L’hyper concentration de terres aux mains d’une « élite » n’épargne aucun pays européen
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Le phénomène d’accaparement des terres agricoles s’accélère en Europe au détriment des petites fermes qui ne cessent de disparaitre. C’est le constat alarmant tiré par un nouveau rapport de l’organisation Transnational Institute basée à Amsterdam [1]. Les grandes exploitations – supérieures à 100 hectares, selon la définition d’Eurostat – ne représentaient que 3,1 % de l’ensemble des fermes européennes en 2013, mais elles contrôlent la moitié des terres agricoles en Europe ! Dans le même temps, les trois quarts des fermes européennes, inférieures à 10 hectares, couvrent seulement 11 % du territoire agricole. La France illustre parfaitement cette tendance : en 2013, plus de 20 % des exploitations sont supérieures à 100 hectares et contrôlent 61,9 % de la surface agricole utile [2].
Les petites fermes disparaissent partout au profit de l’agro-industrie
Le nombre de fermes de moins de 10 hectares a, lui, chuté d’un tiers, passant de 12 millions en 2003 à 8 millions en 2013. Les petits agriculteurs ont perdu le contrôle d’un quart de leurs terres – soit une superficie presque aussi grande que l’Irlande – au profit des grandes exploitations agricoles. Comme le montre le tableau ci-dessous, ce sont les Pays-Bas qui ont connu la plus forte disparition de petites fermes. Depuis 1990, leur nombre a été divisée par deux, avec 26 190 fermes aujourd’hui. L’exemple de l’Italie est aussi édifiant avec la disparition de plus d’1,5 millions petites fermes en treize ans...
Ce processus s’accompagne d’un accroissement de « l’accaparement des terres agricoles ». La Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie sont particulièrement touchées [3]. En cause : des prix du foncier relativement bas attirant les investisseurs. Le rapport pointe notamment la mise en place de véritables agro-industries dont la taille apparait hors de tout standard... La plus grande ferme roumaine appartient au groupe libanais Maria Group. Elle s’étend sur 65 000 hectares, soit presque l’équivalent de Paris et les départements limitrophes ! Elle dispose de son propre port et exporte de la viande et des céréales principalement vers le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Est. « Ce processus est allé de pair avec l’émergence d’une nouvelle classe d’actifs, composée de banques, d’investissements et de fonds de pension, et d’autres acteurs financiers contrôlant une part toujours croissante des terres agricoles européennes. »
Le Transnational Institute met aussi l’accent sur le rôle de la Politique agricole commune (PAC) qui incite à l’agrandissement des exploitations et à la concentration des terres. Depuis 1992, les soutiens apportés aux prix des produits agricoles ont été remplacés par des paiements pro-hectares. Autrement dit, plus la surface d’une exploitation est importante, plus l’agriculteur reçoit des aides. Résultat, les subventions de la PAC sont désormais captées par une petite élite d’agriculteurs. Comme le montre le tableau ci-dessous, 1,1 % des bénéficiaires de la PAC en Roumanie captent plus de 51 % des paiements directs alloués à l’échelle nationale.
Un documentaire à la rencontre de ceux qui grignotent la France
Il devient ainsi de plus en plus difficile, pour les jeunes et moins jeunes qui aspirent à devenir paysans, d’accéder à des terres. Cette situation est exacerbée par l’artificialisation des terres liée à l’étalement urbain et au développement des activités commerciales. En France, plus de 60 000 hectares de terres fertiles sont perdus chaque année au profit d’hypermarchés, de stades de football, d’immeubles de bureaux ou de parking. Un documentaire, Et pour quelques hectares de plus, est diffusé ce soir sur France 5 à ce sujet. Le réalisateur Nicolas Vescovacci a sillonné la France pendant six mois à la rencontre de celles et ceux qui grignotent ses territoires. Parmi les exemples abordés, figurent notamment les cas de Europacity et du nouveau stade de l’Olympique lyonnais reconnu d’intérêt général bien qu’il soit 100 % privé...
Officiellement, le gouvernement souhaite diviser par deux la consommation de terres agricoles d’ici à 2020. Dans la réalité, les mesures mises en œuvre limitent très faiblement leur disparition (lire à ce sujet : L’accaparement de terres et la concentration foncière menacent-ils l’agriculture et les campagnes françaises ?). Le rapport du Transnational Institute souligne le rôle des appareils d’État, au niveau national, régional et local, dans les diverses pratiques à l’œuvre pour « contourner la loi ». Et appelle à la mise en place d’un Observatoire européen du foncier pour suivre les transactions et investissements fonciers à grande échelle.
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