mercredi 31 octobre 2018

Du rififi chez les néolibéraux : la vraie raison de l’hallali contre MBS (Arabie Saoudite)

Avec ce qui suit, on comprend mieux pourquoi l’Arabie Saoudite a passé commande de S-400 russes…

Par Whitney Webb
Paru sur MintPress News sous le titre The Real Reason the Knives are Out for MBS

Au milieu d’un chœur de condamnations dirigées contre son leadership à la suite du meurtre du journaliste controversé Jamal Khashoggi, le prince héritier Mohammed ben Salmane – connu sous le nom de MBS — a condamné mercredi le meurtre de Khashoggi en termes clairs, qualifiant l’acte de « crime odieux sans justification possible » et promettant de faire justice. La déclaration de MBS fait suite à des dizaines de condamnations médiatiques, dont la plupart avaient cité des sources anonymes des gouvernements turc et américain qui révélaient les détails horrifiants des derniers moments du journaliste et la tentative de ses assassins pour couvrir leurs traces.
Pourtant, bien que MBS puisse espérer que les appels internationaux à le destituer diminuent après sa récente déclaration et des accords apparents pris en coulisses, il se trompe probablement. En effet, une grande partie de l’indignation dirigée contre MBS pour son rôle présumé dans la mort de Khashoggi n’a pas grand-chose à voir avec le meurtre lui-même. En réalité, elle sert de prétexte pour exiger le remplacement de MBS par un prince héritier saoudien tyrannique plus « fiable ».
C’est parce que la véritable raison pour laquelle la hache de guerre a été déterrée contre MBS n’est pas un seul meurtre extrajudiciaire — une pratique dont les Saoudiens sont coutumiers depuis longtemps, et jusqu’ici en toute impunité — mais plutôt le fait que, dans les six semaines précédant le destin sordide de Khashoggi, MBS a non seulement réussi à se mettre à dos l’ensemble du complexe militaro-industriel américain, il a également mis en colère les plus grandes institutions financières du monde, dont Goldman Sachs et CitiGroup.
Dans un récent article sur l’affaire Khashoggi, MintPress avait expliqué en détail comment MBS avait mis en danger l’accord de ventes d’armes américaines de 110 milliards de dollars, que Trump se plaisait à présenter comme la preuve de sa valeur en tant que créateur d’emplois et « bon négociateur ». Cependant, loin d’être un contrat, le « deal » était surtout une compilation de lettres qui exprimaient un intérêt et de lettres d’intention. Plus d’un an après l’annonce de l’accord, il s’est avéré que MBS n’avait plus l’intention d’acheter la totalité des 110 milliards de dollars en armes, comme en a témoigné sa décision de laisser passer l’échéance de l’achat du système de missiles THAAD de Lockheed Martin, d’un coût de 15 milliards. Les Saoudiens ont laissé passer cette date limite le 30 septembre, deux jours seulement avant que Khashoggi n’entre dans le consulat saoudien à Istanbul pour n’en jamais ressortir.
De plus, il s’avère que — quelques semaines avant l’échéance de Lockheed Martin — MBS avait mis en danger une autre affaire, évaluée cette fois à plusieurs billions de dollars, et qui semble avoir été un facteur majeur dans son ascension rapide vers la position de prince héritier.

Qui a réellement couronné le prince ?

Déjà en 2015, les services de renseignements internationaux craignaient qu’une lutte de pouvoir imminente au sein de la famille royale saoudienne ne se fasse jour. L’inquiétude de certaines communautés du renseignement au sujet de l’ascension probable de MBS était si grande que l’agence de renseignement allemande, le BND avait rendu public un mémorandum qui dénonçait MBS en tant qu’influence déstabilisatrice responsable de la nouvelle « politique impulsive d’intervention » saoudienne. La note poursuivait en soulignant que MBS, alors à la tête du ministère saoudien de la Défense et d’un conseil économique destiné à réformer l’économie pétrolière du pays, cherchait à concentrer tout le pouvoir entre ses mains. Ce fait, mettait en garde le mémo, comportait le risque qu’en cherchant à s’établir dans la lignée de la succession du vivant de son père, il n’aille trop loin. Le mémo avait raison, bien sûr, mais il est tombé dans l’oreille de sourds.
Puis, en juin 2017, MBS a pris sa décision et destitué son prédécesseur Mohammed ben Nayef après des heures d’interrogatoire, de menaces et de torture présumée, devenant ainsi le nouveau prince héritier. Ben Nayef, assigné à résidence depuis plus d’un an, avait été un proche partenaire des États-Unis, en particulier de la CIA, qui lui avait décerné l’une de ses plus prestigieuses médailles. Comme Federico Pieraccini l’a récemment remarqué sur Strategic Culture, ben Nayef a longtemps été l’homme de confiance de la CIA en Arabie saoudite et l’avait aidée à financer Al-Qaïda et d’autres groupes wahhabites radicaux au prétexte de « contre-terrorisme », notamment en Syrie et dans d’autres pays de la région ciblés par l’empire américain.
Normalement, l’éviction d’un prince héritier allié à Washington, proche de la CIA, aurait dû ébranler l’establishment de Washington jusqu’à ses fondations. Pourtant, l’élite politique américaine ne s’est guère plainte de la spectaculaire montée en puissance de MBS. Au lieu de quoi, les États-Unis ont clairement soutenu son nouveau pouvoir, comme en témoigne l’appel du président Donald Trump à MBS pour « le féliciter de son élévation » le jour où il est devenu prince héritier. Les deux se sont ensuite promis « une coopération étroite » en matière de sécurité et d’économie. Certains analystes ont depuis émis l’hypothèse que le gouvernement américain avait en fait contribué à faciliter le coup d’État de MBS, étant donné que, quelques mois auparavant seulement, MBS — et non Ben Nayef — avait rencontré Trump à Washington.
Certains ont laissé entendre que de puissants intérêts financiers occidentaux étaient à l’origine de l’ascension de MBS, parce qu’il avait annoncé sa volonté de vendre des actifs de l’État saoudien lors d’un entretien accordé en janvier 2016 à une publication détenue par Rothschild, The Economist, un peu plus de six mois avant son accession à la succession du trône. L’interview avait clairement montré à l’élite internationale les bonnes dispositions de MBS envers des réformes néolibérales qui avaient été rejetées par tous les rois saoudiens précédents. En effet, emballé dans son programme de réforme économique connu sous le nom de « Vision 2030 », MBS avait offert à l’élite occidentale quelque chose qu’elle convoitait depuis longtemps mais n’avait jamais réussi à obtenir. Il avait accepté de privatiser des actifs détenus par l’État saoudien, y compris la plus grosse vache à lait de toutes — la compagnie pétrolière publique Aramco.

MBS – le « réformateur » qui n’en était pas un

Bien que les médias aient longtemps qualifié Vision 2030 « d’ambitieux plan de MBS visant à libérer l’économie saoudienne de sa dépendance au pétrole », le projet lui-même est en fait un plan de pillage pour des intérêts privés, et implique la néolibéralisation d’actifs de l’État saoudien. Parmi ses piliers figurent l’ouverture des marchés financiers saoudiens à Wall Street et la privatisation de l’essentiel du Royaume du Golfe, y compris la santé et, bien sûr, une partie d’Aramco.
Le fait que Vision 2030 soit essentiellement une liste de fantasmes néolibéraux ne devrait cependant pas être une bien grande surprise, étant donné que le plan était fondé sur un rapport publié en 2015par le McKinsey Global Institute, la branche de recherches du cabinet de consultants américain McKinsey & Company – le cabinet de consultants « le plus prestigieux » au monde, connu pour ses « solutions néolibérales à des problèmes du monde réel ».
Selon un article publié l’année dernière dans Foreign Policy, « McKinsey a cultivé des liens avec toute une génération de jeunes princes arabes épris de réformes économiques à l’occidentale, avec des résultats très mitigés ». Cela a été particulièrement vrai en Arabie Saoudite, où MBS a cultivé des liens encore plus étroits avec l’institut et s’y est fié, non seulement pour le projet Vision 2030, mais aussi pour le choix de son nouveau cabinet à la suite à son accession au poste de prince héritier, ainsi que pour une liste d’importants dissidents saoudiens qui ont ensuite été muselés.
De plus, l’influence de McKinsey va bien au-delà de l’institut lui-même, puisque ses anciens employés occupent des postes importants dans le monde des affaires ou au gouvernement des USA. Bien que l’ampleur de l’influence de McKinsey dans l’ascension de MBS au rang de prince héritier soit inconnue, il est certainement possible que l’institut ait utilisé son influence pour « lubrifier » l’accès de l’un de ses « jeunes princes arabes » à une autorité quasi absolue, et son adoption subséquente des réformes néolibérales qui avaient été impossibles à extorquer aux générations précédentes.
Vision 2030 avait certainement semblé valoir l’affection de l’élite internationale à MBS — et il semble que le nouveau prince héritier ait été ravi d’être sous les feux de la rampe, au moins pendant un certain temps. Cependant, la réalité a apparemment rattrapé MBS, et il a donc passé les derniers mois à chercher un moyen d’ajourner sine die la mise en œuvre du plan.
C’est devenu clair pour la première fois plus tôt cette année, à la suite de la spéculation de juillet selon laquelle l’introduction en bourse de Saudi Aramco — c’est-à-dire le début de la privatisation partielle de la compagnie pétrolière publique saoudienne par la vente d’actions – n’allait peut-être pas se concrétiser de sitôt. Puis, il a été annoncé fin août que l’ensemble de l’introduction en bourse serait suspendue. Bloomberg a qualifié ce changement de cap de « bouleversement le plus important des plans du prince Mohammed » et ajouté :
Plutôt que de marquer un tournant dans l’un des projets économiques les plus ambitieux de l’histoire, il [l’abandon de l’introduction en bourse d’Aramco] souligne maintenant l’imprévisibilité du pays sous la direction d’un jeune dirigeant qui a tout le pouvoir politique entre ses mains depuis qu’il est devenu de facto dirigeant, il y a un peu plus d’un an. »
Par conséquent, ce qui aurait été la plus importante introduction en bourse de l’histoire a été annuléedu jour au lendemain. Cette décision a certainement déçu Trump, qui avait personnellement fait pression sur MBS pour qu’Aramco entre à la Bourse de New York (NYSE), car cela lui aurait permis d’obtenir la plus grande introduction en bourse de son histoire. Cependant, la déception a été encore beaucoup plus grande pour les colossales institutions financières qui avaient travaillé d’arrache-pied pour assurer leur rôle dans l’opération – la Bank of America, Goldman Sachs et CitiGroup, entre autres. L’abandon de l’entrée en bourse signifiait en effet que tout leur travail sur l’opération avait été fait pour rien, puisque les banques ne sont généralement payées que lorsque ces opérations sont finalisées. En d’autres termes, la décision de MBS de suspendre indéfiniment l’introduction en bourse signifiait que les banques les plus puissantes et les plus liées à des politiciens de haut niveau avaient essentiellement travaillé gratis.
Il semble que MBS ait ressenti l’animosité qu’il avait provoquée dans certaines des institutions financières les plus puissantes du monde, étant donné que, quelques semaines plus tard, il a offert à Goldman Sachs, à la Bank of America et à CitiGroup un rôle important dans les nouveaux plans d’Aramco pour une prise de participation majoritaire dans la société pétrochimique saoudienne Saudi Basic Industries Corp (Sabic). Pour cet accord, Aramco avait envisagé de vendre des obligations dans le cadre de ce qui pouvait devenir la plus importante vente de titres de créances d’entreprise jamais réalisée. Toutefois, l’opération Aramco-Sabic, évaluée à 70 milliards de dollars, est encore nettement inférieure aux 100 milliards de dollars que l’introduction en bourse d’Aramco aurait apportés.
Plus important encore, l’accord démontre que MBS ne tenait pas les promesses de ses plans de privatisation, car le fait qu’une société publique (Aramco) achète une participation majoritaire dans une société privée saoudienne (Sabic) est tout le contraire de ce que MBS avait promis dans les mois précédant son accession au trône. En effet, comme Bloomberg l’avait noté à l’époque :
La vente d’obligations [d’Aramco] donnerait à l’Arabie saoudite une partie des bénéfices financiers d’une introduction en bourse, sans toutefois qu’elle ait à partager sa propriété avec des investisseurs internationaux — ou de révéler des informations que le royaume préfère garder privées. »
Ainsi, il semble bien que ce soit la privatisation d’Aramco qui ait effrayé MBS.
Bien au-delà de l’annulation de l’introduction en bourse elle-même, MBS a mis en danger d’autres parties du plan sur lesquelles ces puissants intérêts financiers comptaient depuis plus d’un an. Cela comprend le plan de Vision 2030 visant à faire passer le Fonds d’investissement public saoudien (FIP) — qui est géré par un groupe d’administrateurs de HSBC, de la Bank of America et par un ancien étudiant de CitiGroup Investment Banking — de ses actifs actuels de 230 milliards de dollars à un montant massif de 2 000 milliards. L’augmentation spectaculaire de sa taille ferait du FIP le premier fonds souverain au monde. Sans l’injection d’argent provenant de l’introduction en bourse d’Aramco dans le FIP, les médias ont mis en garde contre un « effet de cascade » sur l’économie américaine, y compris sur de grandes entreprises américaines comme Uber Technologies, puisque le FIP a beaucoup investi dans ces entreprises.
Depuis, des indices ont émergé selon lesquels MBS sait que ces puissantes banques sont toujours en colère, malgré ses efforts pour les apaiser. Le 5 octobre, quelques jours seulement après l’assassinat de Khashoggi, MBS a de nouveau promis une introduction en bourse d’Aramco dans quelques années, évaluée cette fois à 2 000 milliards de dollars. Cependant, les médias ont clairement indiquéque Goldman Sachs, CitiGroup et autres n’étaient pas convaincus par ses promesses.
En effet, l’ensemble de l’effort de privatisation étant maintenant mis en doute, il en va de même des investissements directs, estimés à 6 billions de dollars, qui étaient prévus par de puissants intérêts pour financer les plans de privatisation de Vision 2030. Ce chiffre pourrait certainement expliquer pourquoi tant de pressions ont été exercées contre MBS ces derniers temps à propos de Khashoggi. De fait, étant donné que les Saoudiens avaient massacré un autre écrivain dissident en 1979 dans le consulat du Liban, sans soulever l’indignation qui a suivi le meurtre de Khashoggi, on peut dire avec une quasi-certitude que l’indignation des élites face à ce dernier meurtre extrajudiciaire est moins motivée par les « droits de l’homme » que par des billions de dollars de capital.

Du rififi au paradis des néolibéraux

Bien qu’il soit impossible de connaître la raison exacte pour laquelle MBS s’est dérobé à ses plans autrefois dits « ambitieux » de privatiser le royaume, nous pouvons la deviner. En effet, il y a une raison pour laquelle les aînés de MBS dans la famille royale saoudienne ont toujours rejeté les réformes néolibérales et la privatisation de leur économie.
Un article de Foreign Policy en date de 2016 explique succinctement pourquoi les monarques saoudiens du passé ont évité les réformes « favorables à l’économie de marché » : les générations âgées de la Maison des Saoud « comprennent la fragilité d’une monarchie dont les fragiles piliers reposent sur l’adhésion des religieux conservateurs et d’une classe marchande hostile aux réformes libérales qui saperaient leurs privilèges. » Cependant, les Saoudiens sont beaucoup plus nombreux que les seuls « commerçants » à s’être habitués aux largesses de l’État saoudien, puisque la majoritéd’entre eux bénéficient de subventions de carburant, de prêts, de terrains gratuits et d’emplois dans le secteur public, entre autres avantages. En effet, la moitié de la population saoudienne vit actuellement d’aides sociales — des aides qui dépendent de la richesse de l’État saoudien et de ses revenus pétroliers — tandis que les deux tiers des Saoudiens travaillent dans le secteur public.
Bien sûr, partager les profits du pétrole avec des pillards et des requins de la finance — comme cela aurait été le cas avec une privatisation partielle de Saudi Aramco — réduirait considérablement les sommes que le gouvernement saoudien consacre chaque année aux programmes sociaux et aux emplois du secteur public. En particulier, Vision 2030 comprenait également des « programmes d’austérité » dans le cadre de sa mise en œuvre, notamment des augmentations d’impôts et une réduction significative des subventions de carburants accordées aux citoyens saoudiens.
Cependant, moins d’une semaine après la mise en œuvre d’une poignée de ces mesures d’austérité au début de l’année, le gouvernement saoudien les a rapidement assouplies en augmentant les salaires des fonctionnaires et en lançant un programme de relance économique, après une réaction publique « très négative ». Les efforts du gouvernement pour apaiser la colère causée par l’austérité n’ont pas suffi et le tollé a continué, forçant le gouvernement saoudien à congédier le ministre de l’eau du pays pour apaiser l’indignation, au moins en partie. La réaction féroce de l’opinion publique semble avoir fait comprendre à MBS que ses « réformes ambitieuses » pour privatiser l’Arabie saoudite ne seraient pas si faciles à mettre en œuvre, malgré les efforts qu’il déploierait indubitablement pour mater la dissidence.
Une autre indication de la raison pour laquelle MBS s’est retiré des plans de privatisation tient peut-être à ce qui est arrivé à d’autres pays lorsque leurs jeunes princes, champions des « réformes ambitieuses », avaient avalé les salades de McKinsey. Comme l’écrivait Salem Saif sur Jacobin, nombre de pays arabes qui avaient suivi l’institut McKinsey dans ses plans néolibéraux sont ensuite devenus « des épicentres du printemps arabe ». Le Bahreïn, l’Égypte, la Libye, le Yémen – tous ont été la proie de manifestations souvent animées par des griefs économiques.
En revanche, l’Arabie saoudite, avec ses actifs détenus et gérés par l’État, était restée largement à l’abri de ces soulèvements économiques dans l’ensemble du Moyen-Orient.
Cependant, à la suite de la réception hostile à ses plans de privatisations, MBS a appris à ses dépens que le fait d’être le chouchou néolibéral de l’Occident a un coût élevé, qui pourrait mettre en péril non seulement sa position de prince héritier, mais aussi celle de tout le gouvernement saoudien.

A la recherche d’un nouveau prince qui jouera le jeu

Suite à l’incident Khashoggi, plusieurs publications importantes ont rapporté que des efforts sont actuellement en cours pour remplacer MBS en tant que prince héritier. L’un de ces articles, paru dans Le Figaro (France), indique que MBS sera « progressivement » remplacé par son frère cadet Khalid ben Salmane, qui a récemment été ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington. Ce choix est significatif, car il démontre que les pouvoirs en place cherchent à faire remplacer MBS par un autre « jeune prince arabe » de tendance McKinsey, au lieu de l’ancien prince héritier Mohammed ben Nayef ou d’un autre ancien de la Maison des Saoud qui s’opposerait aux privatisations promises, mais non tenues de MBS.
Dans un éditorial du Washington Post, le soutien de Khalid ben Salmane au plan néolibéral Vision 2030 est clair. Il l’a qualifié de « plan global de diversification économique et de réforme sociale et culturelle » et a fait écho aux à son frère aîné en déclarant, « notre ancienne orientation n’était pas durable ». Au-delà de ses opinions en soutien à la politique saoudienne actuelle, y compris à la guerre génocidaire menée par les Saoudiens au Yémen, on sait peu de choses sur Khalid, qui a peu d’expérience politique étant donné son jeune âge et son temps passé dans la Royal Saudi Air Force, où il était pilote de chasse. Ce que nous savons, c’est qu’en sa qualité d’ambassadeur saoudien, Khalid ben Salmane a rencontré de puissants membres du Congrès des deux bords ainsi que des dirigeantsde Lockheed Martin, et cultivé des liens personnels durant son séjour aux USA.
Cependant, l’incident Khashoggi a porté les regards sur Khalid ben Salmane, parce qu’il avait personnellement rencontré Khashoggi à l’ambassade saoudienne de Washington au début 2018, au moment même où ce dernier créait Democracy for the Arab World Now (DAWN), un nouveau groupe de « promotion de la démocratie » ciblé sur le royaume. Selon des amis de Khashoggi qui ont parlé à NBC News, la réunion était décontractée et amicale, et a duré environ 30 minutes. Les sujets de discussion de la réunion sont encore inconnus.
MBS sera-t-il remplacé ? Cela reste certainement à voir, car de fortes pressions publiques et des menaces politiques peuvent encore ramener le prince héritier dans le « droit chemin » du néolibéralisme. Pourtant, ce qui est clair, c’est que l’ascension de MBS a été soutenue par l’élite internationale et l’administration Trump sur la base de la promesse de réformes néolibérales et de ventes massives d’armes américaines à l’Arabie Saoudite. Cependant, dans les mois qui ont précédé la disparition de Khashoggi, MBS a gravement mis en danger ces deux accords, mettant en colère ceux qui avaient soutenu son accession au pouvoir. Un groupe d’intérêts aussi puissants ne sera pas facile à apaiser.
S’il peut certainement sembler ironique et peut-être amusant pour certains qu’un tyran comme MBS soit soumis à une telle pression de la part de l’élite internationale, il y a lieu de s’inquiéter. En effet, si Vision 2030 est pleinement mis en œuvre — que ce soit par MBS ou par son successeur – imposer le néolibéralisme à la population saoudienne risque de rendre le pays très instable, comme cela s’est presque produit lorsque MBS a essayé de le mettre en œuvre au début de cette année.
L’intense pression des acteurs du pouvoir mondial peut amener MBS à assurer son maintien au pouvoir avant tout, ce qui pourrait l’inciter à mettre en œuvre des « réformes » économiques impopulaires au niveau national, malgré la levée de boucliers qui en résulterait inévitablement. Si les décisions passées de MBS nous servent de boussole, il est certain qu’il utiliserait la force pour écraser toute dissidence. Si cela se produit, on peut s’attendre à ce que beaucoup d’autres Saoudiens subissent un sort similaire à celui de Khashoggi, car l’Arabie saoudite deviendrait un endroit encore plus inhospitalier pour les dissidents.
Whitney Webb écrit pour MintPress News et collabore à Truth in Media, de Ben Swann. Ses travaux ont été publiés sur Global Research, le Ron Paul Institute et 21st Century Wire, entre autres. Elle est également intervenue sur RT et Sputnik radio et télévision. Elle vit actuellement avec sa famille dans le sud du Chili.
Remerciements | L’auteur de cet article tient à remercier Scott Creighton, du blog Nomadic Everyman, pour son aide dans ses recherches sur certains aspects de cette enquête.
Traduction Entelekheia

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