vendredi 30 juin 2023

 ((Et pendant ce temps l'Angleterre retourne à l'époque des seigneurs et du servage selon une méthode menée tambour battant par les représentants de la bourgeoisie. note de rené)


Allemagne : L’AfD gagne car le parti est clairement opposé à la guerre en Ukraine

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par Edouard Husson

Très peu de commentateurs osent le dire depuis que l’Alternative für Deutschland (AfD) a remporté une élection locale dimanche 25 juin en Thuringe. Le motif le plus profond du parti de la droite conservatrice et patriote dans les suffrages est son opposition, depuis le début, à la guerre d’Ukraine. Sur l’échiquier politique allemand, seule la Gauche (Die Linke) se rapproche un peu de l’AfD sur le sujet, mais avec des divisions internes assez marquées.

Dimanche 25 juin 2023, Robert Sesselmann, un candidat de l’AfD, l’Alternative für Deutschland, a gagné, à Sonneberg, à la frontière de la Thuringe et de la Bavière, une des rares élections qui se joue au scrutin uninominal en Allemagne, pour élire les conseillers de district.

L’extrême-droite de retour en Allemagne ?

Une élection à la majorité absolue au second tour. Mais après un premier tour à presque 47% ! À ce premier tour, les Verts avaient été éliminés et le SPD faisait presque quatre fois moins que l’AfD :

Pour utiliser le langage de la bien-pensance, il y a bien eu un «front républicain». Mais cela n’a pas suffi pour faire élire le candidat opposé à Sesselmann, représentant la CDU, le parti de Helmut Kohl et d’Angela Merkel.

Je précise tout de suite que je suis, dans la plupart des pays, assez indifférent au label «extrême-droite» mis sur le moindre parti de droite un peu conservateur. En revanche, je me suis toujours senti mal à l’aise avec une partie de l’AfD. En particulier, c’est en Thuringe que se trouve, l’un des cadres les moins recommandables du parti, de mon point de vue : Björn Höcke, chef du parti dans le Land et membre du parlement régional de Thuringe, qui fait régulièrement parler de lui avec des déclarations provocatrices sur le passé nazi. Par exemple quand il a traité le Mémorial de l’Holocauste, à Berlin, comme un «monument de la honte».

L’AfD avait commencé comme un parti situé à la droite de la CDU et reprochant au gouvernement de Angela Merkel d’avoir accepté, depuis 2012 une gestion de l’euro non conforme au traité de Maastricht ni au pacte de stabilité. C’était un parti fondé par des professeurs d’universités. Ils ont rapidement été dépassés lorsqu’après avoir dépassé la barre des 5% aux élections européennes de 2014, le parti a commencé à attirer militants et cadres. En ouvrant les frontières totalement à plus d’un million de réfugiés et migrants, fin 2015, Angela Merkel contribua à faire monter le parti. En 2017, c’est largement l’AfD qui empêcha Angela Merkel de gouverner avec qui elle voulait – elle dut reconduire la Grande Coalition CDU-SPD, pourtant rejetée par les électeurs.

Avec le succès vint l’afflux de militants et la nécessité de s’organiser rapidement. C’est là que le parti, qui reprochait à Angela Merkel, son ouverture des frontières fut lui-même peu regardant sur qui le rejoignait. L’AfD ne refusa pas certains militants néo-nazis ou des profils du type de Björn Höcke.

Comment la guerre d’Ukraine à relancé le parti

À partir de là, le parti stagna. D’abord parce que les petites phrases provocatrices de tel ou tel sur le passé nazi ont détourné une partie des électeurs. Ensuite, parce que le parti se rallia à l’idée d’un Dexit, d’une sortie de l’Union européenne, cause perdue en Allemagne. Enfin parce que le parti était incapable de surmonter la différence entre son audience dans l’ancienne RDA (supérieure partout à 20%) et dans les Länder de la vieille République fédérale, à l’ouest (n’arrivant pas à passer la barre des 10%).

C’est la guerre d’Ukraine qui a relancé le parti. Regardons comme Robert Sesselmann a fait campagne. Il a dénoncé l’inflation, la montée des prix de l’énergie, le programme de «transition énergétique» de la coalition au pouvoir. Le plus caractéristique, dans cette élection, c’est que nous sommes dans une région prospère économiquement, où le chômage est à 5%. C’est aussi une région où il y a très peu de populations d’origine étrangère. Le moteur de l’élection, c’est le mécontentement face à la coalition au pouvoir. Le refus du programme dit du «feu de circulation» – rouge-jaune- vert, selon les couleurs des partis au gouvernement.  

En lisant tous les commentaires, lundi 26 et mardi 27 juin, j’ai été frappé par la tendance à minimiser ou passer sous silence, chez la plupart des observateurs, le premier motif de vote pour l’AfD actuellement : le rejet du soutien allemand à la guerre d’Ukraine. Seul ce facteur permet de comprendre que l’AfD soit passée, dans les sondages, de 10/12% à 18/ 20% en moyenne nationale ; avec plus du tiers des intentions de vote dans l’ancienne Allemagne de l’Est.

Nous touchons là au tabou de la politique allemande actuelle : la population est majoritairement en faveur d’une retenue de l’Allemagne, qui ne devrait pas prendre parti. Les Allemands souhaitent, à plus de 70%, l’engagement de négociations de paix.

La position officielle de l’AfD sur le sujet de la guerre d’Ukraine

Pourquoi l’AfD profite-t-elle de ce climat ? Pour le comprendre, il suffit de se reporter à la résolution du groupe au Bundestag, publiée au mois de juillet 2022 :  

«La guerre contre l’Ukraine est une guerre d’agression de la Russie, contraire au droit international, que nous condamnons fermement.

Nous portons le deuil avec les familles des soldats tombés et des victimes civiles des deux côtés.

Le groupe parlementaire de l’AfD exige du président russe un arrêt immédiat des combats et s’engage fermement pour un cessez-le-feu immédiat ainsi que pour l’envoi d’une force de maintien de la paix ONU/OSCE en Ukraine.

Nous soutenons les pays frontaliers qui accueillent un très grand nombre de réfugiés ukrainiens, ainsi que les organisations humanitaires actives sur place, comme la Croix-Rouge. Nous sommes favorables à l’accueil temporaire des réfugiés de guerre ukrainiens, à condition qu’il s’agisse de citoyens ukrainiens.

Nous refusons l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN.

Les sanctions économiques doivent être rejetées. Nous sommes favorables à des sanctions contre les responsables et les partisans de la guerre d’agression.

La livraison d’armes dans des régions en crise ou en guerre doit être rejetée par principe, car elle contribue à l’escalade. Une décision d’une telle importance devrait être réservée au Bundestag par un vote nominal.

Le tournant énergétique des partis établis, avec l’abandon simultané du charbon et du nucléaire, nous a rendus dépendants et vulnérables. Nous tenons à Nord Stream II, car ce gazoduc est une contribution essentielle à un approvisionnement énergétique fiable, sûr et bon marché de l’Allemagne. Nous demandons le retour à l’énergie nucléaire et la poursuite de l’exploitation des centrales à charbon modernes.

Nous demandons aux partis politiques, à toutes les forces sociales et aux médias de lutter résolument contre les discriminations croissantes à l’égard des concitoyens russophones».

J’ai cité le texte en entier parce que, sur chacune de ses formulations, il est susceptible de rassembler plus de 50% des Allemands.

Un parti qui lutte contre la russophobie est obligé de rejeter radicalement le nazisme

Évidemment, pour avoir publié un tel texte, le parti a été qualifié de «pro-Poutine». La position sur la guerre en Ukraine a justifié la prolongation de la mise sous surveillance du parti par le renseignement intérieur allemand. L’AfD a sans doute aggravé son cas en obligeant le Bundestag à débattre d’une résolution de paix en février 2023.

Le parti sera-t-il – pour le meilleur – dépassé par la cause qu’il défend ? Un Allemand qui dénonce la russophobie ne peut pas continuer à jouer avec le passé nazi. Faut-il rappeler que le régime nazi a causé la mort de 14 millions de civils en URSS occupée (dont 2 millions de juifs soviétiques) ? Que l’armée allemande a pratiqué un génocide en exterminant 3,7 millions de soldats soviétiques en captivité, par famine délibérée ou par mauvais traitements ?

En tout cas, on assiste à un glissement de terrain dans la politique allemande. L’AfD a dépassé les trois partis de la coalition pris individuellement dans tous les sondages. La CDU n’arrive pas à franchir la barre des 30%, en profitant du mécontentement de la population contre la coalition au pouvoir. L’alignement des chrétiens-démocrates sur le gouvernement en matière de soutien à l’Ukraine et de livraison d’armes est évidemment un facteur décisif.

source : Stratpol

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