Le casse du siècle : l'énorme fraude fiscale à 55 milliards d'euros des "CumEx"
L'énorme fraude fiscale baptisée "cum ex", révélée en Allemagne, a coûté 55 milliards d'euros à une dizaine de pays européens, soit bien plus que les évaluations initiales, affirment 19 médias, dont Le Monde, jeudi dans une enquête conjointe.
Jusqu'à présent, circulaient uniquement les estimations des sommes extorquées au fisc allemand, allant d'environ 5,3 milliards selon le ministère allemand des Finances à 30 milliards d'euros selon la presse.
| Lire : "CumEx Files" : l'histoire secrète du casse du siècle (in Le Monde)
Mais les investigations de 19 médias européens, dont Le Monde, concluent que le "cum ex" a coûté la somme pharamineuse de 55,2 milliards d'euros à 11 États (l'Allemagne, la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Nas, le Danemark, la Belgique, l'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suisse).
L'invention de ce montage litigieux est attribuée à un avocat allemand de renom, Hanno Berger.
Un avocat de renom qui mise sur les lacunes des lois fiscales
Dans son édition du 16 mars 2016, déjà, le quotidien allemand Handelsblatt, faisait le portrait de l'avocat, sous le titre "L'initiateur" brossant d'un trait le parcours trouble du personnage :
"Hanno Berger a commencé sa carrière au service des impôts de la Hesse. Il s'est ensuite rendu compte que les lacunes des lois fiscales rapportaient plus que la défense [la plaidoirie]. Aujourd'hui, il se sent persécuté par l'État."
La manipulation qu'il a élaborée consiste à acheter et revendre des actions autour du jour de versement du dividende, si vite que l'administration fiscale n'identifie plus le véritable propriétaire. La manipulation, qui nécessite l'entente de plusieurs investisseurs, permet de revendiquer plusieurs fois le remboursement du même impôt sur le dividende, lésant ainsi le fisc. (Voir l'infographie du Monde qui explique comment des investisseurs réussissent à ne pas payer d'impôts sur les dividendes.)
Une affaire d'évasion fiscale massive qui a éclaté en 2012
L'affaire a éclaté en 2012 en Allemagne, entraînant l'ouverture de six enquêtes pénales et la tenue prochaine d'un premier procès à Wiesbaden, dans l'ouest, visant Hanno Berger et plusieurs négociants en Bourse, notamment, expliquait Reuters en septembre dernier, cinq anciens traders de la HypoVereinsbank (HVB) accusés de fraude fiscale grave.
Des banques françaises seraient impliquées, notamment BNP Paribas et Société Générale, qui avaient fait l'objet de perquisitions de la justice allemande en 2014, selon Le Monde.
Les experts en fiscalité dénoncent depuis longtemps ces transactions "cum-ex" sur les dividendes comme une faille du système fiscal, mais les enquêteurs comme les procureurs (dont celui de Francfort), eux, se sont quasi tous accordés pour qualifier cette affaire comme étant de l'évasion fiscale massive.
Sur la foi "d'informations des autorités fiscales et d'analyses des données de marchés", l'enquête conjointe des 19 médias détaille désormais le préjudice supposé par pays.
17 milliards d'euros volés à la France
Pour l'Allemagne, l'enquête reprend la fourchette haute des estimations, soit 31,8 milliards d'euros extorqués au fil du temps, d'après les calculs déjà connus de Christoph Spengel, spécialiste de fiscalité à l'Université de Mannheim (jusqu'alors, le ministère des Finances allemand tablait sur un vol de 5,3 milliards d'euros).
L'escroquerie aurait aussi coûté "au moins:
- - 17 milliards d'euros" à la France,
- - 4,5 milliards à l'Italie,
- - 1,7 milliard au Danemark et
- - 201 millions d'euros à la Belgique.
De l'argent que ces États, en période de budget en berne, n'auraient pas dédaigné avoir à disposition, n'eût été les failles de leurs systèmes fiscaux.
(Avec Reuters)
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