sommet ocs à Samarkand
Le ministre des Affaires étrangères iranien, qui a assisté à la conférence de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarcande, en Ouzbékistan, a signé, le 15 septembre dernier, des documents d'adhésion clefs afin d'officialiser son entrée dans l'organe de sécurité eurasien dirigé par la Chine et la Russie. 

Or, l'Organisation de coopération de Shanghai comprend huit États : la République populaire de Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan, l'Inde et le Pakistan. C'est ainsi que l'Iran a dorénavant pris des mesures pour devenir membre à part entière, ce qui pourrait être acté dans un laps de temps assez court. 

Hormis les deux pays d'Asie du Sud, l'OCS ressemble de plus en plus aux khanats mongols de la période médiévale dans son étendue géographique. Dans les années 1200-1300, les Mongols occupaient la Chine, l'Iran et les terres d'Asie centrale, ils ont soumis l'État de Moscovie devenu leur vassal. 

Pour l'heure, l'Iran et la Russie font l'objet de sanctions financières sévères imposées par les États-Unis et leurs alliés européens. Quant à la Chine, elle a également été menacée de sanctions pour avoir refusé de rompre ses liens avec ces deux pays. 

Pour autant, il ne s'agit pas uniquement d'« un mariage d'intérêt », note la chercheuse Alice Ekman, analyste responsable de l'Asie à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EUISS), citée par le magazine Géo.
« Il existe beaucoup de points de convergence » entre eux. «La Chine a une lecture assez convergente avec celle de la Russie sur les tensions avec les États-Unis, avec l'OTAN, et ce qu'il considère "l'Occident" au sens large », estime-t-elle. « Ce n'est pas un bloc bien défini, mais on est clairement dans une polarisation du monde. »
Bien que les membres de l'OCS organisent des exercices militaires conjoints, ils ne sont pas vraiment des alliés dans le sens où ils ne se sont pas engagés à se venir en aide en cas d'attaque. L'OCS n'est donc pas une sorte d'OTAN. Elle n'est pas non plus universellement anti-américaine. Le Pakistan est depuis longtemps un allié des États-Unis et les relations de l'Inde avec Washington se sont réchauffées. La plupart des pays en 
« stan » d'Asie centrale entretiennent également de bonnes relations avec les États-Unis. 

Le bloc Russie-Chine-Iran au sein du Conseil de coopération de Shanghai, cependant, apparaît comme un challenger face aux tentatives d'hégémonie américaines. 

Dans ce contexte, le ministre des Affaires étrangères iranien Hossein Amir-Abdollahian a tweeté :
« Ce soir, dans la ville historique de Samarcande, j'ai signé avec le Secrétaire général le protocole d'engagement conduisant à l'adhésion permanente de la République islamique d'Iran à l'Organisation de coopération de Shanghai. Nous sommes maintenant entrés dans une nouvelle étape de diverses coopérations économiques, commerciales, de transit, énergétiques, etc. »
De son côté, le Secrétaire général de l'organisation, M. Zhang Ming, a félicité l'Iran pour son adhésion permanente et la signature du document et l'a qualifié de développement important. 

La BBC souligne que la télévision d'État russe a consacré beaucoup de temps d'antenne à la réunion de l'Organisation de coopération de Shanghai en Ouzbékistan. Le présentateur russe a d'ailleurs salué l'adhésion de l'Iran à l'organisme , présenté comme une coalition d'États pour qui les États-Unis sont une « menace existentielle ». Cette affirmation mériterait d'être nuancée : ni l'Inde ni le Pakistan ni la plupart des pays d'Asie centrale ne voient les États-Unis sous cet angle. 

Par ailleurs, des personnalités de la télévision russe ont également exprimé leur gratitude à l'Iran pour avoir expédié des drones en Russie pour une utilisation dans la guerre d'Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine a rencontré le président iranien Ibrahim Raisi en marge du sommet. Lequel a souligné le caractère « stratégique » des relations avec la Russie, ajoutant que « la volonté de l'Iran est de développer des relations stratégiques avec la Russie dans tous les domaines politiques, économiques, commerciaux, aériens et spatiaux »

Selon l'agence de presse Fars, Ibrahim Raisi a aussi déclaré :
« La République islamique d'Iran n'accepte en aucune façon les sanctions contre la Russie et nous ne reconnaissons pas ces sanctions. Nous développerons et renforcerons nos relations commerciales et économiques avec la Russie. Relier les pays sanctionnés par les États-Unis les uns aux autres peut résoudre de nombreux problèmes et les rendre encore plus forts de jour en jour. »
Dans le même temps - hasard du calendrier ou relation de cause à effet -, Téhéran a reculé à la dernière minute alors qu'il était proche d'un accord avec Washington sur ses activités atomiques. Pour mémoire, il s'agissait d'amener la République islamique d'Iran à restreindre drastiquement ses activités nucléaires controversées en échange d'une levée des sanctions américaines à son encontre, afin d'obtenir le retour des deux États dans le cadre de l'accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), signé en 2015 par l'Iran et les grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne). 

Nous assistons bien à ce qu'Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Securité en Europe (IPSE), appelle une « "orientalisation" des relations internationales ». Autre preuve que les cartes bougent autour de l'OCS : la Turquie d'Erdoğan, pourtant membre de l'OTAN, a officiellement demandé son adhésion.