployés par d’autres pays. Cela dit, il ne coûte rien de tenter sa chance, Moscou n’ayant pas d’intérêt objectif à voir une péninsule coréenne nucléarisée.
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