lundi 2 septembre 2019

(N'oublions pas les multinationales de l'agro-alimentaire. Des plaintes contre mosanto à venir ? note de rené)

Propriétaires terriens, industriels, ministre corrompu : qui sont les pyromanes de l’Amazonie brésilienne

Publié par wikistrike.com sur 2 Septembre 2019, 08:23am
Propriétaires terriens, industriels, ministre corrompu : qui sont les pyromanes de l’Amazonie brésilienne
Photo satellite de la Nasa, prise le 11 août 2019. En violet au centre : la route BR163 dans la zone de Novo Progresso (Pará). Les points rouges, marqués par l’Institut brésilien de recherche spatiale, représentent les départs de feux.
Photo satellite de la Nasa, prise le 11 août 2019. En violet au centre : la route BR163 dans la zone de Novo Progresso (Pará). Les points rouges, marqués par l’Institut brésilien de recherche spatiale, représentent les départs de feux.
Plusieurs incendies qui consument une partie de l’Amazonie ont été revendiqués par de gros propriétaires terriens brésiliens, en soutien à Bolsonaro et à leur « droit » à détruire la forêt. Une situation facilitée par les attaques contre les défenseurs de l’environnement, encouragées depuis la prise de pouvoir du dirigeant d’extrême-droite. Mais aussi par les clients achetant viandes et soja brésilien, dont la France. Décryptage.
Ils se sont coordonnés sur l’application Whatsapp pour mettre le feu à la forêt amazonienne. Dans l’État brésilien du Pará, 70 « fazendeiros » – des propriétaires terriens –, et des « grileiros » – des personnes spécialisées dans la falsification de titres de propriété pour s’accaparer illégalement des terres –, ont organisé, le 10 août, un « dia de fogo », un jour de feu. Ces incendies criminels ont été provoqués tout le long de la route BR 163, qui traverse cette partie de l’Amazonie, reliant les grands élevages et plantations plus au sud aux ports de matières premières situés sur les affluents de l’Amazone.
« Un énorme incendie a démarré autour d’une zone de forêt primaire. Le feu a été stratégiquement déclenché près de la forêt, pour que le vent pousse les flammes », décrivent les journalistes du site brésilien Globo Rural, qui ont révélé l’information. L’objectif des fazendeiros : manifester leur soutien au président brésilien Jair Bolsonaro – qui prône l’ouverture de larges zones de l’Amazonie à l’industrie minière ou à l’agrobusiness – et obtenir l’annulation de leurs amendes pour déforestation illégale.

Les alertes du ministère public ignorées

Des incendies similaires se sont déclenchés ailleurs, dans ces « zones frontières », le « front de la déforestation », là où l’industrie du bois, les gigantesques exploitations agricoles ou les compagnies minières grignotent inlassablement la forêt amazonienne, dévastant les territoires où vivent les communautés autochtones et la biodiversité. Le résultat a dépassé toutes les espérances des pyromanes : « Les satellites montrent d’énormes colonnes de fumée qui émanent de ces zones de frontières agricoles, telles que Novo Progresso, la région de Terra do Meio, dans l’état du Pará, et le sud-est de l’État d’Amazonas », explique Douglas Morton, responsable d’un laboratoire de recherche à la Nasa [1].
Selon le scientifique, la densité des colonnes de fumées repérées par les photos satellites s’expliquerait par l’utilisation importante de carburants, aspergés dans les zones de départ de feux, dans le but de créer un incendie assez puissant pour se propager dans la forêt tropicale humide. Une dizaine de jours plus tard, les image de la forêt amazonienne en flammes font le tour du monde, suscitant une grande émotion, provoquant même un incident diplomatique entre le président français Emmanuel Macron et son homologue brésilien.
Les autorités brésiliennes étaient au courant de la préparation de ce « jour de feu », révèlent également les journalistes de Globo Rural. Le 7 août, soit trois jours avant son déclenchement, le ministère public fédéral – les magistrats qui agissent au nom de l’État fédéral – alerte les services du ministère de l’Environnement : « La manifestation des producteurs ruraux, si elle est réalisée, entraînera de graves violations de l’environnement pouvant même échapper à tout contrôle et empêcher l’identification de leur responsabilité individuelle et collective », prévient l’institution. Le responsable local de l’Ibama, l’équivalent de l’Office national des forêts, leur répond qu’ils ne sont pas en mesure d’intervenir, à cause de trop grands « risques pour la sécurité » de leurs équipes sur le terrain. Les inspecteurs de l’Ibama ont d’ailleurs demandé « l’appui de forces de sécurité nationale » pour se rendre sur place [2]. La demande a été ignorée par le ministre de la Justice, Sergio Moro. Rien ne sera donc fait pour empêcher les pyromanes de passer à l’action.

Ricardo Salles, ministre de la lutte contrel’environnement

Est-ce bien étonnant au regard de la politique menée par le président Jair Bolsonaro, et au vu du profil de son très controversé ministre de l’Environnement, Ricardo Salles ? Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en huit mois, le gouvernement Bolsonaro a amputé les administrations et institutions environnementales de leurs budgets en matière de prévention et de lutte contre les crimes écologiques. L’Ibama, en charge de la surveillance des forêts, a ainsi subi une coupe de plus d’un tiers de son budget. Les amendes délivrés aux responsables de déforestation illégale ont chuté d’un quart. L’Institut Chico Mendes, en charge de la conservation de la biodiversité, a également perdu 20 % de ses financements pour ses actions visant à combattre les incendies. Le 29 août, Jair Bolsonaro a signé un décret interdisant les brûlis – le fait de brûler broussailles et végétations sur des zones destinée à être cultivées – pendant deux mois. Reste à voir si l’administration brésilienne sera en mesure de le faire respecter.

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