Samedi, Israël a massacré des dizaines de Palestiniens à al-Mawasi, la zone censée « sécurisée » le long de la côte au sud de Gaza, et dans le camp de réfugiés de Beach Camp (al-Shati), à proximité de la ville de Gaza.
gaza morts 13 juillet 2024
© Omar Ashtawy / APA images13 juillet 2024. Les corps des Palestiniens tués lors de l’attaque israélienne sur al-Mawasi sont transportés dans un hôpital de Khan Younis, dans le sud de Gaza.
Au moins 90 Palestiniens ont été tués et 300 autres blessés dans l'attaque contre al-Mawasi, selon le ministère de la santé de Gaza, et au moins 20 Palestiniens ont également été tués après qu'Israël a bombardé des fidèles rassemblés pour la prière de midi à l'extérieur des ruines d'une mosquée du camp de réfugiés Beach Camp

Vendredi, l'armée israélienne a tué quatre travailleurs dans un entrepôt d'aide humanitaire à Gaza, en prétendant qu'elle avait visé Husam Mansour. Israël a prétendant que Mansour était un militant qui travaillait au sein d'une organisation d'aide afin de collecter des fonds pour le Hamas - une allégation sans fondement semblable à toutes celles formulées par Israël contre d'autres travailleurs humanitaires de Gaza travaillant pour des ONG internationales et qui ont été tués ou emprisonnés en toute impunité.

L'Al-Khair Foundation, une ONG dont le siège se trouve au Royaume-Uni, a déclaré que Mansour était une « pierre angulaire » de son équipe à Gaza et que sa mort « n'est pas qu'une perte pour notre organisation, mais également un coup dévastateur pour les efforts humanitaires dans la région ».

La mort des travailleurs humanitaires a eu lieu un jour après que Samantha Power, la directrice de l'agence du département d'État USAID, avait dit qu'Israël avait promis d'améliorer la sécurité pour les travailleurs humanitaires à Gaza, où la famine s'est installée à la suite du blocus imposé par Israël.

Au moins 38 345 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre, bien que le bilan réel soit sans doute considérablement plus élevé. Des milliers de personnes portées manquantes sous les décombres ou celles dont le décès, dû à une mortalité secondaire comme la faim, la soif et la maladie résultant de la campagne militaire israélienne, ne sont pas reprises dans le décompte des victimes.

Les attaques meurtrières de samedi ont eu lieu au moment où il s'est avéré que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou sabotait ce qui aurait pu être le coup de pouce final pour en arriver à un arrangement avec le Hamas, lequel aurait permis un échange de captifs et ouvert la voie à un cessez-le-feu permanent à Gaza.

Le Hamas a condamné « l'horrible massacre » dans la zone densément peuplée d'al-Mawasi, une zone ouverte où Israël a ordonné aux Palestiniens de s'installer après avoir proclamé zone de combat un tiers de la superficie de Gaza la semaine dernière.

Israël, a-t-il été rapporté, à largué des bombes de 2 000 livres (900 kg) sur al-Mawasi, ce qui constitue l'une des attaques les plus meurtrières - si pas la plus meurtrière - depuis que près de 300 personnes ont été tuées au cours d'un raid dans le camp de Nuseirat, le 8 juin.

Quatre captifs israéliens avaient été libérés par l'armée, lors du raid à Nuseirat, au cours duquel les forces israéliennes s'étaient déguisées en civils et avaient abattu des Palestiniens sur le marché et les rues pleines de monde. Le responsable du bureau des droits humains de l'ONU avait dit qu'il était « profondément choqué » par cette opération durant laquelle les principes de base des lois de la guerre avaient été bafoués de façon flagrante.

Une « fausse victoire »

Israël a tenté de justifier le massacre d'al-Mawasi samedi en prétendant qu'il ciblait Muhammad Deif, le chef insaisissable des Brigades Qassam, le bras armé du Hamas, et le commandant de la Brigade Qassam de Khan Younis.

En tant que l'un des personnages les plus recherchés par Israël, Deif a survécu à nombre d'attentats contre sa vie, dont une attaque, en 2021, qui avait tué l'épouse du chef militaire et leurs deux jeunes enfants.

Samedi soir, lors d'une conférence de presse, Netanyahou a reconnu qu'il n'était pas clair que Deif et le commandant des Brigades Qassam aient été tués, ce que le Hamas a démenti.

Khalil al-Hayya, vice-président du Hamas, a dit en réponse que Netanyahou avait espéré « annoncer une fausse victoire » et il a ajouté que le sang de Deif n'était pas plus précieux que celui du plus jeune des enfants palestiniens.

Al-Hayya a suggéré que, si Israël tuait davantage de monde à Gaza, c'était pour faire capoter les négociations avec le Hamas et que Netanyahu avait saisi une illusion de victoire avant son discours devant le Congrès américain un peu plus tard ce mois-ci. Plus tôt dans la journée, à la suite de l'attaque contre al-Mawasi, le Hamas a déclaré que ce n'était « pas la première fois que l'occupation prétendait cibler des dirigeants palestiniens et qu'il s'avérait plus tard que c'était un mensonge ». « Ces fausses allégations sont tout simplement destinées à masquer l'ampleur de l'horrible massacre », a ajouté l'organisation de résistance dans une déclaration publiée sur Telegram.

« La justification reste toujours la même »

Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l'ONU pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, a fait remarquer « la justification reste toujours la même :'cibler des militants palestiniens'».

Hamdah Salhut, un correspondant d'Al Jazeera, a déclaré que l'armée israélienne recourait régulièrement à de telles allégations, « disant que des civils étaient utilisés comme 'boucliers humains' des personnalités du Hamas et utilisant cela comme justification pour tuer des dizaines de civils ».

Assal Rad, un universitaire qui observe de près le cadrage du génocide de Gaza par les médias occidentaux, a expliqué que la justification israélienne était utilisée par les médias pour traiter le massacre de civils dans une « zone sécurisée » comme « arrière-pensée de leurs gros titres »pour autant qu'elle soit un tant soit peu mentionnée. Amjad al-Shawa, directeur du Réseau des ONG palestiniennes, a dit à Al Jazeera que le massacre d'al-Mawasi était « le message adressé par Israël au monde pour lui faire comprendre encore et encore qu'il cible des civils où qu'ils se trouvent ».

« Une attaque massive contre le nord »

Suite au massacre d'al-Mawasi, le bureau des droits humains de l'ONU a condamné le recours par Israël à des « armes à effets de zone dans les quartiers peuplés de Gaza ».

Une déclaration émanant du bureau a fait remarquer que les frappes meurtrières de samedi « s'étaient produites juste après une autre attaque massive dans le nord, qui avait duré une semaine et s'était soldée par de nouvelles destructions et pertes en vies humaines ».

Israël a semé la désolation à Shujaiya, dans la périphérie est de Gaza, lors d'un raid de deux semaines au cours duquel il a prétendu avoir tué un chef de bataillon adjoint du Hamas, commandant de la zone et découvert un centre de commandement installé dans un bâtiment appartenant à l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés de Palestine.

Suite au retrait de l'armée, les habitants sont retournés chez eux et ont découvert que les troupes avaient détruit la majorité des bâtiments de la zone, dont des résidences, des écoles et des cliniques médicales.

Un porte-parole de la défense civile à Gaza a déclaré que les corps de plus de 60 personnes avaient été retrouvés à Shujaiya et qu'un nombre plus important de personnes avaient été portés manquantes et se trouvaient sous les décombres des maisons détruites.

Des dizaines de personnes ont également été tuées à Tal al-Hawa, dans le sud de la bande de Gaza, a déclaré jeudi ce même porte-parole de la défense civile.

Mercredi, une fois encore, Israël avait ordonné aux habitants de la ville de Gaza d'évacuer. Bien des Palestiniens s'étaient promis de rester à Gaza quel qu'en soit le prix.

Itay Epshtain, un expert en droit international, a déclaré que « ce n'est pas une évacuation autorisée mais un acte de transfert forcé » qui « montre la nature ouverte des hostilités à Gaza ».

Epshtain a fait remarquer qu'« Israël apparaît intéressé comme toujours par un conflit de longue durée ».

L'Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) a déclaré que son personnel sur le terrain « enquête sur des rapports disant que, entre lundi et vendredi, les forces armées israéliennes ont commis des assassinats extrajudiciaires et des exécutions illégales de nombreux habitants, dont la majorité étaient des femmes » durant leur incursion dans des quartiers de la partie orientale de la ville de Gaza.

Des quadricoptères ont ouvert le feu sur des secouristes

Le bureau de l'ONU a déclaré que les frappes de samedi contre al-Mawasi avaient, présume-t-on, touché des tentes abritant des personnes déplacées, une cuisine collective et un site de désalinisation où des personnes s'étaient rassemblées pour prendre de l'eau. « Il en était résulté des dizaines de tués. »

Il a été dit que « des quadricoptères de l'armée israélienne avaient ciblé des secouristes au travail, tuant au moins un travailleur de la défense civile et en en blessant plusieurs autres », a ajouté le bureau des droits humains.

Une fois encore, le bureau de l'ONU a pointé du doigt « un modèle de violation délibérée des principes [du droit international humanitaire] que sont la distinction, la proportionnalité et la précaution », ainsi qu' « un mépris constant pour la sécurité des civils ».

Même si des Palestiniens appartenant à des organisations armées étaient présents parmi des civils, « cela ne libérerait pas l'armée israélienne de ses obligations » de respect des principes fondamentaux des lois de la guerre, a déclaré le bureau de l'ONU.

Une vidéo des retombées immédiates de l'attaque israélienne contre al-Mawasi montre des blessés et des morts qui, de toute évidence, sont des civils, parmi lesquels il se trouve une personne portant une veste de la défense civile et gisant dans la rue au moment où un panache de fumée noire s'élève d'une zone située dans le voisinage immédiat d'un campement de tentes.

Une autre vidéo montre des gens qui tentent d'extraire à mains nues des victimes d'un immense cratère. On voit le bras gauche et l'épaule d'un homme qui dépassent du sol sablonneux, au même moment où un enfant : « C'est mon papa, il a été tué ? »

Un témoin dit dans la même vidéo que « la totalité de Gaza est recherchée » par l'occupation. L'homme ajoute qu'il y a eu une ceinture de feu - une série de bombes lourdes larguées au même endroit - sans avertissement préalable au campement de tentes. Quand les sauveteurs sont arrivés, les F-16 « ont bombardé les paramédicaux et l'équipe de la défense civile », dit-il.

Le responsable de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que le Complexe médical Nasser à Khan Younis, qui avait admis 134 blessés graves suite à l'attaque contre al-Mawasi, « est extrêmement débordé par l'afflux de patients ».

Netanyahou bloque les négociations

Après l'attaque meurtrière contre al-Mawasi, le Dr Ghassan Abu Sitta, un chirurgien britannico-palestinien qui a travaillé à Gaza durant les premières semaines du génocide, a déclaré qu' « Israël avait perpétré ce massacre pour faire capoter les négociations de cessez-le-feu ».

Des responsables égyptiens ont dit à Reuters que les entretiens indirects entre le Hamas et Israël « ont été bloqués après que trois journées de négociations intenses n'ont pas eu de résultat durable » et qu'on peut « blâmer Israël de n'avoir pas eu de véritable intention d'atteindre un accord ».

Plus tôt cette semaine, « un ancien haut fonctionnaire égyptien » resté anonyme « et bien au fait des négociations »a expliqué au Washington Post que « Netanyahou ne veut pas la paix. C'est tout. »

L'homme a ajouté que Netanyahu « trouvera des excuses (...) pour prolonger cette guerre » jusqu'aux élections, dans lesquelles le candidat républicain et ancien président Donald Trump, qui a été légèrement blessé samedi après que des coups de feu ont éclaté lors d'un meeting de campagne, pourrait bien être élu pour un second mandat. Quelle que soit la motivation de Netanyahou, les responsables fonctionnaires israéliens de la défense ont dit dans le journal Haaretz que le Premier ministre « avait torpillé à de multiples reprises » la progression vers un arrangement avec le Hamas en vue de libérer les captifs restants toujours détenus à Gaza depuis le 7 octobre.

Ces responsables ont encore dit que « dans sa tentative en vue de faire capoter les négociations, Netanyahou s'était appuyé sur des renseignements classifiés et qu'il avait manipulé des informations sensibles ».

Ces derniers jours, un haut responsable resté anonyme lui aussi a dit dans des médias en langue hébraïque que la nouvelle exigence de Netanyahou en vue de mettre au point « un mécanisme destiné à empêcher le mouvement d'agents armés » à Gaza menaçait de faire capoter un arrangement.

« Nous en sommes à l'heure de vérité pour les otages », a dit ce responsable aux infos Channel 12. « Nous pouvons atteindre un accord d'ici deux semaines et ramener les otages à la maison. »

Mais la nouvelle exigence de Netanyahou « va bloquer les négociations pendant des semaines et il se pourrait qu'on ne puisse ramener personne à la maison», a ajouté le responsable.

Les E.U. reprennent les expéditions d'armes

Jeudi, au moment où le président américain Joe Biden disait qu'il était « déterminé à conclure cet accord et à mettre un terme à cette guerre, qui devrait se terminer maintenant », son conseiller en sécurité nationale, Jake Sullivan, expliquait aux journalistes qu'« il y a encore des milles à parcourir avant de conclure, en admettant que nous soyons en mesure de conclure » sur un accord.

Puisque les E.U. ne mettent aucune véritable pression sur Israël et qu'ils continuent de lui fournir des armes, de nouveaux massacres de Palestiniens à Gaza sont pratiquement garantis

Les E.U. ont dit ces derniers jours qu'ils allaient reprendre les expéditions de bombes de 500 livres à Israël après avoir suspendu un certain temps, en mai, le transfert de ces armes et d'autres munitions de 2 000 livres afin de dissuader une offensive majeure à Rafah, dans le sud de Gaza, laquelle s'est poursuivie de toute façon.

L'organisation de contrôle des droits humains, DAWN, qui est installée à Washington, a déclaré que
« la levée partielle d'une seule et unique suspension d'envoi de munitions à l'armée israélienne, face à la preuve on ne peut plus accablante de crimes de guerre, constitue un délit criminel, dans le cadre des lois internationales ».
La directeur des activités juridiques de l'organisation a invité la Cour pénale internationale à enquêter sur les responsables américains quant à leur complicité dans « les atrocités génocidaires à Gaza ».

Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale, a annoncé en mai qu'il demandait des mandats d'arrêt pour Netanyahou et son ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que pour les dirigeants du Hamas Muhammad Deif, Yahya Sinwar et Ismail Haniyeh.

Source : The Electronic Intifada - 14 juillet 2024

Traduction : Jean-Marie Flémal