« Ils ne nous protègent pas, ils nous violent. » Les Mexicaines contre les violences policières.
source : Révolution Permanente
vendredi 30 août
La semaine dernière, plusieurs milliers de personnes ont pris les rues de Mexico afin de manifester contre les nombreux viols commis par la police. Une colère qui se fait sentir depuis bien longtemps, mais dont les autorités responsables ne veulent rien savoir.
Les tendances violentes de la police envers les femmes sont malheureusement bien connues des habitantes de Mexico. Cependant, ces dernières semaines, de nombreuses femmes ont eu l’occasion de faire part de leurs histoires, témoignant de viols commis par des agents de police. La publication de ces témoignages a déclenché une véritable explosion de colère, grandissante depuis plusieurs années déjà, contre les violences faites aux femmes.
La première agression date du 3 août, tôt le matin. Alors qu’une jeune femme de 17 ans rentre chez elle, elle est interpellée par une patrouille de police et violée par les agents. Quelques jours plus tard, un autre témoignage : une jeune fille de 16 ans a été agressée sexuellement par un policier dans les toilettes du musée de la photographie. Un troisième témoignage s’est rapidement fait connaître, celui d’une jeune femme elle aussi violée par des policiers. Suite à la publication de ces témoignages, la famille de l’une de ces jeunes filles a été menacée par la police.
Les policiers responsables de ces viols sont toujours libres
Depuis le début du mois de juillet, lorsque la police de Mexico a vu ses effectifs augmenter de 50 % et que 3 000.officiers de la Garde Nationale ont été déployés dans la ville, la violence et les féminicides n’ont fait qu’augmenter. La police et l’armée, non contentes de tuer, kidnapper et violer des femmes, sont complices des réseaux de trafic locaux et font régulièrement usage de violences sexuelles envers les femmes militantes. En 2006, plus de 23 femmes ont été agressées sexuellement et torturées par la police, à Atenco. Les coupables n’ont jamais été condamnés.
Si les violences sexuelles de la police sont connues depuis longtemps, ces affaires ont entraîné un véritable mouvement d’indignation populaire, accompagné de manifestations spontanées. Les manifestantes ont notamment critiqué l’état et le Secrétariat à la Sécurité pour son inaction, en utilisant le hashtag #NoNosCuidanNosViolan (« Ils ne nous protègent pas, ils nous violent. »)
Le 12 août, lors d’une manifestation devant le bureau du procureur général, les manifestantes ont couvert le secrétaire à la sécurité Jesús Orta de paillettes roses alors qu’il tentait de s’adresser à la presse. Le gouvernement s’est empressé de condamner l’action, alors qu’il n’avait même pas encore condamné les viols. Claudia Sheinbaum, chef du gouvernement de la ville de Mexico et membre du Mouvement de régénération nationale, parti du président Andrés Manuel López Obrador, a même osé dire que ce mouvement contre la torture sexuelle était « une provocation visant a lui faire utiliser la force » afin de violemment réprimer les manifestants.
Le 16 août, plusieurs milliers de femmes se sont réunies au rond-point Glorieta de los Insurgentes pour condamner cette déclaration. De nombreuses autres manifestations ont rapidement suivi dans tous les autres états du Mexique. Lors de la manifestation à Mexico, certaines ont brisé les fenêtres du commissariat de police et tagué le Monument de l’Indépendance, l’un des symboles de la capitale.
Passant totalement outre la mobilisation de plusieurs milliers de femmes qui exprimaient leur colère contre les violences sexuelles et misogynes, responsables de la mort de neuf femmes par jour, les médias nationaux ont préféré évoquer les vitrines brisées et les murs tagués, participant par la à la criminalisation du mouvement voulue par Sheinbaum. Enfin, pour tenter de calmer le jeu, cette dernière a ensuite organisé une rencontre avec de prétendues féministes triées sur le volet, dont toutes étaient favorables au gouvernement, afin de négocier à l’abri des regards. En a résulté la promesse de créer des ateliers au sujet des violences de genre et l’abandon des poursuites pour les militantes ayant pris part aux manifestations. Pas un mot au sujet des coupables, ni même la promesse de poursuites judiciaires pour ces derniers.
Ces manifestations prennent place dans un contexte tendu, alors que la garde nationale a été déployée dans tout le pays, tout particulièrement dans la périphérie de Mexico. Le gouvernement local est également confronté à des manifestations de la part des fonctionnaires, dont 60 % sont des femmes, victimes d’une vague de licenciements. Malgré tout, le président Lopez Obrador est toujours soutenu par une large partie de la population, qui reste convaincue que ce dernier mettra en place les réformes progressistes qu’il avait promises lors de sa campagne. Ces licenciements, tout comme l’augmentation des effectifs de la police, sont eux aussi un problème de genre : en effet, les licenciements dans la fonction publique mexicaine touchent les femmes de manière disproportionnée, alors que les effectifs grandissants de la police ne résulteront qu’en toujours plus d’agressions de leur part.
Alors que certains secteurs mobilisés se joignent entre eux, d’autres s’y refusent. Les positions des organisations impliquées sont loin d’être homogènes. Nombre de manifestantes viennent de milieux très différents. Pris dans le feu de l’action, les manifestantes n’ont pas eu le temps de créer des espaces de discussions démocratiques pour décider des mots d’ordres du mouvement. Certains pensent pouvoir négocier avec le gouvernement et préconisent la participation aux ateliers mis en place pour les corps répressifs de l’état : la police, l’armée, la garde nationale. D’autres, comme Pan Y Rosas, le collectif féministe socialiste dont je fais partie, disent que l’on ne peut faire confiance au gouvernement et que les manifestations doivent continuer. Pan Y Rosas affirme que la police ne peut pas être réformée, qu’ils ont démontré encore et encore qu’ils étaient du côté des capitalistes, fermement opposés aux secteurs exploités de la société. Nous croyons en la création d’un mouvement rassemblant des milliers de femmes dans la rue, indépendant du gouvernement et des institutions de l’État et des partis politiques institutionnels, organisé dans les lieux de travail, dans les écoles, en alliance avec les travailleurs et la jeunesse. Un tel mouvement pourrait être véritablement en mesure de se confronter à la violence de l’État et de demander non seulement la condamnation des agresseurs, mais également la démilitarisation du pays.
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