En lisière des parcs du Gabon, la lutte contre le réchauffement climatique ne convainc pas
(Libreville) Sur la route qui longe le parc national d’Akanda, à quelques kilomètres du centre de la capitale gabonaise Libreville, où il se rend chaque matin au travail, un habitant observe, presque hostile, les arbres immenses qui le surplombent.
« J’habite ici depuis deux ans, je peux vous dire qu’il n’y a pas de courant, pas d’eau », grommelle l’employé de banque qui préfère ne pas donner son nom.
En tenue de ville sur la route de terre, il résume la relation ambiguë qu’il entretient avec la forêt : « La verdure qui recouvre le Gabon, c’est une fierté nationale, mais on ne peut pas être fier et vivre sans toit ».
Alors que la Norvège a annoncé une semaine plus tôt d’accorder au Gabon un contrat d’une valeur de 150 millions de dollars pour la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, la lutte contre le réchauffement climatique ne provoque pas exactement l’enthousiasme des populations locales.
« On respire mieux », reconnaît Luc Boudzanga. Mais ce cuisinier à la retraite ne touche pas de pension et dépend de l’agriculture sur des terres normalement protégées pour se nourrir.
« Nous mangeons grâce à la forêt, comment allons-nous survivre ? », se demande-t-il avant de repartir le long du parc protégé, machette à la main.
Jeu d’équilibriste
Ce dilemme de la population, et la volonté d’exploiter les forêts ainsi que les minerais qu’elles recouvrent, poussent le gouvernement à un jeu d’équilibriste, pour rassurer à la fois les écologistes, les industriels et les populations.
Dans un pays recouvert à près de 90 % par la forêt, « il n’y a presque pas besoin de lutter contre la déforestation », explique à l’AFP le ministre des forêts, Lee White, depuis New York, où a été annoncé le contrat norvégien.
Un message étonnant venant de l’ancien directeur des parcs nationaux, qui prône désormais à la fois une responsabilisation des exploitants forestiers, qui produisent selon lui 80 % du CO2 émis par le Gabon, et une réautorisation de l’exploitation de bois rares comme le kevazingo en 2020 ou en 2021.
Pour lui, l’accord avec la Norvège vient surtout récompenser les efforts déjà produits par le petit pays d’Afrique centrale, notamment avec un code forestier plus rigide pour les exploitants.
Une partie de l’opposition et de la presse a critiqué l’annonce en fanfare de ce contrat, alors que les bénéfices de financements précédents sont parfois durs à observer sur le terrain.
Des critiques qui ne sont pas du goût du ministre.
« Avec des financements internationaux, l’argent met toujours du temps à arriver », affirme-t-il.
Quant aux prochains efforts du Gabon sur les émissions de carbone, « nous allons éliminer l’exploitation forestière illégale », affirme-t-il.
Surveillance spatiale
Pour lutter contre les industries illégales, le Gabon se repose entre autres sur l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiale (Ageos).
Depuis 2015, sa parabole reliée à des satellites de plusieurs agences spatiales assure notamment le suivi du couvert forestier du Gabon.
À son lancement, l’agence a pu « superposer toutes les couches des permis, forestiers, miniers et agricoles », explique à l’AFP Aboubakar Mambimba, son directeur général adjoint.
Selon lui, des zones qui auraient dû être protégées étaient également incluses dans un, voire plusieurs contrats à la fois.
Depuis, l’équipe de l’Ageos scrute les images du pays prises de l’espace pour détecter des dangers pour l’environnement. Sur une photo de la forêt prise du ciel, de jeunes géographes ont accentué d’un rouge accusateur des incursions de forestiers en dehors des zones d’exploitation auxquelles ils ont droit, et qui changent année après année.
« Nous transmettons ces informations au ministère des Forêts, qui peut agir. Sans cela, ces zones sont dures d’accès pour les autorités », explique une des géographes.
Symbole du paradoxe gabonais : l’Ageos a planté sa parabole au milieu de la zone économique spéciale de Nkok, à 30 km de Libreville, où de nombreux groupes forestiers se sont installés.
Selon M. Mambimba, les voisins se sont rencontrés. « Ils n’ont pas de problème avec nous et sont plutôt contents de pouvoir compter sur des normes claires », affirme-t-il, avant d’ajouter après réflexion : « Tant qu’ils n’ont pas plus de taxes à payer ».
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